mardi 29 octobre 2019

Note d’opinion : le rationnel et le politique

À propos du rationnel et du politique

Il existe une vision de la raison qui fait d’elle une sorte de réservoir de vérités que la logique cautionnerait. Ce qui conduit aisément à l’idée que, face à quelque situation que ce soit, son usage est hautement recommandable. Mais les choses ne sont pas aussi simples, malheureusement. Et, pour le dire sans détour, il me semble qu’il convient d’admettre qu’il existe un bon usage de la raison en dehors duquel elle pourrait devenir une source d’erreurs d’autant plus regrettables qu’elles tiendraient leur force d’une illusion malaisément décelable.

Repartons de Montaigne. Son rapport à la raison peut être défini de deux façons différentes. D’un côté, il y a cette manière qu’il a de s’en prendre à la raison rhétorique, comme on peut s’en rendre compte dans l’“Apologie de Raimond de Sebonde” (1) ; de l’autre, il y a cette opinion selon laquelle l’œuvre entière de Montaigne révèlerait un déni de raison, comme l’affirma par exemple Nicolas Malebranche (2). Même si un chercheur aussi sérieux que Martial Gueroult n’était pas loin de penser comme lui, j’incline à croire que Malebranche n’a pas voulu voir ce que les propos de Montaigne ont de rationnel, en bonne partie parce qu’il n’a pas construit un système de l’entendement comme le feront les philosophes du XVIIe siècle. Reste que, selon moi, Montaigne use bel et bien de la raison, mais en se gardant d’appliquer des raisonnements logiques à des prémisses incertaines.

L’abus de raison existe donc, en raison même du fait que se montrer rationnel consiste à enchaîner les propositions et les arguments de façon logique, indépendamment du point de départ choisi. Par conséquent, n’importe qui peut utiliser un raisonnement qui a toutes les apparences de la logique pour tenter de donner pour vrai une thèse bancale. Voilà ce qu’illustrent les multiples recours à la raison auxquels donnèrent lieu les croyances les plus débridées et les points de vue les plus contradictoires.

Il conviendrait donc d’être raisonnablement rationnel. Mais qu’est-ce que cela veut dire ?

Bien sûr, il s’agirait encore d’être capable de raison, mais d’une façon qui vise d’abord et avant tout à maîtriser notre goût pour la rationalité. On pourrait peut-être envisager une rationalité simple, à laquelle se couplerait une rationalité au carré, laquelle n’aurait d’autre fonction que de critiquer l’usage premier de la raison. La science correctement à l’œuvre ne fait rien d’autre lorsqu’elle concilie prudemment l’expérience aux exigences du raisonnement. Ce qui, en ce cas, doit garantir le bon usage de la raison, c’est sa subordination au souci de vérité, ou, plus précisément, au souci de détecter l’erreur ou la fausseté. Lorsque la raison se met au service d’un autre dessein que celui de démêler le faux du vrai - par exemple lorsqu’elle plaide pour une croyance injustifiée ou lorsqu’elle se soumet à des intérêts étrangers à la recherche du vrai -, elle se compromet.

C’est donc dans ce à quoi elle s’applique et dans les intentions qu’elle traduit que la raison trouve les bons chemins de son usage. Car tout est dans les prémisses. Comme le disait Wittgenstein : « Il est tellement difficile de trouver le commencement. Ou mieux : Il est difficile de commencer au commencement. » (3) On ne commence jamais au commencement. Voilà pourquoi une rationalité en marche trouve sa première justification dans ce qui l’a poussée à commencer. Et si ce point de départ est infondé ou irréfléchi, elle ne se livrera qu’à un simulacre, telle la technique du magicien qui fait passer une illusion pour une réalité.

Venons-en à la rationalité en politique.

