samedi 13 juin 2015

Note de lecture : Jérôme Ferrari

Le principe
de Jérôme Ferrari


S’il est une chose troublante au sein des connaissances scientifiques, c’est bien la portée de la physique quantique. Il ne faut pas compter sur moi pour expliquer les théories qui engendrent ce trouble, et moins encore pour prendre position par rapport aux nombreuses controverses qu’elles n’ont pas fini d’alimenter. Reste que j’en suis troublé, très certainement en raison de ce que je crois naïvement en comprendre.

Bien sûr, je pourrais m’en détourner. Après tout, je vis très bien dans l’ignorance d’un tas de choses pour lesquelles je n’ai pas les capacités requises pour les comprendre ou pour lesquelles je n’ai pas l’envie de fournir l’effort qui me permettrait d’y parvenir. Là cependant, il y a quelque chose qui me mobilise, malgré mon incompétence, peut-être même en raison de mon incompétence. Que l’infiniment petit se comporte d’une façon qui n’obéit pas aux lois de la physique classique me dérange beaucoup. Sans doute pas comme cela dérangeait Einstein, bien sûr. Mais plutôt d’une façon telle que j’y sens comme une mise en cause du simple fait de penser. Or, je ressens trop la fragilité de la faculté de penser - tangible dans ses réussites comme dans ses défaillances - pour ne pas voir dans la physique quantique - probablement très improprement - une mise en doute physique du principe de causalité.

On peut douter du principe de causalité philosophiquement. C’est-à-dire que l’on peut apercevoir ce que son application réclame dans le champ même de la pensée en train de s’élaborer. « Un intellect qui verrait la cause et l’effet comme un continuum, non pas à notre manière comme une division et un morcellement arbitraires, qui verrait le fleuve des événements, rejetterait le concept de cause et d’effet, et nierait toute conditionnalité » écrit Nietzsche dans le Gai savoir (1). Soit. Mais lorsque l’objection ne découle plus d’une réflexion visant à relativiser la perception des choses (malgré les succès du mode habituel de perception), mais bien d’une déficience de ce même mode de perception alors même qu’il observe les choses, lorsque l’insuffisance de la pensée apparaît alors même qu’elle est mise en pratique, un trouble nouveau surgit. C’est celui qui m’agite.

Pourtant, tout bien réfléchi, ce trouble ne mériterait pas que je m’y attarde, dès lors que je réfléchis un tant soit peu aux comportements humains dont l’histoire témoigne. N’est-il pas en effet bien plus troublant encore d’appartenir à une humanité qui, durant la première moitié du XXe siècle, s’est infligée un désastre qui dément toutes les valeurs dont elle s’était prévalu jusqu’alors. Alors même que je venais à la vie s’achevait une ère d’horreurs, de massacres, une ère de mort, dont je mis très longtemps à mesurer la totale démesure. L’enfance juge normal ce qu’elle vit et le silence des survivants, voire un récit qui s’est longtemps complu à conférer aux événements passés le statut d’une épopée, voilà ce qui m’a sans doute conduit à méconnaître complètement une réalité face à laquelle il eût fallu vomir plutôt que rêver.

À la croisée de ces deux troubles - celui né de l’hypothèse de l’indétermination des particules élémentaires et celui suscité par l’aptitude humaine à l’abomination -, Jérôme Ferrari a campé dans son dernier roman, Le principe (2), un personnage énigmatique : Werner Heisenberg. Ce physicien a fortement contribué à échafauder ce principe qui veut que, dans le domaine très circonscrit du monde subatomique, une information ne peut être obtenue qu’en en sacrifiant une autre ; la position d’une particule ne serait décelable qu’en abandonnant l’idée de connaître sa vitesse. Mais il a aussi été plongé, bon gré mal gré, dans la machine nazie, là où la connaissance des théories et des pratiques mortifères ne laissaient aucun doute sur l’aptitude humaine au mal.

