mardi 18 septembre 2007

Note sur une oeuvre : Jean-Jacques Rousseau

Jean-Jacques Rousseau (1)

Je voudrais expliquer de quelle façon j’en suis venu à aimer Jean-Jacques Rousseau. Ce fut lent, progressif, mais très probablement irréversible.

Jean-Jacques Rousseau n’est pas un auteur comme les autres. Si vous l’aimez, il est probable que vous ne pourrez l’avouer qu’en vous excusant. Et si vous le détestez, vous ne pourrez le faire savoir que triomphalement. Curieux destin que celui de cet écrivain, ce poète, ce philosophe, cet historien, ce moraliste, ce politologue, ce linguiste, ce musicien, ce botaniste – et j’en passe – dont l’intelligence est à ce point prodigieuse qu’elle est aisément prise pour de la folie et que ceux qui s’enflamment pour lui ont bien du mal à en convenir ouvertement. Un ami me faisait récemment remarquer que Alain, grand passionné de Rousseau, ne le citait pas volontiers dans sa liste des grands (Platon, Descartes, Comte, etc.), mais préférait expliquer occasionnellement l’admiration qu’il éprouvait à son égard, au détour d’un propos ou d’une réflexion.

J’ai moi-même été victime de cette notoriété ambiguë, puisque j’ai mis très longtemps à admettre l’évidence de son génie. C’est avec l’espoir d’épargner à certains le lent et long chemin qui fut le mien que je me suis résolu à vous en faire le récit. Évidemment, ce qui importe, ce n’est pas moi, mais lui. Et d’ailleurs, que chacun se rassure, je m’exprimerai peu : je laisserai parler Rousseau.

Rousseau, de son vivant, imagina être la victime d’un grand complot. Et certaines de ses œuvres, parmi les plus belles – Les lettres écrites de la montagne, la Lettre à Christophe de Beaumont, les Dialogues, Les rêveries d’un promeneur solitaire – traduisent un violent sentiment de persécution. Pourquoi ? Mais parce que, persécuté, il le fut ; tout simplement. Il n’y a sans doute pas eu ce grand dessein secret et concerté que Jean-Jacques finit par soupçonner. Mais il y eut bien des malveillances, bien des intrigues et bien des trahisons. Quelque chose de ce climat s’est perpétué après sa mort et a participé à générer beaucoup d’incompréhensions : que ce soit du côté de ses sectateurs – tel Robespierre, qui a compris le Contrat social de travers (et il n’est pas le seul, loin s’en faut) –, que ce soit du côté de ses opposants – tel Taine qui l’accuse bizarrement de collectivisme –, Rousseau n’en finit pas d’être déformé, trahit, récupéré, mal compris. Au point que l’image qui dominera jusqu’aujourd’hui est celle d’un homme incohérent, extravagant, confus. C’est-à-dire très précisément le contraire de ce qu’il fut.


J’ai eu la chance de faire des études secondaires à un moment où on y parlait encore des classiques. Et, par conséquent, on m’a parlé de Jean-Jacques Rousseau. Evidemment, ce qu’on m’en a dit corroborait l’image d’un homme étrange. J’ai retrouvé l’édition de 1969 du "Lagarde & Michard" consacré au XVIIIe siècle. 1969, c’est à peine cinq ou six ans après ma poésie (comme on disait à l’époque) et ce qui s’y trouve ne doit donc guère s’écarter de ce qui me fut enseigné. Or, le Rousseau qu’on y découvre, au départ d’extraits choisis en vue d’appuyer la démonstration, c’est un naturiste annonciateur du romantisme, un ennemi des arts, des spectacles et plus généralement de la civilisation, un adversaire de la propriété et, surtout, un angoissé épris de solitude, asocial, voire fou. On pourrait m’accuser de grossir le trait. Nullement. Si j’en avais le temps, je pourrais vous lire Lagarde & Michard : le trait y est aussi gros que ce que j’en dis. Un seul exemple. À propos du Contrat social, Lagarde & Michard affirment qu’il s’agit d’un contrat « qui assure à chaque citoyen la protection de la communauté et lui [rend] les avantages de la liberté et de l’égalité » (2). Curieuse interprétation ! Mais ce n’est pas tout : quant à la notion de volonté générale qui sous-tend le contrat, « c’est, disent-ils, sous certaines conditions, la volonté de la majorité » (3) ! En fait, c’est tout sauf ça ! Le comique de l’affaire, c’est que, signalant que la lecture du Contrat social doit être « lente et réfléchie », Lagarde & Michard citent (4) une phrase que Rousseau a placée au début du Livre III : « …je ne sais pas l’art d’être clair pour qui ne veut pas être attentif » (5). Lagarde & Michard n’ont pas été attentifs, cela me paraît indéniable et, par conséquent, le Contrat social ne leur paraît pas clair.

Dans ce contexte, je n’ai ressenti aucune envie de lire Rousseau et cette image commune de lui perdurant - elle reste aujourd’hui pratiquement inchangée d’ailleurs – j’aurais sans doute comme beaucoup négligé à tout jamais de le lire. Seulement voilà, il y eut Lévi-Strauss.


