dimanche 7 décembre 2014

Note d’opinion : l’esprit

À propos de l’esprit

Après avoir tenté de formuler un avis sur le livre de Pierre Hadot Plotin ou la simplicité du regard, j’ai terminé la note du 5 octobre 2014 par le propos suivant :
« Je suis personnellement intéressé par la métaphysique, si l’on appelle ainsi cette part de la mystique qui ne dépose rien dans l’habitacle du mystère. Plus cet habitacle se remplit, moins il donne lieu à réflexion, moins il donne lieu à discussion. Et c’est en cela que la contemplation ou la méditation spirituelle ressemblent selon moi à une sorte de sclérose volontaire de l’esprit. »
Ce qui fut commenté le 6 décembre 2014 par Laurent Ledoux de la façon suivante :
« Merci pour cet article intéressant. Tu parles à la fin de celui-ci de "sclérose de l'esprit". J'imagine que tu entends par "esprit" l'intellect, la raison, le "logos" et non pas l'esprit, distinct de l'intellect, et que ce dernier ne peut précisément pas comprendre. D'où la nécessité, selon certains penseurs du moins, des mythes, des rêves, du "mythos", qui offre une autre approche, complémentaire du réel. Se pourrait-il que la véritable sclérose soit d'oublier, de se fermer au "mythos" et ne plus accepter que ce que le "logos" peut appréhender ? »

La réponse que ce commentaire appelle de ma part mérite, je crois, davantage de place que celle qu’offre un simple commentaire ; voilà pourquoi j’ai choisi de lui donner la forme d’une nouvelle note.

Avant toute chose, il me faut confesser que si j’avais su devoir défendre ce propos, je ne l’aurais probablement pas formulé de la sorte. Car il y manque les nuances et les hésitations dans lesquelles l’idée que j’y avance s’est fait un chemin. Mais qu’à cela ne tienne, allons-y.

Laurent Ledoux, sous couvert d’éclaircir ce que vise la sclérose que je me suis permis d’évoquer, pose en effet une question autrement vaste, une question que je n’ai pas abordée et que, pour tout dire, je n’ai pas même imaginée au moment où j’écrivais. C’est la question de la part et du rôle que jouent dans l’esprit le rationnel et l’irrationnel. Il ne se borne cependant pas à la poser ; il la complète d’une autre question, laquelle contient implicitement une hypothèse qui n’a rien d’innocent. L’hypothèse, c’est celle des bienfaits que procureraient à l’humain certaines formes d’irrationalité et qu’un choix inconditionnel de la rationalité compromettrait jusqu’à condamner à la sclérose. L’autre question, c’est celle de la nécessité de ce qu’il appelle le “mythos” sur laquelle certains penseurs - non cités (1) - insisteraient.

Avant même d’entrer dans les nuances que ces questions réclament, je tiens à répondre d’emblée que, non seulement je ne crois pas que « se fermer au “mythos” » serait « la véritable sclérose », mais je suis en outre tenté de croire que d’en prôner l’usage (si tant est que l’on puisse dire qu’on en use) après l’avoir oublié est une voie vers un certain durcissement de l’esprit. Cela mérite bien sûr des explications.

La caractéristique principale du langage - je parle du langage humain, articulé et réflexif -, c’est de se prêter à penser à ce qu’on pense. Le phénomène émane d’un organe que les paléoanthropologues appellent fort justement l’esprit/cerveau, rappelant ainsi « que les faits psychiques ne sont pas isolables de leur substrat matériel » (2). Cette faculté offre à la raison la possibilité de s’exercer, mais tout autant à l’imagination. Ce qui permet de penser que le langage a doté l’homme du meilleur et du pire : un moyen de se représenter les choses telles qu’elles sont ; un moyen aussi de s’illusionner ad libitum. Et cette situation est à ce point complexe que l’imagination seconde la raison lorsqu’elle tente de démêler le vrai du faux, de même que la raison seconde tout autant l’imagination lorsque celle-ci charrie dans les bégonias. Lorsqu’on parle de rationalité et d’irrationalité, il faut donc s’entendre sur ce qui est précisément visé.