Dans ce roman, il y a également un narrateur qui n’est pas sans une certaine consistance. Il est corse et son père est mêlé à des milieux dont la fréquentation met sa vie en danger. (3) Et les allusions à la vie personnelle de ce narrateur, contemporain de l’auteur, s’inscrivent en quelque sorte en contrepoint du récit de la vie de Heisenberg. Ainsi en va-t-il lorsqu’il s’agit de faire survivre le sentiment du beau - en l’occurrence la beauté de la nature - alors que les destructions et l’abjection triomphent. En 1945, Heisenberg interpelle un soldat américain à propos du lac de Walchensee et des montagnes qui l’entourent : « Regardez et dites-moi, je vous en prie : avez-vous jamais rien vu de plus beau ? » (p. 161) Bien plus tard (dans les années 90) - bien plus tôt dans le roman (à la page 73) -, en Corse :
« Mon cousin semblait parfois ployer sous un poids énorme qui menaçait de le terrasser, et il lui fallait fuir, peut-être la canicule et l’incessante frénésie estivale, peut-être la migraine, le souvenir de nuits sordides ou quelque chose de plus sombre dont j’ignorais la nature. Il m’emmenait alors en montagne boire un café sur la terrasse d’un gîte d’étape, dans un ancien village de transhumance que traversait un sentier de randonnée. Nous y passions un moment, dans la fraîcheur des fougères, à l’ombre de grands pins. Mais son humeur restait maussade. Il ne m’adressait pas la parole. Nous reprenions sa voiture pour retourner en ville et soudain, sans que rien le laissât prévoir, au détour d’un virage, apparaissait la mer. Nous dominions le paysage, comme si nous étions suspendus dans l’air limpide, au-dessus de la route en lacets dévalant à pic à travers la forêt vers le golfe éblouissant qui s’étendait mille mètres en contrebas. Mon cousin ouvrait de grands yeux sur ce panorama qu’il connaissait depuis son enfance mais semblait découvrir à chaque fois comme si c’était la première. Il faisait une grimace incrédule, se mettait à sourire et me donnait des petits coups de poing sur la cuisse en disant, putain ! quand même, hein ? incapable d’expliquer avec davantage de clarté le sentiment qui le bouleversait et lui rendait aussi instantanément le goût de vivre, dans lequel il n’était pas difficile de reconnaître une curieuse forme d’amour qui aurait pris pour objet, non un autre être humain, mais une petite partie bien déterminée du vaste monde inerte, et dont, quoique je sois moi-même incapable de le ressentir, je devais cependant admettre l’incomparable puissance. » (pp. 73-74)

Revenons à la vie de Heisenberg. Ferrari dose les anecdotes qui en témoignent, comme pour fondre cette distance respectueuse qu’instaure l’ignorance que nous avons le plus souvent des conditions de la recherche scientifique. Mathématiciens et physiciens entretiennent depuis longtemps des rapports compliqués qui doivent bien davantage aux préjugés que les uns nourrissent envers les autres qu’aux démarches visant à comprendre le réel. Reste à le faire deviner, à partir d’une rencontre qui eut effectivement lieu (le narrateur, je le précise, s’adresse le plus souvent à Heisenberg lui-même) :
« Pour le professeur Ferdinand von Lindemann, qui avait accepté de vous recevoir à l’université de Munich, les mathématiques possédaient le privilège exclusif de la beauté et quiconque envisageait de les étudier sérieusement, comme vous veniez timidement de lui en exprimer le désir, devait être pénétré de l’évidence de cette vérité éternelle. Il n’est donc guère étonnant que, quand vous lui avez avoué, dans un accès téméraire de franchise, que vous étiez en train de lire un ouvrage de physique, qui plus est affreusement intitulé Espace-Temps-Matière, il vous ait lancé un regard dégoûté, comme s’il venait subitement de découvrir sur votre corps les stigmates d’une maladie infâme, avant de vous signifier que vous étiez à jamais perdu pour les mathématiques, tandis que son chien, un roquet qui se cachait sous son bureau et auquel il avait mystérieusement transmis, au cours d’une longue intimité, son sens de l’esthétique, se mettait subitement à aboyer pour témoigner, lui aussi, de l’ampleur de votre ignominie. Aux yeux de Lindemann, les physiciens, fussent-ils des physiciens virtuels de dix-huit ans, ne méritaient aucune considération, non seulement en raison de leur utilisation notoirement désinvolte et avilissante des mathématiques, mais surtout parce qu’ils étaient des êtres dégradés, si corrompus par leur fréquentation assidue du monde sensible qu’ils confessaient sans vergogne leur intérêt pervers pour quelque chose d’aussi méprisable que la matière. » (pp. 16-17)

Heisenberg s’entête et obtient en 1932 un prix Nobel (4), cette récompense qui distingue à peu près toutes les disciplines, à l’exception notable des mathématiques. Il reçoit le prix de physique « pour la création de la mécanique quantique, dont les applications ont conduit, entre autres, à la découverte des formes allotropiques de l’hydrogène ». Et entre-temps, il a formulé ce fameux principe, aussi troublant que malaisé à se représenter. On pourrait croire aujourd’hui, notamment en raison d’expériences menées depuis lors et qui se seraient soldées par sa confirmation, qu’il s’agit là d’une de ces avancées auxquelles les sciences naturelles nous ont habitué depuis quatre siècles et qui ont acquis assez brusquement chez leur inventeur la force d’une évidence. Mais Ferrari, sans entrer lui-même dans les controverses auxquelles il a donné lieu, insiste plutôt sur les propres hésitations de Heisenberg :
« Vous n’affirmez rien que vous ne veniez finalement contester, dans un incessant mouvement fait de sauts, de replis, de perspectives soudain renversées, il est épuisant de vous suivre dans ces circonvolutions qui tordent le langage dans tous les sens avec un sérieux d’autant plus empreint de pieuse compassion que vous savez mener une tâche impossible - faire dire aux mots ce qui ne peut être dit mais doit cependant l’être. Je vous ai longtemps soupçonné d’indécision chronique, vous qui avez baptisé puis débaptisé le principe avec une inconséquence exaspérante, comme pour ajouter à la confusion, hésitant entre “incertitude”, “indétermination” et ce terme allemand, bien évidemment impossible à traduire, qui signifie l’absence de netteté, la pauvreté de détails d’une photo médiocre, dont on ne saurait si elle est ratée à cause d’un défaut de mise au point ou parce qu’elle prétendait figer les tremblements fugaces d’une objet sans contours, n’existant qu’à peine, - mais j’avais tort ; les hommes ont perdu depuis longtemps, à cause de leur péché, le privilège de lire à la surface des choses leur nom véritable, qui demeure désormais caché, et peut-être vous était-il impossible de choisir un nom unique. » (p. 48)

