jeudi 20 septembre 2012

Note d’opinion : l’axe gauche-droite

À propos de l’axe gauche-droite en politique

Jeune, je me suis engagé à gauche. Ma famille n’était pas de ce bord et il n’est pas impossible que j’y aie été poussé par une envie d’indépendance. À l’époque, je me suis bien sûr donné des raisons plus nobles et plus rationnelles de prendre ce parti, en rapport avec un certain souci du sort du peuple.

Les notions de gauche et de droite en politique sont à la fois très prégnantes et très floues. Tout qui en conteste la pertinence est facilement contredit et soupçonné de dissimuler son appartenance. Il n’est pourtant pas douteux que ces notions n’ont rien d’éternel.

En France, durant les temps modernes, la politique a connu plusieurs clivages de ce type, exclusifs et binaires. Entre 1530 et 1650, huguenots et catholiques formaient les deux camps opposés ; de 1650 à la Révolution, c’est la Fronde qui servit de ligne de partage entre le parti des nobles et celui du Roi ; la Révolution vit naître la distinction entre droite et gauche.

Qu’est-ce qui sépare la droite de la gauche ? Voilà une question à laquelle il aurait été plus aisé de répondre si la peine avait été prise d’enquêter régulièrement sur les opinions dominantes prévalant dans les deux camps. Ce fut fait à l’occasion, mais on ne peut en retenir que quelques photographies, pas un film. Ces quelques photographies laissent deviner une ligne de partage changeante et floue, déterminante à l’égard de certaines questions, invalide vis-à-vis d’autres. Outre les opinions dominantes, la droite et la gauche peuvent également être approchées à partir de l’opinion globale que s’en font la majorité des gens. Ainsi, très longtemps, la gauche a été regardée comme le courant politique qui cherche à changer les choses et qui recherche le progrès, là où la droite était perçue comme le rassemblement de ceux qui préfèrent que rien ne change, sauf à revenir à des formules du passé.

Il me semble que cette dernière distinction s’est profondément modifiée au cours des trente dernières années. Au cours des années 70 - c’est peut-être là une conséquence de mai 68 -, certains tenants de la droite ont peut-être compris en quelle défaveur ils pouvaient tomber si les intérêts qu’ils défendaient restaient enfermés dans l’immobilisme. Le défi consistait à mettre un terme à ce qu’il y avait quelquefois de honteux à s’avouer de droite. Sont alors apparues des attitudes nouvelles qui ont progressivement amené la droite à prôner des réformes, réforme de l’entreprise d’abord, réforme de l’État ensuite. Tant et si bien qu’aujourd’hui, il est assez fréquent que la droite soit assimilée au changement. Et cela d’autant plus aisément que la gauche se voit condamnée, en raison des intérêts qu’elle défend, à camper sur des solutions acquises.

Ce bouleversement de l’image globale de l’axe gauche-droite pourrait-il annoncer sa disparition et son remplacement par un nouveau clivage ? Qui peut le dire ? Le peuple, dont la définition a fortement évolué, est à présent aussi sollicité par la droite que par la gauche et la démagogie - face sombre et inévitable de la démocratie - renouvelle sans cesse ses formes, de telle sorte que la tromperie politique s’adapte continûment aux nouvelles techniques d’information et de communication.

Un ami me demandait récemment si j’étais toujours de gauche. Cette question m’a contraint à me demander qui m’irritait le plus des politiciens de gauche ou de droite. Pour être franc, je dirais qu’ils ne m’irritent pas de la même manière. Ceux de gauche ont trop souvent tendance à mon gré à exhiber une générosité et une solidarité mieux faites pour rapporter des profits à ceux qui les exhibent qu’à ceux qui devraient en bénéficier. Ceux de droite camouflent trop volontiers leurs intérêts personnels ou de classe derrière l’intérêt général. Tout cela est bien sûr sommaire et relève d’une irritation superficielle, mais qui oserait prétendre que le premier geste n’est pas souvent de cette nature. À nous de lui préférer le second, plus réfléchi.

Mon scepticisme actuel face à la politique n’a certainement rien d’original. Il témoigne d’une certaine manière de subir les déterminations sociales, ce qui ne me dispense pas de lui trouver des justifications rationnelles. En l’occurrence, il me laisse croire qu’il est préférable d’estimer les humains indépendamment de leurs préférences politiques, qu’elles soient de gauche ou de droite. Qu’y a-t-il dès lors d’étonnant à ce que ma sympathie la plus immédiate aille vers celles et ceux pour qui l’engagement politique n’est pas primordial ? Quant aux politiques, si je préfère Hollande à Sarkozy, par exemple, ce n’est sans doute pas pour des raisons politiques.

Il est un problème dont la nature politique est incontestable et qui ne me laisse en rien indifférent, c’est celui de la violence. J’appartiens à une génération que la Deuxième Guerre mondiale a fortement influencé. À l’inverse de la Première Guerre, qui a encouragé le pacifisme d’une façon qui provoquera certains malentendus célèbres, la Deuxième a justifié la Résistance et ses attentats. Il était dès lors très facilement affirmé, dans les années 50 et 60, que l’avènement d’un ordre social nouveau justifiait éventuellement le recours à la violence, et même au meurtre, voire à l’exécution. Depuis, les temps ont changé et les esprits ont évolué. Le contexte d’un débat sur le recours à la violence n’est certainement plus le même. Mais la force reste la force et ce débat - assurément souhaitable - affronterait de toutes façons d’immenses difficultés. Ce qui ne doit en rien décourager de l’entreprendre.

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