Force de loi
de Jacques Derrida
(codicille)
Dans ma note du 3 juillet dernier, j’ai oublié de manifester ce que m’inspire le peu que Derrida dit du droit, sinon qu’il est déconstructible. La justice le mobilise beaucoup, parce qu’elle témoigne de la déconstruction en raison même du fait qu’elle n’est pas déconstructible. Ce qui est déconstructible est commun, contingent, éphémère, alors que la justice - toute inatteignable et indéfinissable qu’elle soit - intrigue et suscite les meilleures questions par son mystère et par l’occasion qu’elle offre de l’« expérience de l’impossible » (p. 35).
Pourtant, le livre a pris comme titre Force de loi (1). Il annonce ainsi le droit - pas la justice - et place immédiatement le droit dans la sphère de la force, fort près de la violence. Si la question du droit mérite si peu d’être dissimulée derrière le grand thème de la justice, alors il s’impose peut-être - contrairement à l’esquive opérée dans ma note du 3 juillet - de commenter cette deuxième partie du livre intitulée “Prénom de Benjamin” et, surtout, la Critique de la violence (2), ce texte de Walter Benjamin auquel cette deuxième partie est consacrée.
Au risque de paraître négliger bien des considérations émises par Derrida à propos du texte de Benjamin, je voudrais me borner à relever que - une nouvelle fois - il accorde toute son attention à la question de la justice. Et il n’hésite pas, pour ce faire, à renvoyer à un autre texte de Benjamin, à savoir Sur le langage en général et sur le langage humain (3). Je cite :
« […] Benjamin veut donc penser ici une finalité, une justice des fins qui ne soit plus liée à la possibilité du droit, en tout cas à ce qu’on conçoit toujours comme universalisable. L’universalisation du droit est sa possibilité même, elle est analytiquement inscrite dans le concept de justice (Gerechttigkeit). Mais ce qu’on ne comprend pas alors, c’est que cette universalité est en contradiction avec Dieu lui-même, à savoir avec celui qui décide de la légitimité des moyens et de la justice des fins au-dessus de la raison et même au-dessus de la violence destinale. Cette référence soudaine à Dieu au-dessus de la raison et de l’universalité, au-delà d’une sorte d’Aufklärung du droit n’est autre, me semble-t-il, qu’une référence à la singularité irréductible de chaque situation. Et la pensée audacieuse, aussi nécessaire que périlleuse de ce qu’on appellerait ici une sorte de justice sans droit, une justice au-delà du droit (ce n’est pas une expression de Benjamin) vaut aussi bien pour l’unicité de l’individu que pour le peuple et pour la langue, bref pour l’histoire. » (pp. 120-121)
On sent bien que, là encore, c’est la justice qui vaut d’être explorée. Or, dans le texte de Benjamin relatif à la violence, c’est l’aspect politique et social de la question qui est discuté. La violence fondatrice et la violence conservatrice sont examinées, essentiellement en rapport avec leur justification politique. Benjamin y laisse transparaître son intérêt pour la pensée de Marx, et aussi pour celle de Georges Sorel. Il faut dire que ce texte fut rédigé en 1921, deux ans à peine après la révolte spartakiste. Alors que le texte relatif au langage (4) dans lequel Derrida va puiser est de 1916 et sera en partie contredit par l’auteur lui-même dans une optique moins spiritualiste (5).
Pour aller sans tarder à ce qui me paraît essentiel, je pense que l’universalisation du droit est une idée assez paradoxale, dans la mesure où c’est encore la morale localement et temporellement émergente qui dicte cette idée d’universalisation. Elle se fonde en fait sur la conviction que l’expression de préférences morales traduit une aspiration naturelle, ou à tout le moins unanimement partagée. Or - et cela est pour moi capital -, ce n’est pas la morale qui fait l’histoire, mais bien plutôt l’histoire qui fait la morale. C’est pour la même raison que je considère que l’explication du droit positif par la force, la violence ou même l’intimidation ne fournit pas la clé du phénomène.
Walter Benjamin n’hésite pas à écrire :
« Le droit naturel s’efforce de “justifier” les moyens par la justice des fins ; le droit positif s’efforce de “garantir” la justice des fins par la légitimité des moyens. » (6)
Il offre ainsi à la réflexion ce que serait la nature profonde du jusnaturalisme et du juspositivisme. Ce n’est pas pour autant très convaincant, d’abord parce que les points de vue n’ont pas toujours été aussi tranchés, ensuite parce que les débats tournant autour de ces conceptions du droit connaîtrons ultérieurement divers bouleversements (7). Curieusement, la recherche des fondements du droit reste marquée par l’idée que le droit serait une manifestation de quelque chose qui dépasse la vie sociale, comme si la parole contenait là une révélation ou plus simplement une consigne qui transcende l’organisation de la société (ce que, par exemple, donne à voir le Décalogue). Le positivisme n’évite pas l’écueil, ainsi que j’ai tenté de le montrer à propos du Cap des tempêtes de Lucien François (8).