Le livre lu, la réflexion qui me vient à l’esprit à propos du principe, c’est qu’il est peut-être assez vain de se laisser troubler par l’idée que, dans l’infiniment petit (comme peut-être dans l’infiniment grand), les lois que l’esprit humain a cru pouvoir dégager des régularités observées au sein de ce qui est observable par les sens n’ont plus cours. Et aussi que persister à s’y immiscer par la voie de la logique mathématique appliquée aux seules faibles traces accessibles par les sens emporte quelque chose de dérisoire qui est précisément ce qui provoque la fureur des mathématiciens.

Il y a ensuite l’attitude de Heisenberg par rapport au nazisme. Beaucoup ont fui et ont même souvent fait bénéficier de leurs connaissances les ennemis extérieurs du régime ; lui est resté. Et ce qui explique ce choix n’est guère plus clair que ce qui explique le principe :
« Toutes les histoires sont nécessairement cohérentes ; les motivations les plus diverses, les plus incompatibles vous auraient conduit à adopter un comportement rigoureusement identique et à prendre exactement la même décision, et de toutes ces histoires cohérentes dans lesquelles vous vous parez tour à tour des visages de l’irresponsabilité, du renoncement, de l’intégrité, de la complaisance et de l’infamie, personne ne peut deviner laquelle est vraie, surtout pas moi qui traverse en aveugle la chaleur de l’été 1995, incapable de percevoir la peur, la tristesse et l’accablement pourtant de plus en plus manifestes de ceux qui m’entourent. » (pp. 79-80)
Et Ferrari ajoute alors, usant une fois de plus d’une métaphore construite à partir du principe (métaphore peut-être répétée à trop d’occasions), ce qui vaut un acte de foi du narrateur dans le déterminisme :
« Toutes les histoires sont cohérentes et toutes sont incomplètes, comme si le principe ne régissait plus seulement les relations entre la position et la vitesse, l’énergie et le temps, mais débordait de toutes parts le monde des atomes pour étendre son influence sur les hommes dont les pensées s’estompent et se colorent des teintes pâles de l’indétermination.
Tel n’est pourtant pas le cas.
Les pensées peuvent être cachées, secrètes, honteuses, oubliées, elles peuvent être douloureuses, inacceptables ou incomprises, elles peuvent même être contradictoires : elles ne sont pas indéterminées.
 » (pp. 83-84)

Hiroshima et Nagasaki ont hissé les alliés au niveau de l’horreur nazie. Il y avait déjà eu Dresde et l’ensemble des grandes villes allemandes, il y avait déjà eu les centaines de milliers de viols perpétrés par les armées alliées sur le sol allemand, et bien d’autres faits plus ou moins connus. Mais la bombe a réclamé une recherche collective, une mise au point collective et une décision préparatoire de gens qui tous connaissaient dans quel enfer seraient plongés des centaines de milliers d’habitants. Les raisons qu’on se donne d’accomplir pareille chose n’en diminuent pas l’épouvante, car, à chercher les raisons, on bute toujours, finalement, sur les torts préalables qui y ont conduit. Et la seule chose qui peut étonner, c’est que le feu nucléaire n’ait pas jeté tout le monde dans le plus grand désarroi. J’ai le souvenir d’une chanson entonnée au carnaval à la fin des années 40 ou au début des années 50 (j’avais alors cinq ou six ans) et qui disait à peu près ceci : « c’est la bombe atomique, qui fait de la musique, qui jette les filles en l’air, et les garçons par terre ! » ; et sur le a de atomique, on lançait sa partenaire en l’air. C’est seulement au début des années 60 qu’un professeur de l’École normale nous a décrit, témoignages à l’appui, les incroyables ravages causés par cette arme. Pourtant, le désarroi gagna immédiatement les gens bien informés. L’épisode de Farm Hall (près de Cambridge), où furent enfermés de juillet 1945 à janvier 1946 dix savants allemands plus ou moins soupçonnés d’avoir travaillé pour les nazis à la fabrication d’une bombe atomique, est extraordinairement instructif. En tout cas dès lors qu’il est raconté par Ferrari, dont tout laisse penser qu’il s’est méticuleusement renseigné sur ce qui s’y est passé. Le principe vaut d’être lu, rien que pour ce que l’on y apprend de cet épisode et pour la manière dont il est raconté.