Ce que certains ont appelé le miracle grec (3) représente le tournant au cours duquel - au Ve siècle avant J.-C. - une culture a vu naître en son sein le souci du vrai, tel qu’il peut se manifester par un usage critique de la raison. Les choses n’ont évidemment pas été aussi tranchées que ma façon de dire pourrait le laisser croire, ni temporellement ni spatialement. Reste qu’il y eut un temps où les croyances dominaient la totalité de ce qui était pensé, puis un temps où, très progressivement, il y eut, au milieu de cette domination des croyances, quelques îlots d’une forme nouvelle de pensée. Cette forme nouvelle donnait mission à la raison de ne pas s’en laisser compter et de remettre inlassablement en cause ce qu’elle venait de suggérer. La démarche - que l’on se plut, à partir du XVIIe siècle, à appeler scientifique - n’était pas et n’est toujours pas sans failles, loin s’en faut. Mais elle représente la seule voie pour comprendre, la seule voie pour relier les choses entre elles, la seule voie pour accéder à une certaine intelligence des choses. (4)

C’est ici qu’il me paraît utile d’évoquer une forme de rationalité qui ne trouve pas directement sa source dans l’esprit/cerveau. Au moins à certains moments et à certains endroits, il y a une rationalité du comportement humain qui transcende la rationalité de l’esprit humain. Et je ne vise pas ici ce que peut avoir de rationnel un acte irréfléchi qui répond logiquement à une situation. Lorsqu’un animal quelconque donne suite à un stimulus, il y a là quelque chose de conséquent qui a souvent sa raison d’être, bien évidemment. Non, je vise ces comportements qui sont au moins partiellement mus par des croyances collectives, telles les mythes. Claude Lévi-Strauss a amplement expliqué cette inspiration insolite des comportements que peuvent être les mythes dès lors que leur rôle premier ou véritable est en quelque sorte oublié. (5) Le respect que l’on voue au gibier et qui préserve inconsciemment sa place dans l’écosystème ou encore l’interdit alimentaire qui protège d’un risque dont on a désappris l’existence, voilà par quel procès procède cette forme bien spéciale de rationalité (si tant est qu’elle mérite ce nom). Tout mythe a évidemment ses propres raisons d’être, parmi lesquelles certaines peuvent obéir à une logique conservatrice de la vie, du lien social ou de tout autre trait propice à l’espèce, au groupe ou à certains individus. Et la logique que représente l’adéquation entre le comportement induit et une condition de vie échappe en ce cas à la conscience des individus.

Cela dit, cette logique infuse a ses ratés. Et l’inconscience de la logique en défaut comme la disparition éventuelle des groupes qui ont eu à subir ces ratés n’aide évidemment pas à les repérer. Peu importe, dirais-je. Admettons simplement ici que les obstacles que les humains et leurs sociétés ont rencontré pour survivre furent souvent surmontés par une logique qu’ils n’ont pas sciemment délibérée ou même reconnue. La question qui surgit alors est la suivante : vaut-il mieux faire confiance à ces pouvoirs occultes du mythe ou plutôt miser sur un examen rationnel des problèmes à résoudre ? Personnellement, je suis porté à croire qu’il s’agit là d’une fausse question. Voici pourquoi.

D’abord, pas plus que le mythe n’est entretenu pour la logique qu’il contient éventuellement - et pour cause, puisqu’elle n’est pas consciente -, l’accumulation de connaissances procédant de l’exercice d’une rationalité scientifique n’obéit à une stratégie explicite. Mille et un motifs s’entremêlent pour entretenir la libido sciendi et la survie de l’espèce, de la nation ou du groupe n’y occupe qu’une place marginale. Tant et si bien qu’il n’y a là rien de décisif en faveur de la rationalité, d’autant que les découvertes techniques engendrées par les mêmes connaissances sont souvent jugées de nos jours comme ayant fait au moins autant de mal que de bien.

Ensuite, si l’on ne retient que la recherche du vrai - ce qui était l’objet de la note commentée par Laurent Ledoux -, on voit mal l’intérêt qu’il peut y avoir à comparer la force logique des mythes et l’efficacité de la pensée rationnelle, la première ne débouchant en fait sur aucune connaissance.

Enfin, s’il est pertinent d’envisager de choisir la rationalité, contre ce que l’esprit peut contenir d’irrationnel, il est saugrenu de militer pour les mythes, ceux-ci n’apparaissant et ne survivant qu’en dépit des volontés.