Peu importe qu’il faille donner raison à Thomas Hobbes ou à Jean-Jacques Rousseau, l’idée même de contrat social n’est qu’une manière de réclamer un ordre juridique différent, despotique pour Hobbes, démocratique pour Rousseau. Un ordre juridique existait déjà, celui qu’il fallait modifier ou remplacer. Le fait qui me semble le plus déterminant, c’est ce besoin de règles qui caractérise toute vie sociale et qui, selon moi, relègue la force, le pouvoir et la violence dans la part de conséquences que ce besoin entraîne à sa suite. Il n’est évidemment pas question de négliger le rôle que joue la domination dans le contenu du droit. Mais dès lors qu’il s’agit de s’interroger sur la nature du droit, il me paraît malaisé de ne pas mettre en avant le besoin de règles, notamment en raison du fait qu’il permet d’expliquer tous les droits, toutes les règles, y compris celles qui échappent à toute justification rationnelle. Cela devient assez évident dès lors que l’on se penche sur les règles les plus irrationnelles, telles les interdits alimentaires à caractère religieux.
Par exemple, le cacherout interdit de consommer ensemble viande et produits lactés. « Tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère. », répété trois fois dans le Tanakh (9), reste un argument bien faible, non seulement parce qu’il relève de la Révélation, mais aussi parce que le cacherout exige beaucoup plus que ce que le verset affirme. Mais je pourrais tout aussi bien évoquer ces règles invisibles que s’infligent les jeunes qui participent à un festival de rock et qui dictent ce qui se fait et ce qui ne se fait pas en pareille occasion, pas davantage fondées sur une motivation rationnelle. Le besoin de règle va de paire avec un attachement aux règles dont on sous-estime souvent la puissance, notamment lorsqu’on juge si ingénument la difficulté d’intégration des immigrés.
Après avoir conféré à la notion de justice une primauté justifiée par son indéconstructibilité, Derrida n’hésite pas à rapprocher justice et vérité, comme si l’inatteignabilité de l’une comme de l’autre les rendait intrinsèquement complices. Or, c’est avec la raison que la vérité doit être associée, puisque c’est la raison qui, en principe, ambitionne de démêler le vrai du faux. Le réel nous apprend que la justice n’est évoquée que pour soumettre les règles au filtre de la morale.
(1) Jacques Derrida, Force de loi. Le “fondement mystique de l’autorité”, Galilée, 1994.
(2) Walter Benjamin, Œuvres I, Gallimard, Folio, 2000, pp. 210-243.
(3) Walter Benjamin, Op. cit., pp. 142-165.
(4) Personnellement, je trouve ce texte très intéressant. On y découvre une conception des « contenus spirituels » et de l’ « essence spirituelle » - mise en rapport avec le langage - qui me semble éclairante, y compris lorsqu’elle fonde sa réflexion sur ce que la Bible laisse supposer de l’épiphanie du langage.
(5) Cf. Walter Benjamin, “Sur le pouvoir d’imitation” in Œuvres II, Gallimard, Folio, 2000, pp. 359-363.
(6) Walter Benjamin, Œuvres I, p. 212.
(7) Sur ces bouleversements, cf. notamment Jean-Baptiste Le Bohec, “Norberto Bobbio et la crise du positivisme juridique dans l’Italie d’après-guerre” in Varia, n° 112, mars 2022, pp. 511-532, consultable sur le site Cairn-info. Le Bohec y définit les deux courants comme suit : « De même que nous pouvons définir le jusnaturalisme comme la doctrine selon laquelle il existe un droit naturel immuable au-delà du droit positif conventionnel et changeant, nous pouvons considérer le positivisme comme la doctrine d’après laquelle il n’existe pas de droit, au sens propre, en dehors du droit positif. »
(8) Lucien François, Le cap des tempêtes, 2e éd., Bruylant & L.G.D.J, Bruxelles, 2012. Cf. sur ce livre mes notes des 29 juin 2010, 7 décembre 2012 et 4 février 2015.
(9) Exode 23:19 et 34:26 ; Deutéronome 14:21.
Autres notes sur Derrida :
Derrida de Benoît Peeters
Force de loi
dimanche 20 juillet 2025
jeudi 3 juillet 2025
Note de lecture : Jacques Derrida
Force de loi
de Jacques Derrida
Force de loi est un ouvrage de Jacques Derrida (1) qui serait dorénavant introuvable, mais que l’amitié de Daniel Giovannangeli m’a valu d’obtenir. Je m’y suis plongé, alors même que peu de choses avaient changé dans les préjugés que je nourrissais sur Derrida il y a une douzaine d’années (2), sinon - et ce n’est pas rien - ce que Daniel m’en a dit.
Ce qui m’attirait dans ce livre, c’est qu’il propose une réflexion sur la justice et le droit, thèmes particulièrement intéressant pour tout qui réfléchit à la morale, à son contenu, à sa pertinence sociale, à sa valeur intrinsèque, à son impact.
