mercredi 19 août 2020

Note d’opinion : la franc-maçonnerie

À propos de la franc-maçonnerie

Fin de l’été 2009, j’ai mis un terme (assez brutalement, j’en conviens) à mon appartenance à la franc-maçonnerie. Je ne m’en suis jamais expliqué, ce que je ne voudrais pas voir compris comme du mépris. Voici donc une explication, 11 ans plus tard et alors que les membres qui fréquentent aujourd’hui la loge à laquelle j’appartenais se sont sans doute en bonne partie renouvelés. Elle sera aussi brève que possible : parler de soi est assez vain.

J’ai fréquenté ma loge liégeoise - Hiram d’abord, Montaigne ensuite - de façon très assidue pendant 32 ans. J’y ai noué des amitiés. Certaines d’entre elles se sont ajournées en même temps que j’interrompais ma participation à la vie de la Loge. J’en éprouve beaucoup de regrets et je demande pardon à celles et ceux qui en auraient pareillement.

Je suis entré en maçonnerie en 1977, sur la base de la confiance que je faisais à l’un de mes parrains. En fait, je n’en connaissais rien. Et très vite, je me suis senti étranger à certains des aspects de l’institution : les rites, les symboles, les grades, la laïcité militante, le phallocratisme, une certaine morale maçonnique, un anti-catholicisme bataillard, tout cela m’a paru inintéressant. Même la fraternité, en ce qu’elle était aussi obligatoire qu’aveugle, n’a pas eu ma sympathie. Mais j’ai cru ne pas être seul à désirer une loge différente et j’ai espéré une évolution favorable à l’atténuation de ces aspects-là. Car d’autres aspects de la maçonnerie m’ont progressivement semblé attrayants, à commencer par le mode de débat. J’en suis même arrivé à imaginer que la loge puisse réaliser l’utopie parrhèsiastique ; c’est le sens que j’ai personnellement donné à la création de Montaigne en 1999.

Voilà assurément une remembrance bien infidèle, j’en suis conscient, tant d’autres choses ayant pu me déterminer au cours de ces trois décennies. Je ne la retiens que parce que c’est l’illusion de sa véracité qui m’a conduit à renoncer un beau jour à ma qualité de maçon. L’utopie en était bien une et l’esprit que j’aurais voulu voir régner sur l’activité maçonnique - un esprit que la création de Montaigne m’avait laissé supposé en progrès - s’est mis à trop décliner pour que je garde espoir. Du moins, le crois-je. Car il n’est pas exclu que je me sois mépris sur cette évolution.

Évidemment, des intérêts distincts des miens sont parfaitement légitimes et je n’ai d’autre raison à donner à mon renoncement que des préférences très subjectives et parfaitement contestables. Qui que nous soyons, nous sommes, je crois, forgés et mus autant par l’insignifiant, par le dérisoire, que par ce qui semble net, manifeste ou décisif.

Je garde beaucoup d’excellents souvenirs de mon passage en loge, et quelques moins bons. Ce fut pour moi une expérience que je ne regrette pas. Mais j’en suis déjà suffisamment loin que pour me demander comment diable j’ai pu y rester si longtemps. L’amitié que je nourris envers certains de ses membres n’en est pourtant aucunement altérée.

Il y a certainement dans ma persévérance la trace d’une aptitude très répandue et dont je n’ai pas pu me défaire quoi qu’il m’en ait coûté, à savoir l’adhésion automatique et irréfléchie à l’habitus du groupe. Durant les premières années consécutives à mon initiation, j’ai sincèrement - mais sans doute étourdiment - répété les consignes les plus partagées de l’institution (le travail sur soi, la tolérance, l’échange ouvert, etc.). Cela m’a valu d’être appelé à des fonctions que je n’ambitionnais pas, mais qui m’ont permis de participer à des débats où se jouaient quelquefois les côtés les moins glorieux du Grand Orient de Belgique, telle la question de la mixité. C’est probablement ce qui m’a conduit progressivement à renâcler. Encore fût-ce toujours dans le cadre des règles admises, car je n’ai jamais beaucoup apprécié la facilité avec laquelle - aussi bien dans le monde profane qu’en maçonnerie - certains s’autorisent de la nécessité pour contourner les normes.

En voilà assez ! Un mot de plus cependant à propos de l’image de la maçonnerie, telle que l’opinion commune se la forge. Aussi inexacte soit-elle, les maçons ne sont pas selon moi en droit de s’en plaindre (sauf si elle allait jusqu’à la persécution, ce qui est arrivé déjà). Car il est assez inconséquent de pratiquer le secret - secret de l’appartenance et secret des travaux - et, dans le même temps, d’exiger d’être compris comme on veut l’être. Ce n’est que le moindre des inconvénients du secret, car il peut également à l’occasion couvrir des connivences regrettables. Encore aujourd’hui, je n’en déduis pourtant pas que le secret ne puisse avoir son utilité. Il est même peut-être une des conditions du débat parrhèsiastique, du moins le crois-je.

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