samedi 12 février 2022

Note de lecture : Hannah Arendt et l’amitié

De l’humanité dans de “sombres temps”
d’Hannah Arendt


Dans un article publié dans le Cahier de l’Herne consacré à Hannah Arendt (1), Barbara Hahn rapporte que celle-ci, en 1953 - soit deux années après la parution des Origines du totalitarisme - a consigné dans son Journal de pensée la réflexion suivante :
« Pour fonder une science politique, il faut tout d’abord reconsidérer toutes les déclarations philosophiques concernant l’homme qui affirment que ce sont les hommes et non l’homme qui habitent la terre. La fondation d’une science politique nécessite une philosophie pour laquelle les hommes n’existent qu’au pluriel. Son champ est la pluralité humaine. Dans ce domaine de la pluralité, qui est le domaine politique, on doit poser toutes les vieilles questions - qu’est-ce que l’amour, qu’est-ce que l’amitié, qu’est-ce que la solitude, qu’est-ce qu’agir, penser, etc. ; mais pas l’unique question de la philosophie : qui est l’Homme, pas plus que le Que puis-je savoir, que m’est-il permis d’espérer, que dois-je faire ? (*1) » (2)

Qu’il faille s’interroger sur ce qu’est l’amitié aux fins de comprendre ce qu’est le politique, voilà assurément une idée bien faite pour étonner. Hannah Arendt constata elle-même que personne ne s'était véritablement posé la question, du moins sous cet angle. Dans le même Journal de pensée, elle consigna d’ailleurs en 1968 cette opinion en rupture avec le sens commun philosophique :
« Aristote à tort : l’ami n’est pas “un autre moi”, mais c’est le moi qui est un autre ami. » (3) Pour comprendre ce propos, il importe d’admettre que l’amitié nait d’une distance, d’un espace que chacun s’efforce de traverser : l’espace politique ; alors que l’amour annihilerait cette distance, qu’il se situerait hors du politique. Et cette distance peut exister en quelque sorte dans le soliloque dès lors que je m’entretiens du monde. Cette différence entre l’amitié et l’amour, comme le remarque Barbara Hahn en écho à Hannah Arendt, c’est « une différence gravée dans la structure des langues européennes […] À ces deux “modalités de l’être vivant” correspondent selon elle deux modalités du dire. “L’accusatif de la violence comme celui de l’amour détruit l’entre-deux, il l’anéantit ou le consume, il rend l’autre vulnérable, il se prive lui-même de toute protection. S’y oppose le datif du dire et de la parole, qui confirme l’entre-deux, qui se meut dans l’entre-deux.” (*2) Pour l’amour, c’est le “qui” objet direct qui importe. Ce “qui” perd son pouvoir destructeur dès lors qu’il unit deux êtres. Le datif au contraire, la question du “à qui”, instaure un monde. Le “qui” objet direct se concentre sur une personne ou un groupe, dissocie, retranche et sape ainsi le principe du politique qui repose sur la pluralité, une multiplicité inéluctable, indémontrable et indénombrée. Le datif, à l’inverse, fonde un lien de don. Le don est, dans ce passage de Hannah Arendt, le verbe ; c’est dans le dire, dans le parler, qu’un monde commun voit le jour. Dans sa théorie politique, ce parler, ce débattre et ce discuter, est le facteur décisif qui fonde le commun : “nous ne nous comprenons d’habitude que dans un espace intermédiaire, à travers le monde et en vue du monde. Lorsque nous nous comprenons directement, sans relation à quelque chose de commun entre nous, nous aimons” (*3) » (4)

Voilà qui m’a semblé utile d’être précisé avant que je ne commente De l’humanité dans de “sombres temps” (5), le texte d’un discours qu’Hannah Arendt prononça en 1959 lorsqu’elle reçut le prix Lessing délivré par la ville d’Hambourg.