Quand j’ai lu Claude Lévi-Strauss – cela m’a occupé de très nombreuses années -, trois choses m’ont frappé, au sujet de Rousseau. La première, c’est qu’il en parle souvent, et de manière très admirative. La deuxième, c’est qu’il se garde soigneusement de résumer Rousseau : pas de condensé de ses théories, pas d’abrégé de ses idées ; par conséquent, aucune réponse – aucune allusion même – aux topiques habituelles. La troisième, c’est qu’il en appelle à des idées de Rousseau bien étonnantes, étonnantes en tout cas pour qui connaît Rousseau comme je croyais à l’époque le connaître.

Chacun sait que Lévi-Strauss regarde Rousseau comme le fondateur de l’ethnologie. De prime abord – je m’en souviens –, je fus sceptique. Rousseau ethnologue ? Tiens ! Dans le Discours sur l’origine de l’inégalité, il y a – il est vrai – quelques passages qui peuvent le laisser penser, tel celui-ci par exemple :
« …toute la terre est couverte de Nations dont nous ne connaissons que les noms, et nous nous mêlons de juger le genre humain ! Supposons un Montesquieu, un Buffon, un Diderot, un Duclos, un d’Alembert, un Condillac, ou des hommes de cette trempe voyageant pour instruire leurs compatriotes, observant et décrivant comme ils savent faire, la Turquie, l’Egypte, la Barbarie, l’Empire du Maroc, la Guinée, le pays des Caffres, l’intérieur de l’Afrique et ses côtes Orientales, les Malabres, le Mogol, les rives du Gange, les Royaumes de Siam, de Pegu et d’Ava, la Chine, la Tartarie, et surtout le Japon : puis dans l’autre Hémisphère le Mexique, le Pérou, le Chili, les Terres Magellaniques, sans oublier les Patagons, vrais ou faux, le Tucuman, le Paraguai s’il était possible, le Brezil, enfin les Caraïbes, la Floride et toutes les contrées Sauvages, voyage le plus important de tous et celui qu’il faudrait faire avec le plus de soin ; supposons que ces nouveaux Hercules, de retour de ces courses mémorables, fissent ensuite à loisir l’Histoire naturelle Morale et Politique de ce qu’ils auraient vu, nous verrions nous mêmes sortir un monde nouveau de dessous leur plume, et nous apprendrions ainsi à connaître le nôtre… » (6)
Le projet ethnologique est là, c’est vrai. Mais sur quoi repose-t-il ? Après tout combien nombreux sont ces conquistadors et ces évangélisateurs qui nous ont laissés des récits détaillés de leurs voyages en terres inconnues. Ce n’est pas la curiosité que Rousseau invente, c’est bien plus que cela. Et Lévi-Strauss pense à ce moment ineffable que Rousseau vécut sur le chemin de Vincennes : « On connaît dans la vie de Rousseau, écrit Lévi-Strauss, une minute – une seconde peut-être – dont en dépit de sa ténuité, la signification commande à ses yeux tout le reste. » (7) De cette minute, il lui restera le souvenir d’un sentiment d’exister qui doit tout à tout. Dans la « Septième promenade » encore, il en parlera ainsi : « Je sens des extases, des ravissements inexprimables à me fondre, pour ainsi dire, dans le système des êtres, à m’identifier avec la nature entière. » Ce qui amènera Claude Lévi-Strauss à s’exprimer comme ceci – je reprends les dernières lignes du discours qu’il prononça à Genève lors du deux-cent cinquantième anniversaire de la naissance de Rousseau, le 28 juin 1962 :
« Cette identification primitive, dont l’état de société refuse l’occasion à l’homme, et que, rendu oublieux de sa vertu essentielle, celui-ci ne parvient plus à éprouver, sinon de façon fortuite et par le jeu de circonstances dérisoires, nous donne accès au cœur même de l’œuvre de Rousseau. Et si nous faisons à celle-ci une place à part dans les grandes productions du génie humain, c’est que son auteur n’a pas seulement découvert, avec l’identification, le vrai principe des sciences humaines et le seul fondement possible de la morale : il nous a aussi restitué l’ardeur, depuis deux siècles et pour toujours fervente en ce creuset où s’unissent des êtres que l’amour-propre des politiques et des philosophes s’acharne, partout ailleurs, à rendre incompatibles : le moi et l’autre, ma société et les autres sociétés, la nature et la culture, le sensible et le rationnel, l’humanité et la vie. » (8)
Ai-je besoin de dire que je n’ai pas compris ce texte en première lecture comme je le comprends aujourd’hui, après la métamorphose que m’a fait subir une lecture assez approfondie de Rousseau ? Reste pourtant que – persuadé que Lévi-Strauss ne pouvait pas se tromper – je me suis progressivement plongé dans l’œuvre de Rousseau.


Je me suis plongé dans l’œuvre de Rousseau, mais je l’ai fait sans véritablement vouloir me dessiller les yeux. Et cela, parce que quelque chose me poussait à croire que l’engouement de Lévi-Strauss relevait quelque peu d’un béguin irrationnel. Après tout, me disais-je, il est étrange que Lévi-Strauss dise tant de bien de Rousseau et tant de mal de Diderot, alors que le premier est si distant de son matérialisme irréligieux et le second si proche. Je n’avais rien compris. Je regardais encore le domaine de la pensée comme un champ de bataille sur lequel évoluaient des armées homogènes, groupées derrière des bannières. Et je continuais de chercher dans les pages lues la confirmation du Rousseau que Lagarde & Michard avait dépeint. Tant et si bien que mes premières lectures de Rousseau m’ont surtout permis de découvrir la force, le charme et la beauté d’une plume à nulle autre pareille. Et ce charme agissait particulièrement lorsque Rousseau flattait mes propres goûts, bien sûr.