Lire Derrida réclame de la patience, parce que le propos est sans cesse emberlificoté dans une multitude de niveaux de langage et de niveaux de propos, comme si chaque idée avancée réclamait une mise en abîme. C’est au moins en partie l’effet que produit ce qu’il appelle la déconstruction. Encore celle-ci n’est-elle pas seulement ce qui pousse à l’emberlificotage ; elle est aussi à la fois la méthode et l’objet d’une certaine manière de penser. C’est à ce point envahissant que l’on en viendrait facilement à se dire que la justice et le droit, l’autorité et le juge, la force et la règle ne sont pas les thématiques principales de l’ouvrage : la thématique centrale, c’est la déconstruction.
La déconstruction est un concept emprunté à Heidegger (Zerstörung, Abbau, Destruktion), mais qui a été réinvestit par Derrida pour lui donner un sens qui n’est sans doute pas lié uniquement à la question de l’être. Que faut-il en penser à partir de son emploi dans Force de loi ? Arrêtons-nous sur quelques-unes de ses invocations.
« La justice en elle-même, si quelque chose de tel existe, hors ou au-delà du droit, n’est pas déconstructible. Pas plus que la déconstruction elle-même, si quelque chose de tel existe. La déconstruction est la justice. C’est peut-être parce que le droit (que je tenterai donc régulièrement de distinguer de la justice) est constructible, en un sens qui déborde l’opposition de la convention et de la nature, c’est peut-être en tant qu’il déborde cette opposition qu’il est constructible - donc déconstructible et, mieux, qu’il rend possible la déconstruction, ou du moins l’exercice d’une déconstruction qui procède au fond toujours à des questions de droit et au sujet du droit. D’où ces trois propositions :
La déconstructibilité du droit (par exemple) rend la déconstruction possible.
L’indéconstructibilité de la justice rend aussi la déconstruction possible, voire se confond avec elle.
Conséquence : la déconstruction a lieu dans l’intervalle qui sépare l’indéconstructibilité de la justice et la déconstructibilité du droit. Elle est possible comme une expérience de l’impossible, là où, même si elle n’existe pas, si elle n’est pas présente, pas encore ou jamais, il y a la justice. Partout où l’on peut remplacer, traduire, déterminer le X de la justice, on devrait dire : la déconstruction est possible, comme impossible, dans la mesure (là) où il y a X (indéconstructible), donc dans la mesure (là) où il y a (l’indéconstructible).
Autrement dit, l’hypothèse et les propositions vers lesquelles je tâtonne ici, appelleraient plutôt pour sous-titre : la justice comme possibilité de déconstruction, la structure du droit ou de la loi, de la fondation, ou de l’auto-autorisation du droit comme possibilité de l’exercice de la déconstruction. Je suis sûr que cela n’est pas clair. J’espère, sans en être sûr, que cela le deviendra un peu tout à l’heure. » (pp. 35-36)
Pas clair ? Oui, c’est le moins que l’on puisse dire. Tentons cependant de cerner autant que possible ce que Derrida veut dire.
La justice est bien évidemment un concept totalement indéfini. Les efforts fournis par le recours à des expressions telles justice distributive, justice commutative, justice immanente, montre bien que le mot appelle du juste sans que ce juste puisse être caractérisé de quelque façon que ce soit. À l’inverse, le droit désigne des règles clairement identifiables, des règles qui aspirent à favoriser le juste, sans y parvenir. Rien là de bien original.
Ce que Derrida ajoute à ce constat, c’est la façon dont la distinction entre justice et droit éclaire - selon lui - la notion de déconstruction. Ici, il me faut tenter de définir ce que Derrida appelle déconstruction, sans trop me préoccuper du fait que lui-même se refuse à la définir, puisqu’elle n’est pas davantage déconstructible que la justice. Je n’ai pas les mêmes raisons que lui d’être prudent (puisque ce mot m’importe peu) ; donc, je me lance :
On peut se demander si Derrida ne nourrit pas l’espoir d’atteindre, grâce à la déconstruction, la vérité de la justice, même s’il prétend plutôt atteindre la vérité de la déconstruction grâce à la justice. Le mot vérité, lui ne l’emploie pas à ce moment-là. Mais il y a de cela quand même, par exemple lorsqu’il écrit :
« Le droit n’est pas la justice. Le droit est l’élément du calcul, et il est juste qu’il y ait du droit, mais la justice est incalculable, elle exige qu’on calcule avec de l’incalculable ; et les expériences aporétiques sont des expériences aussi improbables que nécessaires de la justice, c’est-à-dire de moments où la décision entre le juste et l’injuste n’est jamais assurée par une règle. » (p. 38)
Entendez : s’il est des moments où il est possible de décider du juste, et rien que du juste, en ne reculant pas devant l’aporétique, c’est que la justice est touchée du doigt, aussi irréductible soit-elle aux arguments rationnels. Mais, il faut bien l’admettre, aucun casus n’est soluble de la sorte.