Revenons alors au commentaire de Laurent Ledoux. « J’imagine, écrit-il, que tu entends par "esprit" l'intellect, la raison, le "logos" et non pas l'esprit, distinct de l'intellect, et que ce dernier ne peut précisément pas comprendre. » Non, je n’avais pas en tête de limiter ce que j’appelle esprit à la raison lorsque j’évoquais sa sclérose éventuelle. À ceci près que j’ai envisagé l’esprit - fort (ou faible) de toutes ses facettes - alors qu’il tente d’écarter l’erreur. Et j’ai avancé que la contemplation ou la méditation spirituelle - entendues comme il est dit dans la note - lui faisait perdre de sa souplesse. Mieux vaut miser en pareil cas sur un usage rigoureux de la raison.

Il est bien sûr possible de préférer vivre en accordant la primauté au sentiment, à la sensation, aux rêves, aux croyances, aux rites, à la tradition, que sais-je encore. Mais il me paraît très dangereux de prétendre que ce choix conduit vers davantage de vérité, sinon à supposer une vérité transcendante qui ne s’invente que pour s’éviter de croire que l’on poursuit quelque chose qui ne porterait pas son nom. Loin de moi l’idée que le sentiment, le rêve, la croyance ou la tradition n’ont pas une place dans nos vies ; en disconvenir représenterait assurément un autre danger. Mais dès lors qu’il s’agit de démêler le vrai du faux, il convient je crois de s’en garder autant que faire se peut. Ceux qui affirment « la nécessité du “mythos” » et qui prétendent offrir en cela « une autre approche, complémentaire du réel » ont le plus souvent un truc à vendre, ne serait-ce qu’un livre. Car s’il s’agit toujours de la recherche de la vérité, qu’est-ce donc que ce “complément du réel” promis ? Cela fait un peu plus de deux décennies qu’un courant, puissant dans les médias, cherche à imposer l’idée que l’irrationalité aurait des vertus heuristiques ; parfois de façon sournoise, parfois de façon très explicite. Il en est heureusement qui - tel Jacques Bouveresse - abattent un travail colossal pour tenter d’y résister.

Quant à supposer que l’origine de la sclérose de l’esprit serait « d'oublier, de se fermer au "mythos" et ne plus accepter que ce que le "logos" peut appréhender » - idée que Laurent Ledoux ne prend pas explicitement à son compte, mais propage néanmoins délibérément -, elle participe de cette offensive de l’irrationnel bien davantage qu’elle ne manifeste un intérêt pour les mythes. Dans ce contexte, on en vient d’ailleurs volontiers à qualifier de mythe ou de “mythos” des recettes de vie dont les arrières-pensées n’ont rien de mythiques.

Le monde d’aujourd’hui est parcouru d’intérêts colossaux. Ceux-ci pèsent sur la pensée, au moins autant que ne le font les mythes. Des monceaux d’œuvres sont éditées, des flopées de conférences sont données, des myriades de théories sont élaborées aux fins de satisfaire ces intérêts. Pour ce faire, elles se donnent le plus souvent des allures généreuses, scientifiques, philosophiques ou spirituelles. Leur succès - immensément plus grand que celui des recherches consciencieuses - doit beaucoup à la place qu’occupe dans la démarche le souci de séduire, notamment les médias. Rien de cela n’enlève quoi que ce soit à la nécessité pour celui qui cherche autre chose que des panneaux dans lesquels tomber de préserver avant tout son indépendance.

(1) Au-delà du foisonnement de théoriciens “inspirés” qui osent de nos jours défendre les droits du subjectivisme et puisent dans le moralisme la justification de leur irrationalité, je pense personnellement - en raison sans doute du mot “mythos” - au très heideggerien André Malet et à son maître Rudolf Bultmann.
(2) Jean-Marie Hombert & Gérard Lenclud, Comment le langage est venu à l’homme, Fayard, 2014, p. 12.
(3) Cf. la “Prière sur l’Acropole” in Ernest Renan, Souvenirs d’enfance et de jeunesse, Garnier-Flammarion, GF 265, 1973.
(4) Je laisse de côté tout ce qui pourrait être dit au sujet de la voie vers le bonheur, a fortiori de la voie vers le salut (s’il en est un).
(5) Je m’épargne de redire ici ce que j’avais tenté d’expliquer dans une note du 28 novembre 2008.