Voici quelques exemples de ce qui me touchait particulièrement. J’aimais beaucoup, alors, la marche à pied, notamment parce qu’elle alliait l’espace et la pensée. Aussi étais-je ravi de lire un passage comme celui-ci, dans le "Livre quatrième" des Confessions :
« La chose que je regrette le plus dans les détails de ma vie dont j’ai perdu la mémoire est de n’avoir pas fait des journaux de mes voyages. Jamais je n’ai tant pensé, tant existé, tant vécu, tant été moi, si j’ose ainsi dire, que dans ceux que j’ai fait seul et à pied. La marche a quelque chose qui anime et avive mes idées : je ne puis presque penser quand je reste en place ; il faut que mon corps soit en branle pour y mettre mon esprit. La vue de la campagne, la succession des aspects agréables, le grand air, le grand appétit, la bonne santé que je gagne en marchant, la liberté du cabaret, l’éloignement de tout ce qui me fait sentir ma dépendance, de tout ce qui me rappelle à ma situation, tout cela dégage mon âme, me donne une plus grande audace de penser, me jette en quelque sorte dans l’immensité des êtres pour les combiner, les choisir, me les approprier à mon gré sans gêne et sans crainte. Je dispose en maître de la nature entière ; mon cœur errant d’objet en objet s’unit, s’identifie à ceux qui le flattent, s’entoure d’images charmantes, s’enivre de sentiments délicieux. Si pour les fixer je m’amuse à les décrire en moi-même, quelle vigueur de pinceau, quelle fraîcheur de coloris, quelle énergie d’expression je leur donne ! On a, dit-on, trouvé de tout cela dans mes ouvrages, quoiqu’écrits vers le déclin de mes ans. O si l’on eut vu ceux de ma première jeunesse, ceux que j’ai faits durant mes voyages, ceux que j’ai composés et que je n’ai jamais écris… pourquoi, direz-vous, ne les pas écrire ? et pourquoi les écrire, vous répondrai-je : Pourquoi m’ôter le charme actuel de la jouissance pour dire à d’autres que j’avais joui ? Que m’importaient des lecteurs, un public et toute la terre, tandis que je planais dans le Ciel ? D’ailleurs portais-je avec moi du papier, des plumes ? Si j’avais pensé à tout cela rien ne me serait venu. Je ne prévoyais pas que j’aurais des idées ; elles viennent quand il leur plaît, non quand il me plaît. Elles ne viennent point, ou elles viennent en foule, elles m’accablent de leur nombre et de leur force. Dix volumes par jour n’auraient pas suffi. Ou prendre du temps pour les écrire ? En arrivant je ne songeais qu’à bien dîner. En partant je ne songeais qu’à bien marcher. Je sentais qu’un nouveau paradis m’attendait à la porte ; je ne songeais qu’à l’aller chercher. » (9)
Et moi qui n’aimait que les paysages de montagne, les paysages accidentés, comment ne pas me laisser ravir par ceci :
« J’aime à marcher à mon aise, et m’arrêter quand il me plaît. La vie ambulante est celle qu’il me faut. Faire route à pied par un beau temps sans être pressé, et avoir pour terme de ma course un objet agréable ; voilà de toutes les manières de vivre celle qui est le plus de mon goût. Au reste on sait déjà ce que j’entends par un beau pays. Jamais pays de plaine, quelque beau qu’il fut, ne parut tel à mes yeux. Il me faut des torrents, des rochers, des sapins, des bois noirs, des montagnes, des chemins raboteux à monter et à descendre, des précipices à mes côtés qui me fassent peur. » (10)

Ajoutons à cela que Rousseau « est l’homme de la première heure du jour. Il croit y retrouver la Création dans sa pureté originelle. » (11) J’ai une impression de nature comparable au sujet de l’aurore ; ma paresse m’a longtemps empêché d’en jouir autant que je l’aurais voulu, mais les misères de l’âge m’aident à présent à me lever et me permettent de me délecter de ces moments exceptionnels.

Et puis aussi, en matière de lecture, quoi de plus agréable que la description suave d’une faiblesse qu’on partage :
« Il faut que je ne sois pas né pour l’étude ; car une longue application me fatigue à tel point qu’il m’est impossible de m’occuper une demi-heure de suite avec force du même sujet, surtout en suivant les idées d’autrui : car il m’est arrivé quelquefois de me livrer plus longtemps aux miennes et même avec assez de succès. Quand j’ai suivi durant quelques pages un auteur qu’il faut lire avec application, mon esprit l’abandonne et se perd dans les nuages. Si je m’obstine je m’épuise inutilement ; les éblouissements me prennent, je ne vois plus rien. Mais que des sujets différents se succèdent, même sans interruption, l’un me délasse de l’autre, et sans avoir besoin de relâche je les suis plus aisément. » (12)

Et je terminerai ce bref florilège par une petite phrase de moins de dix mots en laquelle j’ai cru encore me reconnaître. C’est celle où Rousseau avoue être : « paresseux à faire, par trop d’ardeur à désirer » (13).