En fait, Derrida ne méprise par ouvertement la vérité. Il tend plutôt à rendre naïve la prétention non seulement de l’atteindre, mais même de la rechercher, sans pour cela nier son existence, fût-elle inatteignable. Pour lui, ce serait notamment faire fi de tout ce qui entrave le chemin qui y mène, mais pas seulement. En effet, il écrit :
« Tout énoncé constatif reposant lui-même sur une structure performative au moins implicite […], la dimension de justesse et de vérité des énoncés théorico-consatatifs (dans tous les domaines, en particulier dans le domaine du droit) présuppose donc toujours la dimension de justice des énoncés performatifs, c’est-à-dire leur essentielle précipitation. Celle-ci ne va jamais sans une certaine dissymétrie et quelque qualité de violence. C’est ainsi que je serais tenté d’entendre la proposition de Lévinas qui, dans un tout autre langage et selon une procédure discursive toute différente, déclare que “la vérité suppose la justice”. En parodiant dangereusement l’idiome français, on finirait par dire : “La justice, il n’y a que ça de vrai.” Cela n’est pas sans conséquence, inutile de le souligner, quant au statut, si on peut encore dire de la vérité, de cette vérité dont saint Augustin rappelle qu’il faut la “faire”. » (pp. 59-60)
Je dirais volontiers ce que m’inspirent les précautions qu’il prend pour accepter la phrase de Lévinas, mais il s’agit de tenter d’être bref et donc d’aller à l’essentiel. En l’occurence, l’essentiel, c’est la référence à Augustin. Dans sa “"Confessio" liminaire” au Livre X des Confessions, on trouve ceci :
« “Et voici que tu as chéri la vérité”, / Car celui qui la fait parvient à la lumière. / Je veux donc faire la vérité, / Dans mon cœur, devant toi, par ma confession, / Mais aussi dans mon livre, pour de nombreux témoins. » (5)
La vérité ainsi évoquée, c’est celle de Dieu ; c’est même Dieu lui-même. Ai-je besoin de rappeler ce tournant de la philosophie qu’a représenté cet abandon de la vérité humainement quêtée pendant l’Antiquité, tournant si bien décrit par Ernst Cassirer (6) ? Pour Augustin, la vérité se fond dans la Révélation ; pour Derrida, elle a pour le moins quelque chose de métaphysique. Ce qui est une manière de marquer son dédain pour ceux qui s’avisent de tenter une approche de la vérité. Voilà ce qui suscitait les reproches que Jacques Bouveresse adressait si souvent à ceux qu’il appelait les postmodernes.
Se tenir sur les rives de la déconstruction, c’est d’une certaine manière s’interdire tout choix, et notamment tout choix politique. Soit, mais alors il convient de rester dans l’épochè, une vraie épochè, celle qui est davantage qu’une suspension, une posture immuable. Ce qui compromet ce « il faut » lié au calcul et à la négociation. Et pourtant…
« L’ordre de ce il faut n’appartient proprement ni à la justice ni au droit. Il n’appartient à l’un des deux espaces qu’en le débordant vers l’autre. Ce qui signifie que, dans leur hétérogénéité même, ces deux ordres sont indissociables : en fait et en droit. La politisation, par exemple, est interminable même si elle ne peut et ne doit jamais être totale. Pour que cela ne soit pas un truisme ou une trivialité, il faut en reconnaître la conséquence suivante : chaque avancée de la politisation oblige à reconsidérer, donc à réinterpréter les fondements mêmes du droit tels qu’ils avaient été préalablement calculés ou délimités. Cela fut vrai par exemple à la Déclaration des droits de l’homme, à l’abolition de l’esclavage, dans toutes les luttes émancipatrices qui restent et devront rester en cours, partout dans le monde, pour les hommes et pour les femmes. Rien ne me semble moins périmé que le classique idéal émancipatoire. On ne peut tenter de le disqualifier aujourd’hui, que ce soit de façon grossière ou sophistiquée, sans au moins quelque légèreté et sans nouer les pires complicités. » (pp. 62-63)
Il me semble assez paradoxal de jouer sans cesse avec cette notion très floue de déconstruction qui, en toute hypothèse, traduit le refus de se contenter du sens commun des mots et, en même temps, d’adhérer sans nuance à cet « idéal émancipatoire » qui n’est que la morale du lieu et de l’époque, laquelle s’émancipe d’une morale d’un autre lieu ou d’une autre époque. Voilà qui met Derrida dans ce camp du progrès, un camp qui veut un présent au-dessus du passé ! Aurait-il oublié de déconstruire cette émancipation-là ?
La deuxième partie du livre de Derrida est consacrée à un texte de Walter Benjamin : Critique de la violence (7). J’ai relu ce texte - que j’avais oublié - et je me suis trouvé tant de raisons de le commenter, et davantage encore tant de raisons de commenter ce qu’en dit Derrida, que j’ai renoncé à m’en expliquer dès à présent.