On peut aisément imaginer que l’usage de la raison par les politiciens peut ne pas nuire. En tout cas, aux desseins qu’ils poursuivent. Mais il serait assez naïf de croire que ces desseins correspondent aux meilleurs de ceux qu’il est rationnellement possible de concevoir. Il y a de la candeur chez tous ceux qui rêvent de subordonner les actes politiques à un examen rationnel des choix qui s’offrent. Ainsi en va-t-il des propositions de Bertrand Russel à ce sujet. Lorsqu’il envisage « de faire quelque bien dans la politique », il pense au rôle que pourrait y jouer l’« expert », c’est-à-dire celui qui a le loisir d’étudier les problèmes rationnellement, pour ne pas dire scientifiquement. L’expert, dit-il, est celui dont l’habileté « consiste à calculer ce qui est réellement avantageux. » (4) C’est ce qui le conduit à penser que « l’habitude de fonder les opinions sur la raison, quand elle a été acquise dans la sphère scientifique, est apte à être étendue à la sphère de la politique pratique. » (5)

Si l’on tente de comprendre ce qui caractérise le champ politique, il faut bien admettre que ce qui s’y passe s’explique principalement par la lutte pour la détention du pouvoir. Et si les discours qu’on y entend passent généralement cet aspect des choses sous silence, c’est pourtant bien lui qui guide les décisions. S’il est extérieur au pouvoir, l’expert conseillera en vain le politique (si tant est que ce conseil soit judicieux) ; s’il coopère au pouvoir, il infléchira son conseil en raison même des nécessités du pouvoir. Rien ne peut briser cette fatalité du politique et les formes variées de pouvoir dont l’histoire témoigne et qui, pour certaines, avaient l’ambition de s’en faire quitte, ont généralement abouti à une prépotence ravageuse.

On pourrait au moins croire que les opinions politiques - celles dont le pouvoir politique se soucie beaucoup - peuvent évoluer vers des positions plus rationnelles, en bonne partie par l’effet de l’éducation et d’un respect accru de l’esprit scientifique. Force est cependant de constater qu’il n’en est rien. Bien au contraire, ce sont les croyances irrationnelles qui dominent de plus en plus et ce sont les opinions politiques les plus inconséquentes qui s’imposent un peu partout. Peut-être n’en sera-t-il pas toujours ainsi, peut-être le goût du raisonnable et du rationnel reviendra-t-il. Mais il est peu probable, je crois, que la nature du politique en soit pour autant affectée.

L’idée d’une vie sociale ou d’une vie individuelle dominée par la raison est assez illusoire. Pourtant, comme le disait fort justement David Hume, tenter d’user de sa raison pour comprendre ce qu’est l’homme et ce qui le guide a à tout le moins le grand mérite, pour certains, d’être très distrayant.
« En un mot, l’existence humaine est gouvernée par la fortune plus que par la raison ; elle doit être tenue pour un passe-temps ennuyeux plus que pour une occupation sérieuse ; et elle est davantage soumise à l’influence d’humeurs particulières qu’à celle de principes généraux. Faut-il nous y engager avec passion et angoisse ? Elle ne mérite pas tant de soucis. Faut-il être indifférent à tout ce qui arrive ? Notre flegme et notre insouciance nous feront perdre tout le plaisir du jeu. Mais tandis que nous raisonnons sur la vie, la voilà écoulée, et la mort traite de manière égale le sot et le philosophe, même si, peut-être, elle reçoit d’eux un accueil différent. Réduire l’existence à une règle et à une méthode précises est une occupation ordinairement pénible et le plus souvent vaine. N’est-ce pas aussi la preuve que nous donnons trop de prix à la récompense à laquelle nous aspirons ? Que dis-je ? Raisonner à son sujet avec autant de soin, et en déterminer la juste idée avec précision, ce serait déjà la surestimer, s’il ne se trouvait que, pour certains tempéraments, cette occupation est l’une des plus distrayantes à laquelle employer sa vie. » (6)