Sautons un paquet d’années durant lesquelles – sans être guéri du stéréotype d’un Rousseau confus et déséquilibré – j’ai lentement persévéré dans la lecture. Ce qui m’a aussi progressivement amené à m’informer sur lui auprès d’auteurs qui en ont traité. Ce n’est pas nécessairement ce qu’il faut faire : il vaut mieux lire les grands que ce que des petits – ou en tout cas des moins grands – ont écrit sur les grands. On peut néanmoins en tâter un peu, ne serait-ce que pour s’éviter la vanité de se croire un lecteur infaillible. Il est d’ailleurs étrange de constater que le jugement que l’on porte sur tel ou tel critique peut sensiblement varier au fur et à mesure que l’on pénètre soi-même dans l’œuvre dont il parle. Je ne citerai qu’un seul exemple : Jean Starobinski. Lorsque je lus pour la première fois La transparence et l’obstacle (14), je fus séduit par un travail d’analyse qui me paraissait savant et approfondi. Aujourd’hui, je suis beaucoup plus circonspect : son Montaigne en mouvement (15) me paraît rendre mieux justice à son sujet que ne le fait La transparence et l’obstacle. Et cela parce que Starobinski y accrédite lui aussi la thèse d’un Rousseau multiple et contradictoire. J’entends bien que Jean-Jacques fut travaillé par de nombreuses influences. Mais cela n’empêche pas – et j’ai mis très longtemps à m’en rendre compte – que l’œuvre de Rousseau est une et indivisible, qu’elle exprime un point de vue entièrement équilibré et qu’elle décline continûment la même idée sous une multitude d’aspects et de formes. Si l’on n’accepte pas ce fait, si on ne le voit pas, alors – me semble-t-il – on ne peut pas vraiment comprendre Rousseau. Or, ce fait est très rarement accepté. Ainsi, même la publication de Rousseau dans La Pléiade, co-dirigée par les excellents Bernard Gagnebin et Marcel Raymond, trahit d’une certaine manière cette constante dénégation de l’unité de l’œuvre. Cette publication, étalée sur trente-six ans, de 1959 à 1995, prit le parti de grouper les textes par thèmes : écrits autobiographiques dans le tome I, roman et théâtre dans le tome II, écrits politiques dans le tome III, et ainsi de suite jusqu’au tome V. Ce que je juge personnellement très contestable, car se trouve ainsi renforcée l’idée d’une production disparate, alors que Rousseau parle toujours de la même chose, quelle que soit l’objet de son propos.

Il y a une autre chose qui frappe dans ce qui a été écrit sur Rousseau, c’est la très petite place qu’y occupent les philosophes. Autant la production d’ouvrages consacrés à Rousseau, tous genres confondus, est immense, autant les philosophes y sont rares. Si je m’en tiens à l’essentiel, j’en compte quatre ou cinq : Kant et Fichte, Cassirer, Derrida et Philonenko. Sur Kant, il y a trop à dire et donc je ne dirai rien. Derrida (16) se limite essentiellement à parler de la façon dont Rousseau conçoit l’écriture : c’est contestable et souvent incompréhensible (pour moi, en tout cas). Quand à Philonenko – trois volumes publiés en 1984 sous le titre Jean-Jacques Rousseau et la pensée du malheur (17) –, c’est très intéressant, très fouillé, très lucide, mais c’est fondé sur l’idée d’un Rousseau malheureux ; je suis personnellement tenté de croire qu’il fut heureux, pessimiste et pourtant heureux. Pour Rousseau, le bonheur est dans « le sentiment intime » : « l’état le plus heureux n’est pas le plus honoré de la foule, mais celui qui rend le cœur plus content » (18), écrit-il. Julie dira même à Saint-Preux : « Si vous voulez donc être homme en effet, apprenez à redescendre. » (19)

Reste Cassirer. Ernst Cassirer publia en 1932, en allemand, un important article intitulé Das Problem Jean-Jacques Rousseau. Ce texte ne fut traduit en français qu’en 1987 et je n’en ai pris connaissance que très récemment, à l’occasion de sa réédition l’année passée dans la collection 'Pluriel' (20). De façon très originale, Cassirer y défend l’idée que toute l’œuvre de Rousseau tourne autour d’une seule intuition, celle du souvenir de la nature perdue, gardé vivant par le sentiment. Et je suis aujourd’hui convaincu qu’il a raison.


Sautons encore un paquet d’années. La mue est opérée ; j’ai abandonné ces préjugés charivariques dont on accable communément Rousseau ; je suis résolu à l’admirer. Il ne s’agit plus de lui donner tort, pas plus qu’il ne s’agit de lui donner raison : il convient de le comprendre, de lui prêter de la profondeur pour se donner une chance de voir combien il est profond. Et ma méthode n’est pas de chercher chez cet auteur ancien les réponses aux questions que le temps présent me dicte, mais au contraire d’y quérir ce qui m’étonne et me dérange, comme le meilleur aliment possible pour un esprit empêtré dans le scepticisme.