Je l’avouerai sans difficulté : malgré tous mes efforts, je ne comprends pas la déconstruction, ni dans son utilité, ni dans ses ambitions, ni dans sa pertinence, sinon comme une façon (certes intelligente) de montrer que l’on ne tombe jamais dans le piège, le piège que nous tend le monde, le monde social, le monde intime, celui de croire comprendre ce qui nous comprend.
Force m’est d’admettre, cependant, que la lecture de Derrida excite la réflexion. Ainsi, en le lisant, m’est venue l’idée suivante. Une chose peu étudiée, c’est l’impact des doctrines, théories et considérations philosophiques sur le sens commun, de même que l’impact du sens commun sur celles-ci. Toute mesure de ces impacts est évidemment très malaisée, étant donné qu’elle exigerait de vérifier, pour chaque occurrence, la distance qui sépare la pensée d’origine - notamment telle qu’elle est en principe coulée dans le texte qui en témoigne - de ses interprétations, savantes d’abord, triviales ensuite. J’en donne trois exemples relatifs à de ces préceptes pseudo-éclairés qui circulent dans les médias. Il y a d’abord ces “passions tristes” qui permettent de s’autoriser de Spinoza pour condamner certaines opinions. (8) Il y a ensuite cette affirmation selon laquelle “ce qui ne me tue pas, me rend plus fort”, laquelle encourage en quelque sorte de se consoler d’un échec, les plus informés de ceux qui en usent espérant qu’on leur reconnaîtra une certaine connaissance de Nietzsche. (9) Il y a enfin la distinction entre “déconstruit et construit” qui confère une allure d’analyse approfondie aux opinions défendues, laissant supposer aux mieux avertis une référence à Derrida. (10)
(1) Jacques Derrida, Force de loi. Le “fondement mystique de l’autorité”, Galilée, 1994.
(2) Cf. ma note du 21 juillet 2013.
(3) Friedrich Nietzsche, “La généalogie de la morale” in Œuvres vol. 2, Laffont, Bouquins, pp. 739-889.
(4) Il va de soi que l’audace que je me reconnais alors que je tente de définir la déconstruction est bien peu de chose, comparée à l’audace avec laquelle Derrida en parle. Ainsi, évoquant « son impossible possibilité », il renvoie à ce qu’il en disait dans Psyché, Inventions de l’autre (Galilée, 1987, pp. 26-27) : « La déconstruction ne s’est jamais présentée comme quelque chose de possible. […] elle ne perd rien à s’avouer impossible […]. Le danger pour une tâche de déconstruction, ce serait plutôt la possibilité, et de devenir un ensemble disponible de procédures réglées, de pratiques méthodiques, de chemins accessibles. L’intérêt de la déconstruction, de sa force et de son désir, si elle en a, c’est une certaine expérience de l’impossible : c’est-à-dire […] de l’autre, l’expérience de l’autre comme invention de l’impossible, en d’autres termes comme la seule invention possible. » (p. 78, n. 1)
(5) Saint Augustin, Les Confessions précédées de Dialogues philosophiques. Œuvres, I, sous la dir. de Lucien Jerphagnon, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1998, p. 981.
(6) Cf. mes notes des 5 novembre 2024 et 25 mai 2025 dans lesquelles je cite Cassirer évoquant Augustin.
(7) Walter Benjamin, Œuvres I, Gallimard, Folio, 2000, pp. 210-243.
(8) En voici un exemple, pêché sur la “toile”.
(9) En voici un exemple trouvé sur Internet. Si l’expression dont use Nietzsche est bien en rapport avec son état de santé, j’attribue personnellement sa signification à bien autre chose (cf. ma note du 15 novembre 2021).
(10) En voici un exemple des plus drôles découvert sur Youtube.
Autres notes sur Derrida :
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Force de loi (codicille)
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Force de loi est un ouvrage de Jacques Derrida (1) qui serait dorénavant introuvable, mais que l’amitié de Daniel Giovannangeli m’a valu d’obtenir. Je m’y suis plongé, alors même que peu de choses avaient changé dans les préjugés que je nourrissais sur Derrida il y a une douzaine d’années (2), sinon - et ce n’est pas rien - ce que Daniel m’en a dit.
Ce qui m’attirait dans ce livre, c’est qu’il propose une réflexion sur la justice et le droit, thèmes particulièrement intéressant pour tout qui réfléchit à la morale, à son contenu, à sa pertinence sociale, à sa valeur intrinsèque, à son impact.
Lire Derrida réclame de la patience, parce que le propos est sans cesse emberlificoté dans une multitude de niveaux de langage et de niveaux de propos, comme si chaque idée avancée réclamait une mise en abîme. C’est au moins en partie l’effet que produit ce qu’il appelle la déconstruction. Encore celle-ci n’est-elle pas seulement ce qui pousse à l’emberlificotage ; elle est aussi à la fois la méthode et l’objet d’une certaine manière de penser. C’est à ce point envahissant que l’on en viendrait facilement à se dire que la justice et le droit, l’autorité et le juge, la force et la règle ne sont pas les thématiques principales de l’ouvrage : la thématique centrale, c’est la déconstruction.