Pourtant, le plus terrible n’est peut-être pas là. Car le narrateur traîne à Dubaï alors que la crise de 2008 freine la ville dans son extension :
« Le mal s’est propagé, d’une place financière à l’autre, à travers des réseaux impalpables, dans le grand corps du monde et il est arrivé jusqu’ici. Une lente paralysie gagne tous les organes vitaux de la ville qui halète comme une bête à l’agonie. À peine née, elle va déjà mourir. Nulle part ailleurs, jamais, le processus aveugle de la vie et de la mort n’avait manifesté son incontrôlable puissance avec une telle pureté, jamais il ne s’était déroulé à une rapidité si effroyable. Vous n’en seriez sans doute pas étonné [le narrateur s’adresse toujours à Heisenberg]. Vous savez qu’en un temps très court, une énergie presque infinie peut jaillir du néant avant d’y retourner.
Vous écriviez qu’il existe un lieu où l’amour de Dieu ne ment pas.
Mais vous dites aujourd’hui à la foule silencieuse qui vous écoute à Munich qu’à la place de cet amour, l’homme ne rencontre plus que lui-même. D’étranges excroissances de nos organes ont inexorablement envahi le monde. Elles l’ont transformé. La chair s’est faite verre et métal. De longs nerfs de cuivre serpentent dans l’obscurité des gaines percées dans le béton. Les incinérateurs digèrent les tonnes de déchets que viennent déverser jour et nuit des files interminables de camions traversant le désert. Les travailleurs épuisés par la déshydratation sont éliminés comme des toxines. L’œil sec des caméras de surveillance ne se ferme pas. Le sang demeure le sang.
[…]
[…] vos controverses avec Einstein n’intéressent plus personne. Elles n’ont jamais eu la moindre implication pratique, ce qui signifie aujourd’hui qu’elles ne valent tout simplement rien. Vous ne pouvez y repenser qu’avec mélancolie tandis que vous évoquez devant vos auditeurs de Munich la possibilité d’échapper au danger du processus biologique que vous venez de décrire, un danger d’autant plus grand qu’il prend l’apparence enthousiasmante du progrès et dont je sais, moi, du haut de la supériorité que me confère ma date de naissance, que nous n’y échapperons pas. Heidegger aura beau citer Hölderlin avec une emphase mystérieuse, sous les applaudissements d’étudiants transportés, nous n’y échapperons pas. Ce processus ira jusqu’à son terme inconcevable, il soumettra tout à la tyrannie de sa croissance avec une intransigeance si radicale que rien ne sera épargné, pas même le sanctuaire dont le roquet bondissant du professeur von Lindemann vous interdit l’accès avec tant de véhémence un jour de 1920, parce que vous en menaciez la pureté et, s’il avait pu en être témoin, le vieux von Lindemann lui-même aurait dû admettre, à son grand désespoir, que les mathématiciens avaient eux aussi connu le péché quand il les aurait vus élaborer, dans leurs bureaux de la City, les algorithmes infaillibles qui décident, avec une rapidité que l’esprit humain ne peut même pas se représenter, des ordres d’achat et de vente sur tous les marchés du monde. » (pp. 152-156)

Ne se trompe-t-on pas de trouble ? Le pire n’est-il pas à venir ? Et la recherche de la vérité - du moins de certaines vérités, apparemment très triviales - ne nous y mène-t-elle pas plus sûrement que la plus effroyable des idéologies ? Ce sont peut-être quelques-unes des questions vers lesquelles nous oriente Le principe de Jérôme Ferrari.

(1) § 112.
(2) Jérôme Ferrari, Le principe, Actes Sud, Arles, 2015.
(3) Peut-être s’agit-il là d’une forme subtile de continuité avec Le sermon sur la chute de Rome (Actes Sud, Arles, 2012).
(4) Il existe bien des raisons d’être circonspect au sujet de la valeur des prix Nobel. Parmi ces raisons, citons pour avoir été notoirement identifiés et explicités l’effet Matthieu, désigné ainsi par Robert K. Merton en 1968, et l’effet Matilda, défini en 1993 par Margaret W. Rossiter.

dimanche 7 juin 2015

Note de lecture : André Maurois

Histoire d’Angleterre
d’André Maurois


Chaque discipline du savoir est confrontée à des croyances qui cherchent à s’y intégrer ou à s’y substituer.