Il est temps, donc, que je précise comment aujourd’hui je regarde Rousseau. On pourrait croire que la tâche est aisée, puisqu’à un Rousseau multiple j’ai substitué un Rousseau unitaire. Plus besoin dès lors de détailler les aspects variés de l’œuvre pour y supposer des élaborations partielles et provisoires : une idée maîtresse à bien pénétrer, et voilà qui est fait. Et bien non ! Cela reste complexe, parce que Rousseau est un ennemi des systèmes et qu’il se méfie beaucoup des enchaînements d’idées. Il ne veut dire que ce qu’il pense vrai, immédiatement, sans l’intermédiaire d’un raisonnement susceptible de l’égarer. Sur cette façon de penser, bien faite pour nous heurter, il s’explique ainsi – tous les mots méritent d’être bien entendus :
« Je cède à la conviction directe sans m’arrêter aux objections que je ne puis résoudre ; tant parce que ces objections sont fondées sur des principes moins clairs, moins solides dans mon esprit que ceux qui opèrent ma persuasion, que parce qu’en cédant à ces objections je tomberais dans d’autres encore plus invincibles. Je perdrais donc à ce changement la force de l’évidence sans éviter l’embarras des difficultés. Vous dites que ma raison choisit le sentiment que mon cœur préfère, et je ne m’en défends pas. C’est ce qui arrive dans toute délibération où le jugement n’a pas assez de lumières pour se décider sans le concours de la volonté. » (21)

Il est bon, par conséquent, avant même que j’évoque ce que j’appellerai l’intuition fondamentale de Rousseau, que je précise ce qui constitue une sorte de soubassement de sa pensée, à savoir la manière dont il articule raison et passion, et aussi amour de soi et amour-propre.

Rousseau n’est pas le premier à porter l’indécision au cœur même de la raison et à obliger celle-ci à exiger elle-même son propre dépassement. On pense à Montaigne, bien sûr. Mais Rousseau s’y emploie de façon assez originale.

Le Vicaire savoyard explique ceci :
« Exister pour nous, c’est sentir ; notre sensibilité est incontestablement antérieure à notre intelligence, et nous avons eu des sentiments avant des idées. Quelle que soit la cause de notre être, elle a pourvu à notre conservation en nous donnant des sentiments convenables à notre nature, et l’on ne saurait nier qu’au moins ceux-là ne soient innés. Ces sentiments, quant à l’individu, sont l’amour de soi, la crainte de la douleur, l’horreur de la mort, le désir du bien-être. Mais si, comme on n’en peut douter, l’homme est sociable par sa nature, ou du moins fait pour le devenir, il ne peut l’être que par d’autres sentiments innés, relatifs à son espèce ; car à ne considérer que le besoin physique, il doit certainement disperser les hommes, au lieu de les rapprocher. Or c’est du système moral formé par ce double rapport à soi-même et à ses semblables que naît l’impulsion de la conscience. Connaître le bien, ce n’est pas l’aimer, l’homme n’en a pas la connaissance innée ; mais sitôt que sa raison le lui fait connaître, sa conscience le porte à l’aimer : c’est ce sentiment qui est inné. » (22)

Poussons plus loin l’effort de comprendre ce que Rousseau veut dire. Dans la lettre qu’il écrit le 15 janvier 1769 à M. de Franquières, il s’exprime comme ceci – ce à quoi il importe d’être attentif, c’est moins à sa foi en l’Être suprême qu’à son refus de suivre les ratiocinations matérialistes :
« Un idée qui me vint il y a trente ans a peut-être plus contribué qu’aucune autre à me rendre inébranlable. Supposons, me disais-je, le genre humain vieilli jusqu’à ce jour dans le plus complet matérialisme, sans que jamais idée de divinité ni d’âme soit entrée dans aucun esprit humain. Supposons que l’athéisme philosophique ait épuisé tous ses systèmes pour expliquer la formation et la marche de l’univers par le seul jeu de la matière et du mouvement nécessaire, mot auquel, du reste, je n’ai jamais rien conçu. Dans cet état, Monsieur, excusez ma franchise, je supposais encore ce que j’ai toujours vu, et ce que je sentais devoir être : qu’au lieu de se reposer tranquillement dans ces systèmes, comme dans le sein de la vérité, leurs inquiets partisans cherchaient sans cesse à parler de leur doctrine, à l’éclaircir, à l’étendre, à l’expliquer, la pallier, la corriger, et comme celui qui sent trembler sous ses pieds la maison qu’il habite, à l’étayer de nouveaux arguments. Terminons enfin ces suppositions par celle d’un Platon, d’un Clarke, qui, se levant tout d’un coup au milieu d’eux, leur eût dit : mes amis, si vous eussiez commencé l’analyse de cet univers par celle de vous-mêmes, vous eussiez trouvé dans la nature de votre être la clé de la constitution de ce même univers, que vous cherchez en vain sans cela. » (23)

On serait presque tenter de dire, en reprenant l’image du sac de peau qui traversa l’histoire de la philosophie de Platon à Alain, que, pour Rousseau, la raison est dans la tête, les passions dans le ventre et la volonté dans le cœur. Et que le cœur a des droits sur la tête, parce que c’est là que s’exprime la conscience, cette voix du dedans que la morale a pour seul guide. La raison ne peut être sourde ni au ventre, ni au cœur, faute de quoi elle ne pourra que sombrer dans une mécanique discursive mieux faite pour justifier l’injustifiable que pour satisfaire la vérité. Et la raison peut même se mettre au service du cœur pour contraindre la passion. C’est très précisément ce qui fait que La Nouvelle Héloïse n’est pas un roman d’amour, mais bien l’exemple d’une passion amoureuse – ô combien violente – à laquelle le cœur de Julie impose raison.