La déconstruction est un concept emprunté à Heidegger (Zerstörung, Abbau, Destruktion), mais qui a été réinvestit par Derrida pour lui donner un sens qui n’est sans doute pas lié uniquement à la question de l’être. Que faut-il en penser à partir de son emploi dans Force de loi ? Arrêtons-nous sur quelques-unes de ses invocations.
« La justice en elle-même, si quelque chose de tel existe, hors ou au-delà du droit, n’est pas déconstructible. Pas plus que la déconstruction elle-même, si quelque chose de tel existe. La déconstruction est la justice. C’est peut-être parce que le droit (que je tenterai donc régulièrement de distinguer de la justice) est constructible, en un sens qui déborde l’opposition de la convention et de la nature, c’est peut-être en tant qu’il déborde cette opposition qu’il est constructible - donc déconstructible et, mieux, qu’il rend possible la déconstruction, ou du moins l’exercice d’une déconstruction qui procède au fond toujours à des questions de droit et au sujet du droit. D’où ces trois propositions :
La déconstructibilité du droit (par exemple) rend la déconstruction possible.
L’indéconstructibilité de la justice rend aussi la déconstruction possible, voire se confond avec elle.
Conséquence : la déconstruction a lieu dans l’intervalle qui sépare l’indéconstructibilité de la justice et la déconstructibilité du droit. Elle est possible comme une expérience de l’impossible, là où, même si elle n’existe pas, si elle n’est pas présente, pas encore ou jamais, il y a la justice. Partout où l’on peut remplacer, traduire, déterminer le X de la justice, on devrait dire : la déconstruction est possible, comme impossible, dans la mesure (là) où il y a X (indéconstructible), donc dans la mesure (là) où il y a (l’indéconstructible).
Autrement dit, l’hypothèse et les propositions vers lesquelles je tâtonne ici, appelleraient plutôt pour sous-titre : la justice comme possibilité de déconstruction, la structure du droit ou de la loi, de la fondation, ou de l’auto-autorisation du droit comme possibilité de l’exercice de la déconstruction. Je suis sûr que cela n’est pas clair. J’espère, sans en être sûr, que cela le deviendra un peu tout à l’heure. » (pp. 35-36)
Pas clair ? Oui, c’est le moins que l’on puisse dire. Tentons cependant de cerner autant que possible ce que Derrida veut dire.
La justice est bien évidemment un concept totalement indéfini. Les efforts fournis par le recours à des expressions telles justice distributive, justice commutative, justice immanente, montre bien que le mot appelle du juste sans que ce juste puisse être caractérisé de quelque façon que ce soit. À l’inverse, le droit désigne des règles clairement identifiables, des règles qui aspirent à favoriser le juste, sans y parvenir. Rien là de bien original.
Ce que Derrida ajoute à ce constat, c’est la façon dont la distinction entre justice et droit éclaire - selon lui - la notion de déconstruction. Ici, il me faut tenter de définir ce que Derrida appelle déconstruction, sans trop me préoccuper du fait que lui-même se refuse à la définir, puisqu’elle n’est pas davantage déconstructible que la justice. Je n’ai pas les mêmes raisons que lui d’être prudent (puisque ce mot m’importe peu) ; donc, je me lance :
Déconstruire un concept, une notion, un discours, une parole, c’est rechercher ce qui les fait tels qu’ils apparaissent, alors qu’ils dissimulent d’où ils viennent. À cette fin, tous les moyens sont bons : la généalogie, la philologie, l’étymologie, l’histoire, l’analyse, la logique, la philosophie, et même l’anthropologie. (Il existe un modèle premier de cette ambition de décryptage, c’est La Généalogie de la morale de Nietzsche (3).) Mais la définir de cette façon pourrait laisser croire qu’elle aboutit à un résultat tangible, un résultat qui éclaire la chose déconstruite. Or, chez Derrida à tout le moins, les seules avancées décelables sont celles qui permettraient - faut-il y croire ? - d’éclairer la déconstruction elle-même, souvent évoquée comme une sorte de réalité exorbitante de la méthode. (4)Lorsque Derrida affirme que la justice n’est pas déconstructible, il veut sans doute dire qu’il s’agit d’un mot qui renvoie à quelque chose de tellement fondamental, de tellement général - il dirait peut-être de tellement mystique -, qu’elle est en quelque sorte sans ancêtres, sans antécédents, sans passé, qu’elle est préexistante. Elle est donc indécontructible et, par voie de conséquence, son indéconstructibilité montre que d’autres choses, qui n’ont pas cette nature particulière, tel le droit, sont quant à elles déconstructibles. Et puisque la déconstruction est également sans quoi que ce soit qui la fonde, elle est également indéconstructible. La troisième de ces propositions en vient donc à hypostasier la déconstruction, jusqu’à la désigner comme ce que la justice - justice égale dans sa déconstructibilité - rendrait possible.