Dans le cas des sciences de la nature, la contamination par les pseudo-savoirs spontanés est assez faible et le plus souvent liée à des pratiques qui doivent leur succès à l’impuissance des savoirs confirmés. J’ai très récemment rencontré des musiciens (dont l’un était également acteur et metteur en scène) qui m’ont charmé par le rapport qu’ils entretenaient avec la vie et les gens et qui m’ont quelque peu étonné lorsqu’ils ont vivement conseillé à une personne qui souffrait d’une brûlure de s’adresser à un coupeur de feu. Je n’ignore pas combien des croyances de ce type ne trahissent aucun défaut de l’intelligence ou de l’équilibre psychologique. Reste qu’elles fournissent sur ceux qui les partagent une indication, assurément très malaisément exploitable, mais qui, entre autres, trahit probablement une forte capacité à l’empathie. Elles me désolent néanmoins, car elles me font prendre conscience de ce que la croyance que je ne puis accepter me prive d’un des liens qui unit une collectivité.

Dans le domaine des sciences de l’homme, la prégnance des sciences spontanées est autrement forte. Elles constituent un obstacle majeur des démarches visant à démêler le vrai du faux, un obstacle contre lequel il faut continûment lutter, y compris au sein même des motivations du chercheur. Et cette lutte isole énormément celui qui s’y livre, car ce qu’il cède à la méthode, il l’arrache aux rapports sociaux auxquels il est par là même moins introduit. Quel que soit l’aspect de la vie en société à propos duquel il est souhaité acquérir un savoir, sa version spontanée précède sa version savante : l’anthropologie, la sociologie, l’histoire, l’économie, la psychologie, la philologie, que sais-je encore, voilà des domaines dans lesquels nul ne se croit totalement ignorant avant même d’en entamer l’étude, car le savoir doit nécessairement s’y construire contre l’illusion d’une transparence à laquelle une conscience naturellement lucide donnerait accès.

Il convient ici d’introduire une nuance et une difficulté supplémentaires. Si le savoir réclame une remise en cause de l’opinion, une rupture avec l’opinion, il postule peut-être son existence préalable. Il ne suffit pas de se dire que l’opinion doit être écartée dans l’éventualité où elle est rencontrée, mais bien d’aller vers elle en sachant que c’est de son ébranlement que peut naître éventuellement un nouveau savoir dont le socle est la mise en évidence de l’erreur que celle-là contient. Et c’est ici que prennent toute leur importance ce que j’appellerai des savoirs intermédiaires.

Pour expliciter quelque peu ces savoirs intermédiaires, je voudrais prendre l’exemple de l’histoire. Même si ceux-ci trouvent place sous différentes formes dans chacune des disciplines scientifiques - dures ou molles -, l’histoire est un domaine où leur rôle est assez aisé à mettre en évidence. En effet, il n’est possible de s’adonner à la recherche en histoire que parce qu’existe déjà une histoire, laquelle mérite d’être vérifiée et corrigée. On a récemment insisté dans divers milieux sur l’importance de conserver dans les programmes scolaires un cours d’histoire suffisamment étoffé pour armer les enfants d’une vision détaillée du passé. Évidemment, ce qui motive ceux qui posent cette revendication peut varier du tout au tout. Nombreux sont parmi eux ceux qui voudraient que ce cours forge chez les jeunes des valeurs et des attachements qui servent la conception qu’ils se font de l’État, de la citoyenneté ou du bien public, ce qui ne coïncide guère avec une approche de l’histoire uniquement attachée à démêler le vrai du faux. Mais il y a aussi ceux qui sont conscients - et ce sont parfois les mêmes - que les premières leçons sur l’histoire exigent des simplifications nécessairement trompeuses, afin que soit construit dans l’esprit des enfants et des adolescents une sorte de canevas évolutif - évolutif dans sa propre structure comme dans le caractère de son contenu - auquel viendront s’accrocher les faits, les notions et les interprétations avec lesquels l’histoire se constitue. Bref, au final, dans l’esprit de chacun, l’histoire ne se présente guère comme une page qui se remplit, mais bien plutôt comme une page qui devrait être sans cesse raturée, amendée, complétée, rectifiée, révisée, de telle sorte que soit enfin compris à quel point le passé, dans ce qu’il fut vraiment, est et reste inaccessible.

Et c’est ici qu’il convient de parler des livres d’histoire. Il en est de bons et de mauvais. Et parmi les bons figurent notamment certains de ceux qui font l’effort d’enrichir au mieux le canevas, alors même qu’ils ne sont pas le produit d’une recherche historique nouvelle. Ce sont ces bons livres didactiques qui ne cèdent à la simplification que ce que réclame l’entrée dans la connaissance du passé et qui laissent ouverte la possibilité de revenir sur les faits évoqués pour montrer ce que la présentation qui en est faite a de provisoire, voire de captieux. Le talent littéraire qu’exige ce genre d’ouvrage dépasse de beaucoup celui que réclame l’exposé d’une monographie, fût-elle porteuse de découvertes. Et pour fournir un exemple de ce genre de livre, je parlerai d’un livre déjà fort ancien puisqu’il a été publié une première fois en 1937, puis revu en 1963, mais qui reste d’une certaine manière exemplaire - je crois - sur ce sujet : l’Histoire d’Angleterre d’André Maurois (1).