Ce discours, elle le consacra à Gotthold Ephraim Lessing (1729-1781), cet écrivain et dramaturge allemand dont le prix qu’elle reçut portait le nom. L’occasion était certainement trop belle pour elle d’évoquer un auteur chez qui elle reconnaissait, au moins partiellement, une conception des choses très voisine de la sienne. Et cette conception, c’est celle qui accorde à l’amitié une valeur politique à ce point fondamentale qu’elle dépasse même celle que l’on peut reconnaître à la vérité.

Il importe de camper le personnage de Lessing, tel qu’Hannah Arendt le voit. Ainsi, le dépeint-elle notamment dans ces termes :
« […] même dans le débat sur le christianisme, il ne se lia à aucune position déterminée une fois pour toutes. Plutôt, ainsi qu’il le dit lui-même, avec une magnifique connaissance de soi, il se mit involontairement à douter du christianisme “plus contraignantes étaient les preuves que certains essayaient de m’en donner”, et involontairement s’efforça “de le préserver dans [son] cœur”, plus allègrement et triomphalement d’autres cherchaient à le fouler aux pieds. Mais cela signifie que, là où tout autre combattait à propos de la “vérité” du christianisme, il en défendait surtout la position dans le monde, tantôt inquiet qu’il puisse encore renforcer ses prétentions à la prédominance, tantôt craignant qu’il ne disparaisse tout à fait du monde. Lessing voyait remarquablement loin en pensant que la “théologie des lumières” de son époque “sous prétexte de faire de nous des chrétiens rationnels est en train de faire de nous des philosophes extrêmement irrationnels” ; et il ne prenait pas là tant parti pour la raison que pour la liberté, que mettaient bien plus en danger ceux qui voulaient “imposer la foi par des preuves” que ceux qui considéraient la foi comme une grâce divine. Mais c’était aussi une prise de parti pour le monde, où il sentait que religion et philosophie devaient avoir leur place, mais des places séparées, en sorte que derrière la “cloison de séparation (…) chacun puisse aller son propre chemin sans gêner l’autre”. » (pp. 15-16)
C’est que l’on peut être tenté, lorsque l’on vit de “sombres temps”, à se laisser aller « à mépriser le monde et le domaine public, à les ignorer autant que possible, ou même à sauter par-dessus pour se retrouver derrière - comme si le monde n’était qu’une façade derrière laquelle les gens se puissent dissimuler - et parvenir ensuite à se comprendre avec leurs semblables sans égard au monde qui s’étend entre eux. » (p. 20)
Il y a bien sûr de la fraternité entre ceux qui sont opprimés. Mais ! Mais « tout se passe comme si, sous la pression de la persécution, les persécutés s’étaient rapprochés au point que l’espace que nous avons appelé monde (et qui, bien sûr existait entre eux avant la persécution, et les maintenait à une certaine distance les uns des autres), ait tout simplement disparu. » (p. 22) Ce qui aboutit « au fait que les parias de ce monde jouissent du grand privilège d’être déchargé du souci du monde » (p. 23)

Ce qui a conduit Hannah Arendt à parler de Lessing, c’est sa conception de l’amitié, principalement telle qu’elle se révèle dans une œuvre théâtrale : Nathan le sage (6). « À la fin, somme toute, écrit-elle, la sagesse de Nathan consiste seulement en ce qu’il est prêt à sacrifier la vérité à l’amitié » (p. 36). Voilà ce qu’il importe de comprendre.