Voilà qui permet de comprendre qu’il y a des convictions qui préexistent à l’exercice de la raison, des convictions dont l’évidence défie le raisonnement. Lorsque le Vicaire savoyard s’en prend aux athées, c’est bien sûr le « clan holbachique » – comme disait Rousseau – qu’il vise, ces riches méprisants et méprisables qui exhibent leur incroyance comme un brevet de domination sociale et une licence d’immoralisme. Mais ce sur quoi il fonde son attaque, c’est sur la force de l’évidence, celle du cœur, celle que n’égarent pas de fallacieux sophismes. Je cite:
« Comment peut-on être sceptique par système et de bonne foi ? Je ne saurais le comprendre. Ces philosophes, ou n’existent pas, ou sont les plus malheureux des hommes. Le doute sur les choses qu’il nous importe de connaître est un état trop violent pour l’esprit humain ; il n’y résiste pas longtemps, il se décide malgré lui de manière ou d’autre, et il aime mieux se tromper que ne rien croire. » (24)
Et ceci encore :
« Que d’absurdes suppositions pour déduire toute cette harmonie de l’aveugle mécanisme de la matière mue fortuitement ! Ceux qui nient l’unité d’intention qui se manifeste dans les rapports de toutes les parties de ce grand tout ont beau couvrir leur galimathias d’abstractions, de coordinations, de principes généraux, de termes emblématiques, quoi qu’ils fassent, il m’est impossible de concevoir un système d’êtres si constamment ordonnés, que je ne conçoive une intelligence qui l’ordonne. Il ne dépend pas de moi de croire que la matière passive et morte a pu produire des êtres vivants et sentants, qu’une fatalité a pu produire des êtres intelligents, que ce qui ne pense point a pu produire des êtres qui pensent. » (25) Ici – on le voit avec le mot coordinations – c’est à Diderot qu’il en a, et plus particulièrement à cette phrase des Pensées sur l’interprétation de la nature, bien représentative d’un jargon de fumiste : « La coordination est encore un principe d’uniformité, même dans un tout hétérogène» (26)

Parmi les sentiments convenables à notre nature, Rousseau mentionne en premier lieu l’amour de soi. Je le cite :
« La source de nos passions, l’origine et le principe de toutes les autres, la seule qui naît avec l’homme et ne le quitte jamais tant qu’il vit est l’amour de soi : passion primitive, innée, antérieure à toute autre et dont toutes les autres ne sont en un sens que des modifications. » (27)

Rousseau pense même que l’amour de soi – qu’il oppose à l’amour-propre – est le principe de l’altruisme : « …quand la force d’une âme expansive m’identifie avec mon semblable et que je me sens pour ainsi dire en lui, c’est pour ne pas souffrir que je ne veux pas qu’il souffre. » (28) Montaigne pensait de même : « Qui ne vit aucunement à autruy, ne vit guère à soy. ».

Dans les Rêveries, Rousseau ira jusqu’à écrire : « Je m’aime trop moi-même pour pouvoir haïr qui que ce soit. » (29) Propos facile d’un angoissé ? Laissons-le s’expliquer. Dans le "Deuxième dialogue", il précise ceci au Français avec lequel il converse :
« Veuillez, Monsieur, vous rappeler ici , avec les distinctions faites dans nos premiers entretiens entre l’amour de soi-même et l’amour-propre, la manière dont l’un et l’autre agissent sur le cœur humain. La sensibilité positive dérive immédiatement de l’amour de soi. Il est très naturel que celui qui s’aime cherche à étendre son être et ses jouissances, et à s’approprier par l’attachement ce qu’il sent devoir être un bien pour lui : ceci est une pure affaire de sentiment où la réflexion n’entre pour rien. Mais sitôt que cet amour absolu dégénère en amour-propre et comparatif, il produit la sensibilité négative ; parce qu’aussitôt qu’on prend l’habitude de se mesurer avec d’autres, et de se transporter hors de soi pour s’assigner la première et meilleure place, il est impossible de ne pas prendre en aversion tout ce qui nous surpasse, tout ce qui nous rabaisse, tout ce qui nous comprime, tout ce qui étant quelque chose nous empêche d’être tout. L’amour-propre est toujours irrité ou mécontent, parce qu’il voudrait que chacun nous préférât à tout et à lui-même, ce qui ne se peut […] Vous sentez qu’il n’y a pas à tout cela de quoi disposer l’âme à la bienveillance.
Si vous me demandez d’où naît cette disposition à se comparer, qui change une passion naturelle et bonne en une autre passion factice et mauvaise ; je vous répondrai qu’elle vient des relations sociales, du progrès des idées, et de la culture de l’esprit.
» (30)


Et me voici ainsi à l’intuition fondamentale, celle du chemin de Vincennes, ce qu’on a généralement coutume d’appeler l’"illumination de Vincennes". Je n’aime guère cette expression, parce que Rousseau est en fait le contraire d’un illuminé. Ce qui arriva ce jour-là à Rousseau n’est pas de même nature que le délire qui conduisit Augustin à la foi chrétienne en août 386 dans un jardin milanais, pas plus que ce n’est de même nature que la longue angoisse qui fit de Pascal un adorateur de Jésus la célèbre nuit du 23 novembre 1654. Tout le monde connaît l’événement : l’évanouissement sous un arbre et l’idée de la réponse que méritait la question de l’Académie de Dijon : « Si le rétablissement des Sciences et des Arts a contribué à épurer les mœurs ». Qu’est-ce qui le submerge en ce jour d’octobre 1749, au point de le jeter à terre en proie à une formidable émotion ? Je dirais pour ma part : un flot d’évidences, une conscience soudaine et absolue de ce que vaut le monde, le mot conscience visant ici à la fois une forme de lucidité et une exigence morale. Et Rousseau va mettre le reste de sa vie à tenter d’expliciter une petite part de ces évidences et de cette conscience. Il va enjoindre à sa raison de se mettre au service de ce que son cœur lui a révélé.