Avant la Première Guerre mondiale, André Maurois s’est très fréquemment rendu en Angleterre pour le compte de l’entreprise familiale de textiles de ses parents et il s’est pris d’une grande affection pour ce pays, affection qu’il ne cherche nullement à dissimuler. Romancier et biographe, il n’est pas historien. Mais, très documenté et soucieux de distinguer l’essentiel de l’accessoire et l’authentique du préjugé, il a su écrire un ouvrage que bien des francophones - si peu formés à l’histoire de l’Angleterre - se devraient d’avoir lu. Il est d’ailleurs assez utile à la compréhension de l’histoire de France d’en savoir suffisamment sur celle d’Angleterre, tant il s’agit d’histoires entremêlées.

On n’en finirait pas de dresser l’inventaire de ce que les Français prêtent aux Anglais et de ce que les Anglais prêtent aux Français, tant lorsqu’ils s’admirent que lorsqu’ils se méprisent. Tout n’est pas faux dans ces stéréotypes, à ceci près que la compréhension de la genèse de ces différences ne permet évidemment plus de les regarder de la même façon. Et c’est là un des mérites du livre d’André Maurois. Ainsi, dès la première page des Silences du colonel Bramble, on lit ceci : « Nous sommes un drôle de peuple, dit le major Parker. Pour intéresser un Français à un match de boxe, il faut lui dire que son honneur national y est engagé ; pour intéresser un Anglais à une guerre, rien de tel que de lui suggérer qu’elle ressemble à un match de boxe. » (2) C’est drôle, mais cela n’est peut-être pas tout à fait faux. Et la part de vrai qui s’y cache, c’est l’histoire qui peut nous en rendre compte en ce que les expériences vécues par chaque peuple ont peut-être inscrit dans leurs pratiques des façons de réagir qui font leur spécificité.

Une des gageures que doivent affronter les savoirs intermédiaires, c’est de suggérer beaucoup en peu de mots, c’est de maintenir ouverte la possibilité d’hypothèses sans recourir à l’énumération. Ainsi, alors qu’il évoque l’arrivée du christianisme outre-manche, Maurois écrit ceci :
« On a rapproché très justement les poèmes anglo-saxons des poèmes homériques. Les uns et les autres présentent en effet les traits de ce que l’on peut appeler les âges héroïques. Dans les sociétés tout à fait primitives, les liens de famille ou de tribu avaient été les plus forts. C’était la famille de chaque homme qui devait obtenir vengeance pour lui et qui était responsable de ses fautes. Dans les sociétés héroïques, le lien de famille tend à se relâcher. L’individu se libère de la tribu. Affranchi de cette terreur de la nature qui accable les primitifs, il laisse libre cours à sa volonté de puissance. Les passions individuelles l’emportent sur l’intelligence politique. C’est un temps de combats singuliers, de guerres entreprises pour l’honneur. Pourtant, comme il faut bien que toute société ait prise sur les individus, un lien nouveau se forme par le loyalisme et l’amitié. Le héros n’a aucune modération, mais il est courageux et il est fidèle. Cela fait un caractère assez beau, où le moraliste chrétien trouvera des éléments de noblesse vraie. La générosité du héros s’exercera bientôt au profit de l’Église. Un roi pieux donne des terres aux évêques, aux monastères. Reste évidemment à discipliner la violence ou à l’employer pour de justes causes. L’humilité et la pudeur chrétiennes, en s’alliant aux passions héroïques, allaient engendrer, du Xe au XIIIe siècle, un type que l’antiquité n’a pas connu, qui pèche encore souvent par cruauté mais qui se voulait pur : le Chevalier. Beowulf, qui se bat contre les monstres sortis de l’enfer, est déjà presque un chevalier chrétien. Sa fin est celle de Lancelot. Nous verrons en étudiant l’admirable personnage du roi Alfred, ce que pourra produire de meilleur le mélange de la civilisation romaine, de l’honneur barbare et de la morale chrétienne. » (p. 49)

Il convient aussi - dans cette entreprise périlleuse qui consiste à fournir des bases à une réflexion critique - de rendre compte de faits qui peuvent ultérieurement peser dans l’appréciation des évolutions. Ainsi, alors que l’histoire de l’Angleterre sera profondément marquée par un rapport très problématique entre le souverain et son peuple, il ne suffit pas de relever l’origine étrangère du premier, mais de fournir aussi des clés à propos de l’origine de la méfiance du second.
« Un des griefs les plus graves des indigènes anglais contre le Conquérant et ses Normands fut la création des forêts royales. Duc de Normandie, Guillaume avait eu d’immenses forêts pour y chasser le cerf et le sanglier. Roi d’Angleterre, il voulut s’assurer son passe-temps favori et, près de sa capitale, Westminster, fit planter la Nouvelle Forêt, détruisant, disent les chroniqueurs, soixante villages, des champs fertiles, des églises et ruinant des milliers d’habitants. Les chiffres semblent exagérés, mais il est certain que les forêts royales furent une plaie. Au siècle suivant, elles couvriront un tiers de la superficie du royaume. Ces forêts étaient protégées par des lois cruelles. Au temps de Guillaume, quiconque y tuait une biche ou un cerf avait les yeux crevés. Il était interdit, sous peine de mutilation, de toucher aux sangliers et aux lièvres. Plus tard, tuer un cerf dans la forêt royale devint un cas pendable. En cette matière, les passions du Conquérant l’avaient emporté sur son esprit politique. Les écrivains du temps essaient de justifier les lois de la forêt en disant que celle-ci échappe à la loi commune du royaume ; le Roi s’y repose de tous ses soucis, et même de celui d’être juste. » (p.87)