Tentons d’y mettre un peu d’ordre.
« On le sait, les anciens pensaient qu’une vie humaine ne peut se passer d’amis, et même qu’une vie sans amis ne vaut pas vraiment la peine d’être vécue. L’idée qu’on a besoin de l’aide d’amis dans l’infortune intervenait peu dans cette opinion ; au contraire, ils pensaient plutôt qu’il ne peut y avoir de bonheur pour un homme si un ami ne le partage pas. Il y a là sans doute quelque chose de comparable à la maxime selon laquelle ce n’est que dans l’infortune qu’on reconnaît ses vrais amis, mais ceux que nous tenons nous-mêmes pour de vrais amis sans en être instruit par le malheur sont plutôt ceux à qui nous n’hésitons pas à montrer notre bonheur, et sur qui nous comptons pour partager notre joie.
Nous avons coutume aujourd’hui de ne voir dans l’amitié qu’un phénomène de l’intimité, où les amis s’ouvrent leur âme sans tenir compte du monde et de ses exigences. Rousseau, et non Lessing, est le meilleur représentant de cette conception conforme à l’aliénation de l’individu moderne qui ne peut se révéler vraiment qu’à l’écart de toute vie publique, dans l’intimité et le face à face. Ainsi nous est-il difficile de comprendre l’importance politique de l’amitié. Lorsque, par exemple, nous lisons chez Aristote que la
philia, l’amitié entre citoyens, est l’une des conditions fondamentales du bien-être commun, nous avons tendance à croire qu’il parle seulement de l’absence de factions et de guerre civile au sein de la cité. Mais pour les Grecs, l’essence de l’amitié consistait dans le discours. Ils soutenaient que seul un “parler-ensemble” constant unissait les citoyens en une polis. Avec le dialogue se manifeste l’importance politique de l’amitié, et de son humanité propre. Le dialogue (à la différence des conversations intimes où les âmes individuelles parlent d’elles-mêmes) , si imprégné qu’il puisse être du plaisir pris à la présence de l’ami, se soucie du monde commun, qui reste “inhumain” en un sens très littéral, tant que des hommes n’en débattent pas constamment. Car le monde n’est pas humain pour avoir été fait par des hommes, et il ne devient pas humain parce que la voix humaine y résonne, mais seulement lorsqu’il est devenu objet de dialogue. Quelque intensément que les choses du monde nous affectent, quelque profondément qu’elles puissent nous émouvoir et nous stimuler, elles ne deviennent humaines pour nous qu’au moment où nous pouvons en débattre avec nos semblables. Tout ce qui ne peut devenir objet de dialogue peut bien être sublime, horrible ou mystérieux, voire trouver voix humaine à travers laquelle résonner dans le monde, mais ce n’est pas vraiment humain. Nous humanisons ce qui se passe dans le monde et en nous en en parlant, et, dans ce parler, nous apprenons à être humains. » (pp. 33-35)

Aristote voyait en l’homme un animal politique (7), alors que Lévi-Strauss affirmait que « la vraie question : c’est le langage. » (8). On serait tenté de dire qu’Hannah Arendt n’y voit que peu de différence, car, pour elle, le parler avec les autres crée l’espace politique et c’est dans cet espace que se révèle notre humanité. Encore le parler qu’elle évoque est-il celui qui se déploie dans le dialogue, mais un dialogue que l’on peut même entretenir avec soi-même, tant la réflexion implique de soumettre sa pensée au jugement d’un moi qui se distingue de celui qui a initialement pensé, façon de rendre politique une solitude qui l’est si peu.

« Que l’humain ne se manifeste pas dans l’exaltation, mais dans la sobriété et la lucidité, que l’humanité s’atteste non pas dans la fraternité, mais dans l’amitié, que l’amitié ne soit pas intimement personnelle mais pose des exigences politiques et demeure référée au monde - tout cela nous paraît si exclusivement caractériser l’Antiquité classique, que nous sommes plutôt déconcertés en retrouvant des traits apparentés dans Nathan le sage, qu’on pourrait à bon droit, tout moderne qu’il est, tenir pour le drame classique de l’amitié. » (p. 35)