(1) Cf. ma note du 30 janvier 2018.
(2) « Ce ne sont nul­le­ment ses rai­sons qui per­sua­dent : il n’en apporte pres­que jamais des choses qu’il avance, ou pour le moins, il n’en apporte pres­que jamais qui aient quel­que soli­dité. En effet, il n’a point de prin­ci­pes sur les­quels il fonde ses rai­son­ne­ments, et il n’a point d’ordre pour faire les déduc­tions de ses prin­ci­pes. Un trait d’his­toire ne prouve pas, un petit conte ne démon­tre pas, deux vers d’Horace, un apoph­tegme de Cléomènes ou de César ne doi­vent pas per­sua­der des gens rai­son­na­bles : cepen­dant ses Essais ne sont qu’un tissu de traits d’his­toire, de petits contes, de bons mots, de dis­ti­ques et d’apoph­teg­mes. » (Malebranche, De la recherche de la vérité, livre II, Vrin, 1945, p. 198.)
(3) Ludwig Wittgenstein, De la certitude, trad. de l’allemand par Jacques Fauve, Gallimard, Tel, 1976, p. 114.
(4) Bertrand Russel, Essais sceptiques, trad. d’André Bernard, Les Belles Lettres, Coll. “Le goût des idées”, 2011, pp. 139-140.
(5) Bertrand Russel, Fact and Fiction [1961], Routledge, 1994, p. 102, cité par Jean-Matthias Fleury in “Souveraineté de la raison”, intervention dans le cadre du colloque au Collège de France de mai 2013 consacré à la “Reconstruction de la raison”. Je cite la phrase de Russel à partir du texte de Jean-Matthias Fleury, car ce texte mérite d’être lu entièrement par qui s’intéresse à la question du rapport entre la science et la démocratie. Il est consultable ici.
(6) David Hume, Essais moraux, politique et littéraires et autres essais, trad. par Gilles Robel, PUF, 2001, pp. 340-341.

lundi 14 octobre 2019

Note de lecture : Gérard Noiriel

Le venin dans la plume
de Gérard Noiriel


Quand on souhaite crédibiliser une opinion, on la qualifie de savoir. Quand on veut au contraire la discréditer, on l’appelle croyance. Après avoir accordé sa confiance à la science pendant de nombreuses décennies, l’opinion commune a connu, au cours des vingt dernières années, un spectaculaire renversement qui voit très habituellement les mérites de la science cantonnés dans des processus techniques et, pour le reste, déconsidérés jusqu’à être assimilés à des croyances.

Les causes de ce renversement sont bien malaisées à isoler, d’autant que l’effort pour le faire serait encore assimilé à la construction d’une nouvelle croyance. Néanmoins, serait-il absurde d’y voir - au moins en partie - le résultat inattendu des démarches qui, depuis les années 60, ont visé à pourchasser au sein même du discours scientifique les traces d’une subjectivité apte à subtilement contaminer tout travail d’objectivation ? Par exemple, lorsqu’il est affirmé que la médecine moderne occidentale n’est pas plus respectable que les médecines traditionnelles orientales (puisqu’elle reposerait sur des croyances à peine moins consolidées que les autres), c’est tout autant un certain scepticisme que les chercheurs en médecine ont souhaité pratiquer pour conférer à leurs savoirs une scientificité accrue que le rejet pur et simple de la rigueur vérificatrice qui y a sans doute conduit.

Un des résultats de cette évolution tient dans ce dogme aujourd’hui très répandu que les croyances ont droit à des égards. Il fut un temps où les autorités chrétiennes assuraient leur férule en suppliciant ceux qui critiquaient leur catéchisme ; à présent, elles réclament, avec l’appui des autres confessions, que les croyances, faute d’être partagées, soient respectées. Ne leur en déplaise, je respecte les croyants, mais pas leurs croyances. Car en matière de croyance, tout comme en matière de savoir, en religion comme en science, c’est le silence sur l’objection, qu’il soit contraint ou qu’il soit poliment adopté, qui consolide l’erreur et bafoue la liberté de pensée.