Il convient encore de préparer les esprits à ne pas sombrer dans le chronocentrisme et à porter sur le passé un jugement qui ne transporte pas avec lui les valeurs et les espérances d’aujourd’hui. Ainsi :
« Les paysans saxons et danois furent sans doute aussi indignés que le chroniqueur quand il virent les rois normands relever, avec une honteuse minutie, les biens de chacun, percevoir sévèrement les impôts et établir dans tout le pays des barons étrangers. Mais l’ordre nouveau leur assurait au moins la sécurité. En régime féodal et sous un roi fort, si l’homme du peuple n’était pas libre de se déplacer, de vendre ses biens, de changer de métier, au moins la place qu’il occupait dans l’armature sociale ne lui était-elle pas contestée. Sa terre ne pouvait être vendue qu’avec lui ; il ignorait les crises et la mévente. Personne ne pouvait légalement le priver des moyens de produire lui-même sa nourriture et celle de sa famille. Il était moins bien protégé contre les erreurs judiciaires qu’un homme de notre temps, mais les rois normands allaient s’employer à lui donner des garanties, et le seigneur lui-même devait respecter la coutume. Naturellement, il serait naïf de penser que les hommes aient été alors contents de leur sort. L’humanité fut toujours divisée, à peu près également, en optimistes et en pessimistes. Mais au XIIe siècle la plupart des Anglais ne conçoivent guère un état social autre que celui dans lequel ils vivent. Encore qu’ils ne se fassent pas faute de blâmer les mœurs des prêtres, ils sont sincèrement religieux et tiennent un roi oint et couronné pour un personnage sacré. Entre eux et leur seigneur, le lien personnel leur apparaît comme naturel. Tant que persistera le souvenir des dangers passés, des invasions de pirates et les villages pillés, l’existence d’une classe militaire leur semblera nécessaire. C’est au XIIIe siècle que le système féodal, dans une société qui, grâce à lui, connaîtra plus de sécurité, commencera d’apparaître comme inutile et pesant. Et c’est un peu plus tard que, comme tous les régimes d’ordre, il mourra de son succès. » (pp. 88-89)
Ou ceci également qui participe du même relativisme :
« Rien ne ressemble plus à une ville du XIIe ou du XIIIe siècle que les soukhs de Fès ou de Marrakech. Tous les hommes de même métier y sont groupés en un même quartier. Il y a la rue des Bouchers, celle des Armuriers, celle des Tailleurs. L’objet de la guilde ou corporation est, d’une part, de protéger ses membres contre toute concurrence extérieure, d’autre part de leur imposer des règles qui soient la sauvegarde du consommateur. Les idées du Moyen Age sur le commerce étaient contraires à celles de nos économistes libéraux. Le Moyen Age n’admettait pas l’idée de concurrence, ni celle de marché libre. Acheter à l’avance pour revendre était un délit ; acheter en gros pour revendre au détail, un autre délit. Si un membre de la guilde faisait un achat, tout autre membre pouvait, s’il le voulait, y participer au même prix. Aucun étranger n’avait le droit de s’installer dans une ville pour y exercer un métier. Être membre d’une guilde était un privilège héréditaire. Au début les artisans pauvres purent, en servant comme apprentis pendant six ou sept ans, devenir maîtres ; plus tard les guildes se fermèrent. Le Moyen Age ne reconnaissait par “la loi de l’offre et de la demande”. On pensait qu’il y avait pour chaque marchandise un “juste prix”, qui devait permettre au marchand de bien vivre sans lui laisser un bénéfice excessif. » (p. 125)