Mais pour bien comprendre ce moment d’extrême agitation intellectuelle, je crois qu’il faut le rattacher au soubassement que je viens de tenter de circonscrire. Parce que c’est l’éclairage de l’un par l’autre qui permet de mesurer combien les œuvres de Rousseau ne peuvent être lues pour ce qu’elles sont que si on admet qu’elles sont autre chose que ce qu’on dit qu’elles sont ; je dirais même : autre chose parfois que ce que Rousseau lui-même annonce qu’elles vont être.

Passons-en quelques-unes en revue, très rapidement.

- Le deuxième Discours, celui relatif à l’origine de l’inégalité parmi les hommes, n’est en rien une œuvre historique ou paléontologique. Rousseau ne prétend pas nous apprendre comment l’homme a vécu avant que naisse la société. Je cite deux phrases du préambule :
« Commençons donc par écarter tous les faits, car ils ne touchent point à la question. Il ne faut pas prendre les Recherches, dans lesquelles on peut entrer sur ce Sujet, pour des vérités historiques, mais seulement pour des raisonnements hypothétiques et conditionnels ; plus propres à éclaircir la Nature des choses qu’à montrer la véritable origine, et semblables à ceux que font tous les jours nos Physiciens sur la formation du Monde. » (31)

Voilà bien sûr qui est fait pour nous dérouter. Chercher la vérité en écartant les faits ne nous est pas habituel. Mais c’est qu’il s’agit d’une vérité à propos de laquelle les faits – bien malaisés à connaître, d’ailleurs – pourraient nous égarer. Rousseau utilisera le même procédé lorsqu’il invitera à juger Jean-Jacques, donc à se juger lui-même. « Pour mieux sentir cette nécessité écartons un moment tous les faits, ne supposons connu que le tempérament que je vous ai décrit, et voyons ce qui devrait naturellement en résulter dans un être fictif dont nous n’aurions aucune autre idée » (32), écrit-il dans le "Deuxième dialogue".

En fait, on pourrait qualifier le deuxième Discours d’uchronie. De même que l’on peut construire une utopie, société imaginaire dans laquelle on projette ses souhaits ou ses craintes, de même on peut construire une uchronie, histoire ou passé imaginaire dans lequel on échafaude des hypothèses que la raison déduit de convictions premières. C’est ce qu’a fait Rousseau, je pense.

- La Nouvelle Héloïse n’est pas un roman d’amour, je l’ai déjà dit.

- Le Contrat social n’est pas le projet d’institutions politiques souhaitables. C’est un ensemble de réflexions qui cernent au plus près toutes les difficultés qu’il y a à vivre en société. Et je ne suis guère porté à croire que Rousseau ait imaginé un seul instant qu’adviendrait un temps où la volonté générale triompherait et où la religion civile prévaudrait dans les esprits. Il faut lire le Contrat social comme la plus formidable réponse jamais faite à Adam Smith, même si Rousseau l’ignora totalement. Le Contrat social est un plaidoyer anti-libéral qui montre que si l’homme veut rester humain, la société ne peut être organisée que sur la base du bien commun, et aucunement des intérêts particuliers.

- L’Émile n’est pas un livre de pédagogie (Dieu nous préserve de la pédagogie !) D’ailleurs, même si Rousseau a sous-titré son ouvrage « De l’éducation », il précise dès les premières lignes de la préface qu’il s’agit d’un « recueil de réflexions et d’observations, sans ordre, et presque sans suite » et annonce qu’il y parlera « peu de l’importance d’une bonne éducation » (33). Un M. Angard, venu rendre visite à Rousseau pour lui dire qu’il admirait beaucoup L’Émile et qu’il s’appliquait à en respecter les principes pour éduquer ses enfants, s’était dit-on entendu répondre : « Tant pis, Monsieur… Tant pis. »

- Je pourrais poursuivre avec les autres œuvres ce petit jeu de mise en garde qui me paraît personnellement utile, dès lors qu’il s’agit de se préparer à lire Rousseau sans trop souffrir de ce qu’on croit devoir y trouver. Mais le temps me manque et je m’en tiendrai donc là.


Jean-Jacques Rousseau m’est cher parce que c’est de son cœur que viennent les évidences que je partage le plus aisément. Il m’émeut parce qu’il devine ma propre émotion, celle qui oscille entre amour et révolte. Deux derniers courts extraits pour en témoigner, l’un où il est question d’opulents et de gueux, l’autre où il évoque la nature roturière :

Dans Le Contrat social : « Voulez-vous donc donner à l’État de la consistance ? rapprochez les degrés extrêmes autant qu’il est possible : ne souffrez ni des gens opulents ni des gueux. Les deux états, naturellement inséparables, sont également funestes au bien commun ; de l’un sortent les fauteurs de la tyrannie et de l’autre les tyrans ; c’est toujours entre eux que se fait le trafic de la liberté publique ; l’un l’achète et l’autre la vend. » (34)