On peut se demander si Derrida ne nourrit pas l’espoir d’atteindre, grâce à la déconstruction, la vérité de la justice, même s’il prétend plutôt atteindre la vérité de la déconstruction grâce à la justice. Le mot vérité, lui ne l’emploie pas à ce moment-là. Mais il y a de cela quand même, par exemple lorsqu’il écrit :
« Le droit n’est pas la justice. Le droit est l’élément du calcul, et il est juste qu’il y ait du droit, mais la justice est incalculable, elle exige qu’on calcule avec de l’incalculable ; et les expériences aporétiques sont des expériences aussi improbables que nécessaires de la justice, c’est-à-dire de moments où la décision entre le juste et l’injuste n’est jamais assurée par une règle. » (p. 38)
Entendez : s’il est des moments où il est possible de décider du juste, et rien que du juste, en ne reculant pas devant l’aporétique, c’est que la justice est touchée du doigt, aussi irréductible soit-elle aux arguments rationnels. Mais, il faut bien l’admettre, aucun casus n’est soluble de la sorte.
En fait, Derrida ne méprise par ouvertement la vérité. Il tend plutôt à rendre naïve la prétention non seulement de l’atteindre, mais même de la rechercher, sans pour cela nier son existence, fût-elle inatteignable. Pour lui, ce serait notamment faire fi de tout ce qui entrave le chemin qui y mène, mais pas seulement. En effet, il écrit :
« Tout énoncé constatif reposant lui-même sur une structure performative au moins implicite […], la dimension de justesse et de vérité des énoncés théorico-consatatifs (dans tous les domaines, en particulier dans le domaine du droit) présuppose donc toujours la dimension de justice des énoncés performatifs, c’est-à-dire leur essentielle précipitation. Celle-ci ne va jamais sans une certaine dissymétrie et quelque qualité de violence. C’est ainsi que je serais tenté d’entendre la proposition de Lévinas qui, dans un tout autre langage et selon une procédure discursive toute différente, déclare que “la vérité suppose la justice”. En parodiant dangereusement l’idiome français, on finirait par dire : “La justice, il n’y a que ça de vrai.” Cela n’est pas sans conséquence, inutile de le souligner, quant au statut, si on peut encore dire de la vérité, de cette vérité dont saint Augustin rappelle qu’il faut la “faire”. » (pp. 59-60)
Je dirais volontiers ce que m’inspirent les précautions qu’il prend pour accepter la phrase de Lévinas, mais il s’agit de tenter d’être bref et donc d’aller à l’essentiel. En l’occurence, l’essentiel, c’est la référence à Augustin. Dans sa “"Confessio" liminaire” au Livre X des Confessions, on trouve ceci :
« “Et voici que tu as chéri la vérité”, / Car celui qui la fait parvient à la lumière. / Je veux donc faire la vérité, / Dans mon cœur, devant toi, par ma confession, / Mais aussi dans mon livre, pour de nombreux témoins. » (5)
La vérité ainsi évoquée, c’est celle de Dieu ; c’est même Dieu lui-même. Ai-je besoin de rappeler ce tournant de la philosophie qu’a représenté cet abandon de la vérité humainement quêtée pendant l’Antiquité, tournant si bien décrit par Ernst Cassirer (6) ? Pour Augustin, la vérité se fond dans la Révélation ; pour Derrida, elle a pour le moins quelque chose de métaphysique. Ce qui est une manière de marquer son dédain pour ceux qui s’avisent de tenter une approche de la vérité. Voilà ce qui suscitait les reproches que Jacques Bouveresse adressait si souvent à ceux qu’il appelait les postmodernes.
Se tenir sur les rives de la déconstruction, c’est d’une certaine manière s’interdire tout choix, et notamment tout choix politique. Soit, mais alors il convient de rester dans l’épochè, une vraie épochè, celle qui est davantage qu’une suspension, une posture immuable. Ce qui compromet ce « il faut » lié au calcul et à la négociation. Et pourtant…
« L’ordre de ce il faut n’appartient proprement ni à la justice ni au droit. Il n’appartient à l’un des deux espaces qu’en le débordant vers l’autre. Ce qui signifie que, dans leur hétérogénéité même, ces deux ordres sont indissociables : en fait et en droit. La politisation, par exemple, est interminable même si elle ne peut et ne doit jamais être totale. Pour que cela ne soit pas un truisme ou une trivialité, il faut en reconnaître la conséquence suivante : chaque avancée de la politisation oblige à reconsidérer, donc à réinterpréter les fondements mêmes du droit tels qu’ils avaient été préalablement calculés ou délimités. Cela fut vrai par exemple à la Déclaration des droits de l’homme, à l’abolition de l’esclavage, dans toutes les luttes émancipatrices qui restent et devront rester en cours, partout dans le monde, pour les hommes et pour les femmes. Rien ne me semble moins périmé que le classique idéal émancipatoire. On ne peut tenter de le disqualifier aujourd’hui, que ce soit de façon grossière ou sophistiquée, sans au moins quelque légèreté et sans nouer les pires complicités. » (pp. 62-63)
Il me semble assez paradoxal de jouer sans cesse avec cette notion très floue de déconstruction qui, en toute hypothèse, traduit le refus de se contenter du sens commun des mots et, en même temps, d’adhérer sans nuance à cet « idéal émancipatoire » qui n’est que la morale du lieu et de l’époque, laquelle s’émancipe d’une morale d’un autre lieu ou d’une autre époque. Voilà qui met Derrida dans ce camp du progrès, un camp qui veut un présent au-dessus du passé ! Aurait-il oublié de déconstruire cette émancipation-là ?