6 commentaires:

  1. Merci. Soit. Tu me sembles cependant réduire les mythes à de l'irrationnel, ce qui me parait peu rationnel pour le coup. Paul Diel par exemple a montré dans son oeuvre à quel point les mythes grecs suivaient une logique qui n'avait rien d'irrationnel. Par ailleurs, j'ai beau relire les deux notes, je ne comprends pas en quoi "la contemplation ou la méditation spirituelle ferait perdre de sa souplesse [à ce que tu entend par l'esprit]". Cela semble contredit par des traditions spirituelles (ce qui ne veut pas dire religieuses) millénaires et provenant des quatre coins du monde. Probablement notre dialogue est-il rendu difficile par une compréhension différente de certains mots-clés. Ce qui est d'autant plus problématique lorsque l'on aborde ou touche des sujets où l'usage même des mots atteint ses limites (ce que tu considéreras sans nul doute comme une nouvelle preuve que je verse dans l'irrationnel ;-)).

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je me suis certainement mal fait comprendre. Tu as raison : les mythes n’ont rien d’irrationnel en ce qu’ils obéissent à une logique, même si celle-ci n’est pas aperçue par ceux qui les propagent. Ce qui est un choix irrationnel, par contre, c’est celui de préférer s’en remettre aux mythes, aux rêves, aux croyances en les considérant comme de nature à nous apprendre plus sûrement la vérité des choses que ne peut le faire la raison. Il est donc capital de bien distinguer ceux qui étudient les mythes (scientifiquement s’entend) avec l’espoir d’en découvrir la logique, de ceux qui prétendent que les mythes ont des vertus qui justifient de les préférer à la recherche scientifique.
      Il est tout à fait exact que les traditions spirituelles sont très anciennes et très répandues et, à ce titre, elles méritent assurément qu’on s’y intéresse. Je n’ai par exemple rien fait d’autre en ouvrant le livre de Pierre Hadot. Mais cela n’implique en aucune façon que ces croyances spirituelles aient vocation à nous permettre de démêler le vrai du faux. Pareille vocation n’est reconnue que par ceux qui y croient, selon une démarche qui n’a rien de rationnel. La contemplation et la méditation spirituelle semblent donc - à moi qui n’y crois pas - des attitudes mieux faites pour accréditer ces croyances que pour donner accès à quelque chose qui mériterait de s’appeler connaissance. Voilà pourquoi je leur prête un effet paralysant sur l’esprit, en particulier sur l’esprit critique.
      S’il est des gens qui s’ouvrent à la spiritualité avec sincérité et intelligence, tel Hadot, il en est beaucoup qui y puisent de quoi se donner des armes pour vaincre et convaincre, et surtout pour vendre. Ceux-là font souvent mine de s’intéresser à certaines choses pour mieux en faire aboutir d’autres. Il en va ainsi - je le pense (et il y a longtemps que je te l’ai dit) - de ceux qui mettent la philosophie à toutes les sauces, dès lors qu’elle cautionne la valeur morale et intellectuelle de ceux dont les actes servent des intérêts qui n’ont rien de moral, ni d’intellectuel.