Mais, me dira-t-on, qu’en est-il de cette prééminence de l’amitié sur la vérité ? Pour en saisir toute l’acuité, il importe de s’arrêter un instant sur la balance qu’Hannah Arendt esquisse entre Lessing et Kant.
« […] quoi que la pensée de Kant puisse avoir de commun avec celle de Lessing - et, de fait, elles ont beaucoup en commun -, les deux penseurs diffèrent sur un point décisif. Kant a vu qu’il ne peut y avoir de vérité absolue pour l’homme, du moins pas au sens théorique. Il aurait certainement été prêt à sacrifier la vérité à la possibilité de la liberté humaine ; car si nous possédions la vérité, nous ne pourrions être libres. Mais il aurait difficilement accordé à Lessing que la vérité, si elle existait, devrait être sans hésitation sacrifiée à l’humanité, à la possibilité de l’amitié et du dialogue des hommes entre eux. Qu’un absolu existe - le devoir de l’impératif catégorique, qui se tient au-dessus des hommes, décide dans toutes les affaires humaines et ne peut pas être enfreint même pour le salut de l’humanité, dans tous les sens du terme -, les critiques de la morale kantienne ont souvent dénoncé cette thèse comme inhumaine et impitoyable. Cependant cette inhumanité ne tient pas à l’exigence de l’impératif catégorique qui dépasserait les possibilité d’une nature humaine trop faible, mais simplement à ce qu’il est posé absolument, et, dans cette absoluité, fonde le domaine interhumain qui consiste essentiellement en rapports et en relations sur quelque chose qui contredit sa relativité principielle. L’inhumanité, liée au concept d’une vérité unique, émerge avec une particulière clarté dans l’œuvre de Kant précisément parce qu’il a tenté de fonder la vérité sur une raison pratique ; comme si lui, qui a de façon si inexorable montré les limités de la connaissance de l’homme, n’avait pu supporter de penser que, dans l’action aussi, l’homme ne peut se conduire comme un dieu. » (pp. 36-37)
Or, « La grandeur de Lessing ne consiste pas seulement dans la vue théorique qu’il ne peut y avoir de vérité unique en ce monde humain, mais dans sa joie qu’elle n’existe point, et qu’ainsi le dialogue infini des hommes entre eux ne puisse avoir de cesse tant qu’hommes il y a. » (p. 37)

Voilà qui pourrait laisser croire que le dialogue suffit donc, quels que soient les points de vue qui s’y déploient, quels que soient les arguments qui y sont avancés, quelles que soient les intentions qui motivent les propos. En fait, ce qui mérite le nom de dialogue est plus précis que cela.
« […] parce que Lessing était un homme intégralement politique, il a soutenu que la vérité ne peut exister que là où elle est humanisée par le parler, là où chacun dit, non pas ce qui lui vient à l’esprit, mais ce qui lui “semble vérité”. Or un tel dire est presque impossible dans la solitude ; il est lié à un espace à plusieurs voix, où l’annonce de ce qui “semble vérité” à la fois lie et sépare les hommes, créant de fait ces distances entre les hommes qui, ensemble, constituent un monde. Toute vérité située hors de cet espace, qu’elle apporte aux hommes bonheur ou malheur, est inhumaine au sens littéral du terme, et non pas en ce qu’elle pourrait dresser les hommes les uns contre les autres et les séparer. Bien au contraire, c’est parce qu’elle pourrait avoir pour conséquence que tous les hommes s’accordent soudain sur une opinion unique, en sorte que la pluralité deviendrait une - comme si devaient vivre sur terre non pas les hommes dans leur pluralité infinie, mais l’homme au singulier, une espèce et ses représentants. Cela arriverait-il que le monde, qui ne se forme que dans l’intervalle entre les hommes dans leur pluralité, disparaîtrait de la terre. » (p. 41)