La deuxième partie du livre de Derrida est consacrée à un texte de Walter Benjamin : Critique de la violence (7). J’ai relu ce texte - que j’avais oublié - et je me suis trouvé tant de raisons de le commenter, et davantage encore tant de raisons de commenter ce qu’en dit Derrida, que j’ai renoncé à m’en expliquer dès à présent.
Je l’avouerai sans difficulté : malgré tous mes efforts, je ne comprends pas la déconstruction, ni dans son utilité, ni dans ses ambitions, ni dans sa pertinence, sinon comme une façon (certes intelligente) de montrer que l’on ne tombe jamais dans le piège, le piège que nous tend le monde, le monde social, le monde intime, celui de croire comprendre ce qui nous comprend.
Force m’est d’admettre, cependant, que la lecture de Derrida excite la réflexion. Ainsi, en le lisant, m’est venue l’idée suivante. Une chose peu étudiée, c’est l’impact des doctrines, théories et considérations philosophiques sur le sens commun, de même que l’impact du sens commun sur celles-ci. Toute mesure de ces impacts est évidemment très malaisée, étant donné qu’elle exigerait de vérifier, pour chaque occurrence, la distance qui sépare la pensée d’origine - notamment telle qu’elle est en principe coulée dans le texte qui en témoigne - de ses interprétations, savantes d’abord, triviales ensuite. J’en donne trois exemples relatifs à de ces préceptes pseudo-éclairés qui circulent dans les médias. Il y a d’abord ces “passions tristes” qui permettent de s’autoriser de Spinoza pour condamner certaines opinions. (8) Il y a ensuite cette affirmation selon laquelle “ce qui ne me tue pas, me rend plus fort”, laquelle encourage en quelque sorte de se consoler d’un échec, les plus informés de ceux qui en usent espérant qu’on leur reconnaîtra une certaine connaissance de Nietzsche. (9) Il y a enfin la distinction entre “déconstruit et construit” qui confère une allure d’analyse approfondie aux opinions défendues, laissant supposer aux mieux avertis une référence à Derrida. (10)
(1) Jacques Derrida, Force de loi. Le “fondement mystique de l’autorité”, Galilée, 1994.
(2) Cf. ma note du 21 juillet 2013.
(3) Friedrich Nietzsche, “La généalogie de la morale” in Œuvres vol. 2, Laffont, Bouquins, pp. 739-889.
(4) Il va de soi que l’audace que je me reconnais alors que je tente de définir la déconstruction est bien peu de chose, comparée à l’audace avec laquelle Derrida en parle. Ainsi, évoquant « son impossible possibilité », il renvoie à ce qu’il en disait dans Psyché, Inventions de l’autre (Galilée, 1987, pp. 26-27) : « La déconstruction ne s’est jamais présentée comme quelque chose de possible. […] elle ne perd rien à s’avouer impossible […]. Le danger pour une tâche de déconstruction, ce serait plutôt la possibilité, et de devenir un ensemble disponible de procédures réglées, de pratiques méthodiques, de chemins accessibles. L’intérêt de la déconstruction, de sa force et de son désir, si elle en a, c’est une certaine expérience de l’impossible : c’est-à-dire […] de l’autre, l’expérience de l’autre comme invention de l’impossible, en d’autres termes comme la seule invention possible. » (p. 78, n. 1)
(5) Saint Augustin, Les Confessions précédées de Dialogues philosophiques. Œuvres, I, sous la dir. de Lucien Jerphagnon, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1998, p. 981.
(6) Cf. mes notes des 5 novembre 2024 et 25 mai 2025 dans lesquelles je cite Cassirer évoquant Augustin.
(7) Walter Benjamin, Œuvres I, Gallimard, Folio, 2000, pp. 210-243.
(8) En voici un exemple, pêché sur la “toile”.
(9) En voici un exemple trouvé sur Internet. Si l’expression dont use Nietzsche est bien en rapport avec son état de santé, j’attribue personnellement sa signification à bien autre chose (cf. ma note du 15 novembre 2021).
(10) En voici un exemple des plus drôles découvert sur Youtube.
Autres notes sur Derrida :
Derrida de Benoît Peeters
Force de loi (codicille)
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