      Supprimer
  2. Merci Jean. Je ne pense pas avoir écrit quoique ce soit qui permette de penser que le mythos serait supérieur ou logos ou qu'il devrait le remplacer. Je pense que logos et mythos sont complémentaires et que l'un des drames de nos sociétés contemporaines est d'avoir voulu éliminer le mythos, comme un ramassis de vieilles histoires irrationnelles, au profit de la science, seule susceptible de nous révéler la vérité. Les grands penseurs de la rennaissance qui ont favorisé le développement des sciences n'avaient pas cette prétention. Ils combinaient souvent mythos et logos. Je lis actuellement beaucoup Paul Diel, philosophe et psychologue qui a beaucoup analysé les mythes. Tu trouveras plus d'infos sur son sujet sur le site de PhiloMa (www.philoma.org). L'article suivant que j'ai écrit à son sujet suite à notre séminaire donne un petit aperçu de sa pensée (http://www.philosophie-management.com/php/documentation/documents_detail.php?doc_id=1625&type=Articles). La lecture de ses livres analysant les mythes grecs et chrétiens est passionante. Il écrit entre autres : "Dieu n'est pas une illusion ni une réalité, c'est un symbole mythique: la réponse émotive et imagée à la question sans réponse, mais qui ne cessera jamais de se poser à l'être humain". Bien à toi.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Qui donc a affirmé que les mythes sont « un ramassis de vieilles histoires irrationnelles » ? Ce qui caractérise les deux derniers siècles - je crois - c’est qu’il fut tenté d’interpréter le mythe en s’efforçant de comprendre ce qu’il devait à son histoire et au contexte dans lequel ses différentes versions ont été racontées. Et le rapport au mythe cessa ainsi souvent d’obéir à une logique de foi qui attendait du mythe qu’il réponde à tout. La science n’a pas cette ambition et s’il arriva qu’elle l’eut jadis, c’était à partir d’une logique opposée à celle du mythe, à savoir la construction la plus rationnelle possible d’une explication de l’objet précis auquel elle s’attache et non la révélation par un récit transmis de génération en génération des causes et des effets. L’apparition de l’écriture d’abord, puis très ultérieurement des savoirs conquis empiriquement, ont certes fait perdre aux mythes beaucoup de leur crédit. Ce qui a pu entraîner des déséquilibres sociaux et des angoisses individuelles, particulièrement là où le passage d’une logique à l’autre s’est fait très rapidement. Mais le retour aux bienfaits d’une prégnance mythique est évidemment illusoire, dès lors qu’ils ne sont plus écoutés comme ils le furent. Et prétendre que des théories sauvagement inventées aujourd’hui ont un caractère mythique relève du charlatanisme.
      Qui sont donc ces penseurs de la Renaissance qui « combinaient souvent mythos et logos » ? En tout temps et en tout lieu, chez les intellectuels comme chez les autres, l’origine des idées et des principes de conduite est très mêlée, tantôt rationnelle, tantôt traditionnelle, tantôt encore extravagantes. Et je ne sache pas que la Renaissance ait vu naître une combinaison plus marquée que toute autre époque, sinon qu’une rationalité anti-scolastique y a limité le poids de la tradition.
      Quant à Paul Diel, je ne l’ai pas lu. Et je m’en voudrais donc de le juger. Mais l’article auquel tu me renvoies ne m’incite guère à le lire. Car enfin, la psychologie introspective me semble peu propice à la rigueur, surtout lorsqu’elle catégorise les mobiles et les tares comme cet article en rend compte. Trois sortes de désir, deux capacités, quatre catégories de fausse motivation, une loi, deux déformations psychiques - dont la deuxième comporte trois types -, tout cela me paraît très arbitraire. Existe-t-il des recettes pour bien vivre ? La philosophie nous en a suggéré des tas depuis vingt-cinq siècles, sans qu’aucune n’obtienne un brevet d’efficacité. Et s’il en est qui marchent, elles le doivent bien sûr à la confiance qui est mise en elles, et non aux vérités qu’elles révéleraient sur l’homme.
      Ma note - en continuité avec celle du 5 octobre 2014 - tente d’expliciter ce que je peux tenir pour vrai, ou au moins vraisemblable, et ce qui me paraît faux, ou au moins invraisemblable. L’exercice me semble d’autant plus nécessaire que la frontière entre le sérieux et le farfelu, parmi tout ce qui nous est offert sur le marché de la doctrine et de la théorie, est aujourd’hui très brouillée. Et il importe bien sûr de l’aborder en acceptant de s’aventurer sur des terrains qui nous sont a priori peu familiers, et même peu plausibles. Mais le but de l’exercice est bien de tracer une frontière, quitte à la remettre en cause dès le lendemain. Aujourd’hui encore, après t’avoir lu, les fruits de la contemplation et de la méditation me semblent se situer du mauvais côté de cette frontière.

      Supprimer
  3. La discussion porte sur un malentendu au sujet du sens du mot "méditation". Que je sache, la méditation bouddhique, par exemple,vise le déconditionnement de l'esprit, la non-croyance comme méthode et exercice - et non la soumission à une quelconque mythologie. Il s'agit explicitment d'assouplissement - tout le contraire de la sclérose.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il me semble que c’est vous qui créez un risque de malentendu en évoquant la méditation bouddhique. Celle-ci est assez improprement nommée méditation, alors même qu’elle obéit à des objectifs et des méthodes qui la tiennent très éloignée de la méditation occidentale, principalement métaphysique. Il y aurait bien des choses à dire à son sujet, tant en ce qui concerne les particularités de la doctrine que des illusions que bien des Occidentaux entretiennent à propos des pratiques des différentes écoles bouddhistes. Mais tel n’était pas le sujet discuté.

      Supprimer