samedi 30 décembre 2023

Note d’opinion : Gérard Depardieu (suite)

À propos de Gérard Depardieu (suite)

À la fin de ma note du 28 décembre 2023, j’évoquais une lettre au président de la République publiée par Le Monde le 27 décembre 2023 et je précisais que j’approuvais l’essentiel de son contenu. Or, plus d’un ont attiré mon attention sur le fait que cette lettre n’est accessible qu’aux abonnés du journal et que, faute d’en être, ils s’interrogeaient sur ce que j’approuvais ainsi.

La lettre en question - publiée sous la forme d’une tribune - émane de membres de l’association MeTooMedia et, à l’heure où je place la présente note sur le blog, elle a recueilli plus de 5.000 signatures.

Adressée au président Macron, la charge n’est pas mince : « vous avez – par vos mots – validé la culture du viol au plus haut sommet de l’Etat. »

Je pense aussi que, par la façon dont il s’est exprimé lors de l’entretien accordé le 20 décembre dernier dans l’émission “C à vous” de France 5 (1), il a justifié - quelquefois en contredisant des actes et des propos qu’il avait antérieurement posés et tenus - l’attitude d’un homme qui reste apparemment - et quoi qu’il en dise - indifférent aux souffrances que les femmes doivent si souvent endurer en raison de comportements sexuels ou sexualisés.

Tout ce qu’il a dit, lors de cet entretien, à propos de la présomption d’innocence ne semblait guère viser la légèreté avec laquelle les médias relayent à l’occasion des opinions incriminantes, voire inculpantes, avant que l’institution judiciaire ne se soit définitivement prononcée. Il a bien plutôt donné la très nette impression qu’il l’évoquait vis-à-vis de toute conjecture visant Gérard Depardieu, en ce compris celles dont la Justice n’a pas à connaître et qui à elles seules traduisent un comportement moralement blâmable. Il ne faut pas l’oublier, la présomption d’innocence est quelquefois hâtivement évoquée pour faire naître un soupçon de mensonge vis-à-vis de celles qui ont le courage de révéler ce qu’elles auraient préféré cacher.

On peut supposer que l’impact politique des paroles prononcées publiquement par le détenteur d’une haute fonction altère à l’occasion le discernement au point de conduire à des maladresses.

C’en était une - et une énorme - que de dire en la circonstance que Depardieu « rend fière la France ». Il y avait là probablement le signe d’un souhait de contredire publiquement la ministre de la Culture, souhait qu’il aurait sans doute dû réfréner.

C’en était une autre d’affirmer péremptoirement : « Je sais une chose : la légion d’honneur est un ordre - dont je suis le grand maître -, qui n’est pas là pour faire la morale. […] Ce n’est pas un ordre moral et je n’ai pas envie que ce le soit. » Au-delà de la réalité du droit positif (2), décrédibiliser moralement une décoration en révèle la futilité.

Et c’en était encore une plus évidente que de déclarer : « Il y a une chose dans laquelle vous ne me verrez jamais : ce sont les chasses à l’homme. Je déteste ça. » L’expression consacrée “chasse à l’homme” vise évidemment tous les humains, de quelque sexe que ce soit. Mais en l’espèce, elle était vraiment malheureuse dès lors qu’il était question d’un mâle que la lettre dont je parle désigne à juste titre comme « le chasseur toujours à la recherche d’une proie facile ».

Mais la pire, celle qu’il est malaisé de lui pardonner, c’est d’avoir proclamé - sans doute sous le coup d’une inquiétude liée à ce qu’il s’était déjà permis de dire : « Je suis là aussi [sic] inattaquable sur la lutte contre les agressions faites aux femmes, les violences faites aux femmes et pour l’égalité femme/homme. Ce sont les deux grandes causes de mes deux quinquennats. » Il a présumé là de son innocence au motif des promesses faites. Il a surtout attiré l’attention sur le fait qu’il ne les avaient pas tenues.

Je crois avoir ainsi synthétisé (à ma façon) le contenu de la lettre dont j’avais parlé dans ma note du 28 décembre.

(1) On peut le revoir en cherchant sur Youtube “C à vous 20/12/23” et en choisissant la vidéo d’une durée de 1:14:41. Le cas Depardieu est évoqué de l’instant 55:44 à l’instant 1:01:33
(2) L’article R29 du Code de la légion d’honneur, de la Médaille militaire et de l’ordre du Mérite énonce : « Toute proposition [en vue d'une nomination ou d’une promotion dans la Légion d'honneur] est accompagnée d'une notice exposant les motifs qui la justifient et les résultats de l'enquête faite sur l'honorabilité et la moralité du candidat […] »

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