Le champ sémantique de mots tels amitié, politique et monde est vaste et supporte une multitude de signifiés. Hannah Arendt les circonscrit de façon très personnelle, mais en les dotant également d’un sens qui ouvre une perspective importante sur des questions qui les dépassent de beaucoup. Et il en résulte une façon d’accorder au dialogue, au débat, aux échanges, une portée qui vaut par le fait même de dialoguer, de débattre et d’échanger, bien davantage que par les éventuels informations, tolérances ou accords sur lesquels cela peut déboucher. Même si cela présente quelques accointances avec ce que je désigne personnellement du nom de parrhèsia (9), cela s’en distingue aussi, ne serait-ce que par l’apanage d’humanité qui lui est reconnu. Cela néanmoins encourage plus que jamais au débat parrhèsiastique, dès lors qu’il s’agirait d’assumer son humanité dans le franc parler et le contexte amical qu’il réclame et favorise.

Ce qu’Hannah Arendt appelle le monde, c’est ce qui est politique, au sens de ce qui réclame de savoir ce qu’il est, vers quoi il va et vers quoi il devrait aller. Mais, ne nous trompons pas : cela vaut pour la société et le pouvoir, mais aussi pour la manière de préparer le cassoulet ou de placer son argent quand on en a. Ce qui en est exclu, c’est ce qui concerne très directement soi-même et l’ami dans ce qui échappe précisément au politique, tel que cela se vit par exemple dans l’amour ; c’est donc ce qui annihile la distance que l’amitié maintient entre les amis.

Il resterait peut-être à s’interroger sur ce qui nuit à l’amitié, ce qui la perturbe, voire la dissout. Un manque de franchise ressenti, qui sait ? Ou plus simplement des propos qui délaissent le monde pour n’évoquer que soi ou l’autre, qui sait encore ? Ce qui semble avéré, c’est que l’amitié véritable réclame des sentiments qui font justice au souci du monde et que c’est là quelque chose qui n’est pas aussi fréquent qu’on peut le croire. Nul ne l’a sans doute mieux dit que Jean de Lafontaine :
Socrate un jour faisant bâtir,
Chacun censurait son ouvrage.
L'un trouvait les dedans, pour ne lui point mentir,
Indignes d'un tel personnage ;
L'autre blâmait la face, et tous étaient d'avis
Que les appartements en étaient trop petits.
Quelle maison pour lui ! L'on y tournait à peine.
Plût au Ciel que de vrais amis,
Telle qu'elle est, dit-il, elle pût être pleine !
Le bon Socrate avait raison
De trouver pour ceux-là trop grande sa maison.
Chacun se dit ami ; mais fol qui s'y repose.
Rien n'est plus commun que ce nom ;
Rien n'est plus rare que la chose.
(10)
(1) Barbara Hahn, “Le plus important, c’est la fidélité à l’ami” in Arendt, Cahier de l’Herne, 2021, pp. 30-34.
(*1) […] En italiques et en anglais dans le texte.
(2) Hannah Arendt, Journal de pensée volume 1, trad. de Sylvie Courtine Denamy, Seuil, 2005, p. 325.
(3) Op. cit. volume 2, p. 882.
(*2) Op. cit. volume 1, p. 463.
(*3) Ibid, p. 464.
(4) Arendt, Cahier de l’Herne, 2021, p. 31.
(5) Ce discours a été publié en français in Hannah Arendt, Vies politiques, Gallimard, Tel, 1974, pp. 11-41.
(6) Lessing, Nathan le sage, texte français établi par Dominique Lurcel, Gallimard, Folio, 2006, disponible sur la page internet https://daac.ac-creteil.fr/IMG/pdf/nathan-le-sage.pdf.
(7) Aristote, Politique, Livre I, II, 1253 a 2-3.
(8) Georges Charbonnier, Entretiens avec Claude Lévi-Strauss [Plon, 1961], Les Belles Lettres, 2010, pp. 149-150.
(9) Cf. sur ce terme ma note du 10 novembre 2011.
(10) Jean de La Fontaine, Paroles de Socrate, Les Fables, Livre IV, 17.

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