En histoire, comme en religion, c’est le règne des croyances. À ceci près que, depuis un siècle et demi, il fut tenté d’adopter une démarche scientifique en histoire, ne serait-ce que parce qu’il apparaissait possible de parfois démêler, à propos des faits du passé, le faux du vrai. Pour autant, l’histoire est bien loin d’avoir construit un corpus de savoirs cohérents. Bien au contraire, elle a été l’objet, au cours des dernières décennies, d’une double évolution très nuisible aux tentatives d’objectivation qu’elle a eu l’occasion de mener : d’une part, elle a perdu la place qu’elle occupait dans l’enseignement général ; d’autre part, on a vu renaître, plus forte que jamais, l’instrumentalisation idéologique du passé.

Dès lors qu’il s’agit de tenter de comprendre les résistances à une histoire vraie, il importe d’abord de mesurer en quoi les faits en cause sont particulièrement malaisés à cerner. Car un fait historique se présente a priori comme un élément du passé choisi parmi une infinité de faits et, quelles que soient les précautions prises pour accepter ce fait comme méritant davantage d’attention que tout autre contemporain ou voisin, la perte qu’il implique et le renoncement à l’exhaustivité qu’il suppose sont par nature incontrôlables. S’intéresser à un fait historique, c’est un peu comme braquer une longue-vue sur un objet, opération qui l’isole de tout ce qui l’entoure.

Mais ce qui nuit le plus à la vérité en histoire, c’est bien sûr l’intérêt que chacun peut avoir à lui faire dire quelque chose d’utile ou de profitable. Ainsi, lorsque Éric Zemmour fait appel à des faits historiques pour consolider ses opinions, il opère un choix de faits et une interprétation de ceux-ci qui ne s’entoure d’aucune des précautions élémentaires avec lesquels il conviendrait d’approcher le passé avec rigueur. Pour s’assurer une reconnaissance commune de son savoir historique, il se contente de se montrer capable de citer les circonstances marquant tel moment et tel lieu qu’il lui plaît d’évoquer, comme s’il participait à un jeu d’érudition. C’est ainsi qu’il crédibilise ses opinions en leur donnant l’apparence d’un savoir.

Si je cite l’exemple de Zemmour, ce n’est certes pas parce qu’il m’apparaît exemplaire de quelque façon que ce soit ; je le connais trop mal pour ça. Tout au plus le sais-je populaire, dans le sens le plus regrettable du mot. Si je le cite, c’est parce qu’il est la cible d’un livre de Gérard Noiriel, Le venin dans la plume (1) que j’achève de lire. Et c’est de ce livre que je voudrais parler.

Ce que j’ai appris de ce livre et qui m’a incité à le lire me fit croire qu’il s’agissait pour son auteur, Gérard Noiriel, de réaffirmer la nécessité d’une approche historique uniquement guidée par le souci de démêler le faux du vrai à propos du passé. Et donc, d’illustrer pourquoi et comment l’utilisation politique de l’histoire, d’une part, et son usage faussement érudit, d’autre part, accroissaient très fortement les chances de s’en faire une idée fausse. Mon unique crainte portait sur le projet annoncé d’établir une comparaison entre Édouard Drumont et Éric Zemmour, une comparaison qui selon moi pouvait présenter certains risques. Lecture faite, voici ce que j’en pense.

Gérard Noiriel est historien et directeur d’études à l’EHESS et, à ce titre, se veut le défenseur d’une méthode de recherche en histoire censée aboutir à des résultats prévalant sur l’histoire commune. Et lorsque Zemmour s’en est pris au pouvoir des enseignants-chercheurs « qui tiennent le haut du pavé », qui « ont titres et postes » et qui « ont intégré les lieux de pouvoir et tiennent les manettes de l’État » (2), il a souhaité que chacun retrouve sa juste place en écrivant un livre à cet effet. La première question qui mérite discussion est donc de savoir s’il était opportun d’écrire ce livre.

Il est vrai que l’attaque de Zemmour visant les historiens-chercheurs a quelque chose d’exemplaire. Lier le discrédit d’une parole aux privilèges supposés dont bénéficie celui qui la prononce est particulièrement pervers, mais également très efficace. Car, d’une part, c’est s’assurer la sympathie de tous ceux qui regardent la réussite confortable - celle de ceux qui occupent une position garantie par le système (comme dit si volontiers l’extrême droite) - comme une des causes de leur propre adversité ; d’autre part, c’est jeter l’opprobre sur ceux qui pourraient démasquer cet usage sauvage de l’histoire qui lui vaut d’être souvent regardé comme celui qui sait et qui ose dire ce qu’il sait. Le politiquement incorrect est souvent devenu une manière d’exhiber sa sincérité et sa clairvoyance, comme si proférer une horreur ne valait précisément d’être osé que si cela contribuait à révéler des choses qu’on nous cache.