Il faut aussi apprendre ce que gagnent les sociétés lorsqu’elles perdent certaines de leurs particularités et ce qu’elles perdent lorsqu’elles en gagnent de nouvelles.
« Les corps des élisabéthains étaient faits comme les nôtres. Ils avaient les mêmes cerveaux, les mêmes cœurs, les mêmes reins et sans doute éprouvaient-ils à peu près les mêmes passions que leurs descendants. Mais ils déformaient si bien, par les courbes et les angles de leurs vêtements, la ligne de ces corps, et par l’éclat de leurs métaphores le naturel de ces passions, que beaucoup d’historiens les ont tenus pour des monstres. En particulier l’on s’est étonné du contraste entre la délicatesse de leurs poèmes et la cruauté de leurs spectacles, entre le luxe de leurs costumes et la saleté de leur vie. Mais toute époque offre de telles surprises et les historiens de l’avenir n’auront pas moins de mal à concilier l’intelligence de nos savants et la pénétration de nos romanciers avec la stupidité de notre économie et la sauvagerie de nos guerres. Les apprentis et les capitaines qui traversaient la Tamise pour aller voir, au Théâtre du Globe, une comédie de Shakespeare étaient les mêmes qui trouvaient plaisir à voir un malheureux ours harcelé par une meute de chiens, ou à contempler le supplice sanglant d’un traître. L’habitude les avait endurcis, comme elle faisait accepter par Essex ou Carlisle, si raffinés, la puanteur des rues de Londres, comme elle fait accepter par tel esthète de notre temps la philosophie politique la plus dure et ses sanglantes conséquences. » (p. 273)

Et puis, il y a lieu aussi de comprendre que le bonheur peut causer des souffrances et le malheur peut engendrer des bienfaits et aussi que ces notions représentent un thermomètre dont toutes les classes sociales ne disposent pas. Il s’agit ici de la terrible peste noire de 1348 :
« La peste, qui a ruiné le seigneur, a enrichi le petit fermier. Non seulement il a pu acquérir des terres ou contracter des baux à bon compte, mais alors que le seigneur paie sa main-d’œuvre plus cher, le fermier, qui travaille avec sa famille, ne souffre pas de la hausse des salaires. Au marché, à la foire, il peut vendre ses légumes ou son blé au-dessous des prix du domaine et faire encore un bénéfice honnête. Le journalier lui-même est plus heureux que jadis ; si un seigneur rigoureux prétend lui imposer le Statut des Travailleurs, il s’enfuit dans les bois et cherche à gagner un autre comté où le besoin d’ouvriers sera trop urgent pour qu’on y demande de bien minutieuses explications à un homme qui offre ses bras. Ainsi en même temps que, sur les champs de bataille, l’archer devenait l’auxiliaire indispensable, puis le vainqueur du chevalier, sur les champs labourés le paysan devenait un associé avec lequel il fallait compter. Beaucoup s’en plaignaient : “Le monde va de mal en pis, écrivait Gower vers 1375, quand bergers et vachers demandent plus pour leur travail qu’un bailli ne demandait autrefois. De mon temps, les ouvriers ne mangeaient pas de pain de blé. Ils se nourrissaient de haricots ou de grains plus grossiers ; ils ne buvaient que de l’eau ; le lait et le fromage étaient une fête pour eux. Alors le monde était comme il doit être pour gens de cette sorte. Trois choses sont sans pitié quand on les laisse gagner le dessus : une inondation, un incendie, et la foule des petites gens. Ah ! notre temps, où vas-tu ? car le peuple, qui ne devrait s’occuper que de son travail, demande à être mieux nourri que ses maîtres…” Ces plaintes sont de tous les temps, et toujours aussi vaines. Que l’on s’en réjouît ou s’en attristât, le système féodal, miné de toutes parts, chancelait. Le microbe de la peste noire avait, en quelques années, déterminé une émancipation qu’au XIIe siècle les esprits les plus hardis n’auraient pu concevoir. » (p. 171)

L’envie ne me manque pas de multiplier les extraits susceptibles d’illustrer ce ton, cette écriture et ces questionnements qui font la valeur du livre. Mais je crois en avoir assez livré pour que naisse, chez celles et ceux qui sont sensibles à ces qualités, le désir de le lire. Juste quelques phrases encore, des phrases dont la portée peut être appréciée sans tenir compte du contexte.
« L’invention de l’imprimerie, en vulgarisant la théologie, prépara les guerres de religion, comme l’invention de la radio favorise en notre temps la diffusion des passions politiques. » (p. 206)
« L’importance des événements échappe presque toujours à ceux qui en sont les témoins. » (p. 210)
« Toute grande transformation sociale trouve ses théoriciens, qui imaginent des causes permanentes pour expliquer des effets transitoires. » (p. 434)
«  Si sages qu’ils puissent être, les hommes d’État sont entraînés par les affaires bien plus qu’ils ne les dirigent. » (p. 417)
« Les effets du hasard ont été en Angleterre utilisés par les hommes d’État comme les bonheurs d’expression ou de trait sont retenus par de grands artistes. » (p. 562)

Il reste à celui qui aura eu le bonheur de lire cette Histoire d’Angleterre à imaginer ce que pourrait être une analyse tendant à y déceler comment les goûts et les manières de penser de Maurois - dont son époque, notamment, l’a lesté - ont pénétré son récit.

(1) André Maurois, Histoire d’Angleterre, complété par Michel Mohrt, Fayard, 1978 (la version de 1937 était titrée Histoire de l’Angleterre.
(2) André Maurois, Les silences du colonel Bramble, Grasset, 1918, p. 3.

Autre note sur Maurois :
Prométhée ou la vie de Balzac