Et dans "Mon Portait" : « Je me souviens d’avoir assisté une fois en ma vie à la mort d’un cerf, et je me souviens aussi qu’à ce noble spectacle je fus moins frappé de la joyeuse fureur des chiens, ennemis naturels de la bête, que de celle des hommes qui s’efforçaient de les imiter. Quant à moi, en considérant les derniers abois de ce malheureux animal et ses larmes attendrissantes, je sentis combien la nature est roturière, et je me promis bien qu’on ne me reverrait jamais à pareille fête. » (35)

Voilà brièvement décrit le Rousseau que j’aime, celui qui me fait société – pour le dire comme Lévi-Strauss –, celui qui est à portée de ma main et dans lequel je peux me réjouir de la nature lorsque la nature ne me réjouit plus, me réjouir des hommes lorsque les hommes ne me réjouissent plus.

Je ne suis pas devenu rousseauiste pour autant. Mes convictions restent différentes des siennes. Mais il n’en est pas une qui ne se soit refondue sous la caresse de son intelligence. Je reste sceptique – hélas peut-être –, d’un scepticisme plus hésitant ai-je envie de dire, ce qui ne l’arrange pas.

Ce Rousseau que j’ai découvert, est-ce le bon, le vrai, celui qu’il fut ? Je n’en sais rien, en définitive. Peut-être me trompé-je.

C’est à vérifier, bien sûr. Et pour vérifier, il faut sans doute y aller voir…

(1) Cette note a servi de base à un exposé.
(2) André Lagarde & Laurent Michard, XVIIIe siècle. Les grands auteurs français du programme IV, Bordas, 1969, p. 313.
(3) Ibid., p. 313.
(4) Ibid., p. 314.
(5) Jean-Jacques Rousseau, Œuvres complètes, t. III, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1964, p. 395.
(6) Jean-Jacques Rousseau, Œuvres complètes, t. III, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1964, p. 213-214.
(7) Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale deux, Plon, 1973, p. 55.
(8) Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale deux, Plon, 1973, p. 55-56.
(9) Jean-Jacques Rousseau, « Les confessions », Livre quatrième, in Œuvres complètes, t. I, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1959, p. 162.
(10) Ibid., p. 172.
(11) Œuvres complètes, t. I, in fine de la note 1 de la page 237, p. 1350 – annoté par Bernard Gagnebin et Marcel Raymond.
(12) Jean-Jacques Rousseau, « Les confessions », Livre quatrième, in Œuvres complètes, t. I, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1959, pp. 235.
(13) Ibid., p. 41.
(14) Jean Starobinski, Jean-Jacques Rousseau : la transparence et l’obstacle, suivi de sept essais sur Rousseau, Gallimard, Tel, 1971.
(15) Jean Starobinski, Montaigne en mouvement, Gallimard, 1982.
(16) Jacques Derrida, De la grammatologie, Editions de Minuit, 1967.
(17) Alexis Philonenko, Jean-Jacques Rousseau et la pensée du malheur, 3 tomes, Vrin, 1984.
(18) Jean-Jacques Rousseau, "Premier dialogue", in Œuvres complètes, t. I, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1959, p 671.
(19) Jean-Jacques Rousseau, "La Nouvelle Héloïse", in Œuvres complètes, t. II, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1964, p. 304.
(20) Ernst Cassirer, Le problème Jean-Jacques Rousseau, Hachette, Collection Pluriel, 1987.
(21) Jean-Jacques Rousseau, "Deuxième dialogue", in Œuvres complètes, t. I, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1959, p 879.
(22) Jean-Jacques Rousseau, "Émile", in Œuvres complètes, t. IV, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1969, p 600.
(23) Jean-Jacques Rousseau, "Lettre à M. de Franquières", in Œuvres complètes, t. IV, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1969, p 1135-1136.
(24) Jean-Jacques Rousseau, "Émile", in Œuvres complètes, t. IV, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1969, p 567-568.
(25) Jean-Jacques Rousseau, "Émile", in Œuvres complètes, t. IV, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1969, p 580.
(26) Denis Diderot, "Pensées sur l’interprétation de la nature, XXXVI", Œuvres complètes, Assézat-Tourneux, 1875-1877, t. II, p. 35.
(27) Jean-Jacques Rousseau, "Émile", in Œuvres complètes, t. IV, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1969, p 491.
(28) Émile, Livre IV, cité in Jean-Jacques Rousseau, "Premier dialogue", in Œuvres complètes, t. I, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1959, note 2 de la page 671, p. 1621.
(29) Jean-Jacques Rousseau, "Les Rêveries", in Œuvres complètes, t. I, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1959, p 1056.
(30) Jean-Jacques Rousseau, "Deuxième dialogue", in Œuvres complètes, t. I, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1959, p 805-806.
(31) Jean-Jacques Rousseau, deuxième "Discours", Œuvres complètes, t. III, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1964, p. 132-133.
(32) Jean-Jacques Rousseau, "Deuxième dialogue", in Œuvres complètes, t. I, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1959, p 820.
(33) Jean-Jacques Rousseau, "Émile", in Œuvres complètes, t. IV, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1969, p 241.
(34) Jean-Jacques Rousseau, "Contrat social", Œuvres complètes, t. III, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1964, p. 392.
(35) Jean-Jacques Rousseau, "Mon Portrait", in Œuvres complètes, t. I, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1959, p. 1129.

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