Faut-il pour autant aller à la confrontation ? Fallait-il par exemple aller batailler à la Convention de la droite, le 28 septembre dernier, comme le fit Raphaël Enthoven ? Fallait-il aussi publier un livre d’histoire visant à replacer l’attitude de Zemmour dans une subtile continuité séculaire, comme l’a fait Gérard Noiriel ?

Les deux démarches ne sont pas tout à fait les mêmes.

Enthoven n’avait comme seule compétence notoire que d’être philosophe. Si ce n’est pas rien, il convient pourtant de constater que les “philosophes” d’aujourd’hui qui s’expriment dans les médias se voient bien davantage assignés à philosopher sur le présent qu’à professer la philosophie (entendez l’histoire de la philosophie). Et cette manière de faire est bien éloignée de la démarche rigoureuse que peut représenter la recherche de la signification des philosophes du passé. Pour autant, Raphaël Enthoven est apparu conscient de la difficulté ; il a notamment déclaré : « Je vous remercie de cette invitation. Même si à cause de vous j’ai perdu plein d’amis sans en gagner un seul. Et même si je suis bien conscient que vous avez tout à gagner à ma présence alors que j’ai tout à perdre à venir chez vous. » Après quoi, ce qu’il a explicité, ce sont des positions politiques antinomiques à celles dont cette Convention voulait être l’occasion de l’expression. En quelque sorte, c’était conviction contre conviction.

Gérard Noiriel, de son côté, a voulu fournir aux arguments de Zemmour une réponse d’historien. Il n’a pas choisi de quitter le terrain de la recherche, du moins de façon explicite. Il s’est plutôt autorisé de la recherche - notamment par l’hypothèse d’une certaine similitude entre Drumont et Zemmour - avec l’espoir de dévoiler ainsi le caractère captieux des affirmations de ce dernier. On pourrait dire, en simplifiant à outrance, que c’est la science contre l’impéritie. Il n’en demeure pas moins que l’intention politique reste présente - comment pourrait-il en être autrement ? -, avec tout ce que cela représente de biais inévitables. Le livre se veut le reflet d’un travail de recherche, mais il a un objectif politique et ne s’en cache d’ailleurs pas.

J’hésite fort à poser un jugement à son égard. Fallait-il s’y risquer ? Il y a fatalement deux manières de raisonner. D’un côté, que penser de l’efficacité (politique) de l’entreprise ? N’aboutit-elle pas à ne convaincre que les convaincus ? Je n’en sais trop rien et je n’aperçois pas comment le mesurer. D’un autre côté, ne compromet-elle pas l’ambition scientifique en conférant au souci de démontrer un enjeu qui dépasse le simple désir de savoir ? Je l’ignore tout autant.

Dans ses propos relatifs aux historiens-chercheurs, Zemmour rassemble sous le même blâme ceux qui « ont titres et postes » et ceux qui « ont intégré les lieux de pouvoir et tiennent les manettes de l’État ». Or, s’il est des historiens qui, effectivement, se sont lancés dans la politique jusqu’à y jouer un rôle non négligeable, il pourrait s’agir de ces ambitieux qui, bardés de diplômes, ont quitté les chemins de la science pour emprunter ceux du pouvoir. C’est peut-être cette frontière-là que l’on ne peut impunément franchir.

(1) Gérard Noiriel, Le venin dans la plume, La Découverte, Collection L’envers de faits, 2019.
(2) Éric Zemmour, Destin français, Albin Michel, 2018, p. 37, cité d’après Noiriel, Op. cit., p. 8, car je n’ai pas lu le livre de Zemmour.