vendredi 29 septembre 2023

Note d’opinion : le cynisme antique dans la durée

À propos du cynisme antique dans la durée

Une pensée philosophique peut connaître une fortune assez différente selon qu’il s’agit d’un effort consenti pour démêler le vrai du faux ou qu’il s’agit d’une proposition visant la vie bonne. Les présocratiques s’étaient le plus souvent attaché à connaître la vérité du monde ; Socrate avait surtout cherché à définir comment il convenait de se conduire. Pour le dire de façon exagérément simpliste : le savoir ou la morale, voilà ce qui peut être jugé prévalent.

Bien sûr, le mélange des genres est fréquent. Il arrive même que ce soit la vérité qui justifie le choix de vie. Par exemple, le matérialisme historique de Marx et Engels a prétendu dire la vérité du monde social afin d’en déduire une stratégie politique visant à faire naître un monde meilleur.

Ce qui semble assez constant, c’est le fait que les philosophies de la vie bonne suscitent beaucoup plus souvent un engouement militant fondé sur une dogmatique. Ce fut le cas du cynisme antique et c’est là un aspect de cette philosophie qui mérite d’être bien compris. Chaque fois que j’ai évoqué le cynisme (1), certaines réactions m’ont conduit à penser à quelque méprise possible. Je vais m’efforcer d’y remédier.

Le cynisme antique est né avec Antisthène et Diogène au début du IVe siècle avant Jésus-Christ. Mais il y eut des philosophes se déclarant cyniques durant quelque dix siècles. Très longue période ! Quel est le philosophe d’aujourd’hui qui ne rêverait pas d’une aussi longue postérité ? (2) Pourtant, la place qui fut réservée à Rome à ce courant philosophique est assez particulière et éclaire peut-être ce que vaut une idée lorsqu’elle charrie avec elle une réputation.

La plupart des historiens - y compris les plus sérieux - n’ont guère fait écho aux cyniques connus postérieurs à la Grèce du IVe siècle av. J.-C. Prenons l’exemple de Lucien Jerphagnon. Dans son Histoire de la Rome antique, alors qu’il évoque plusieurs fois la place prise à Rome par les principaux courants philosophiques, les cyniques ne sont pas même cités. Ainsi, à la fin du chapitre IV, il consacre une section à “L’éveil de la pensée : la philosophia(3), une section dans laquelle le cynisme est passé sous silence. Pourtant, nous seulement Rome connut bien des cyniques, mais ils firent réagir, y compris des auteurs illustres. L’exemple de Lucien est, à cet égard, très intéressant.

Lucien de Samosate vécut au IIème siècle, c’est-à-dire durant cette période des empereurs antonins, moment de l’apogée de l’Empire et de la plus longue paix. C’était un esprit brillant et enjoué qui ne reculait pas devant les facéties. Ainsi, on lui attribue un canular qui vaut bien l’affaire Sokal (4). Galien « rapporte que Lucien […] a fabriqué un faux texte d’Héraclite, particulièrement obscur et dépourvu de signification. Il l’a ensuite donné à un philosophe renommé en lui demandant de le commenter. Le philosophe n’a pas deviné la supercherie et il s’est mis au travail. » (5)

Parmi les divers textes que l’on doit à Lucien, il en est quatre qui, tout particulièrement, évoquent le cynisme et fournissent bien des enseignements sur ce que représentait ce mouvement de son vivant. Deux de ces textes dénoncent les cyniques, soit que ceux-ci apparaissent crédules et irréalistes, soit qu’ils simulent un genre de vie qui cache leurs vraies intentions. Deux autres offrent un portrait du cynique romain plus ou moins apologique. Que faut-il en penser ?

Le premier de ces textes s’intitule “Vie de Démonax”. Il nous parle de façon assez élogieuse d’un philosophe relativement éclectique qui, cependant, professe une préférence pour le cynisme. J’incline à croire, au vu de ce qu’il nous en dit, que Lucien l’a aimé - il le qualifie de « grand homme » - parce que son franc-parler le conduisait surtout à multiplier les traits d’humour. Toutes les saillies rapportées ne sont pas drôles et les enseignements qu’il prétend en tirer ne sont pas spécifiquement cyniques. Un exemple parmi bien d’autres :
« “En quoi consiste le bonheur, à ton avis ? lui demanda-t-on un jour. − Il n’y a d’heureux que l’homme libre, répondit-il. − Mais il y a beaucoup d’hommes libres. − Oui, mais j’entends par là l’homme qui n’a ni espérance ni crainte. − Mais quel est celui qui peut s’en affranchir ? reprit son interlocuteur ; car nous sommes généralement tous asservis à ces passions. − Oui, repartit Démonax ; mais, si tu veux bien observer les choses humaines, tu trouveras qu’elles ne valent ni espérance ni crainte, puisque tout, chagrins et plaisirs, aura une fin.” » (6)
On peut difficilement se défendre de l’idée que Lucien apprécie Démonax non pas tellement parce qu’il est cynique, mais plutôt parce qu’il est un cynique assez peu cynique, un cynique exempt des défauts que, par ailleurs, les cyniques exhibent selon lui si volontiers : grossièreté et violence.

Le deuxième texte est violemment anti-cynique. Il s’agit de “Sur la mort de Pérégrinos”. Pérégrinos - qui se faisait aussi appeler Protée - a décidé de s’immoler par le feu, à la manière de Calanos, le gymnosophiste. À la lumière de ce que Lucien nous apprend de sa vie, il est clair que sa seule motivation est la renommée, et même la gloire qu’il en espère. Et pour être sûr de son coup, il annonce sa mort et prévient qu’il passera à l’acte à Olympie au moment des jeux.
« […] vous avez entendu dire, je pense, qu’autrefois un homme qui voulait devenir célèbre, ne pouvant y arriver par d’autres moyens, mit le feu au temple d’Artémis d’Éphèse [Erostrate, bien sûr, ndlr]. C’est une idée pareille qui trotte dans la tête de Protée, tellement l’amour de la renommée est ancrée dans son âme. » (7)
Un peu comme ces gens qui acceptent le pire pour passer à la télévision.

Le troisième texte, “Les fugitifs”, se présente sous la forme d’un dialogue entre Zeus, Apollon, Philosophie, Hermès, Héraclès, et quelques humains. Philosophie se plaint d’avoir dû fuir la terre à cause de tous ces faux philosophes qui prétendent occuper sa place. Elle vise ainsi les cyniques, tout particulièrement ces esclaves en fuite qui se donnent des allures de philosophe en adoptant la dégaine des sceptiques.
« Il ne faut pas beaucoup de peine pour se mettre sur le dos un mauvais manteau, suspendre une besace à son épaule, tenir un bâton dans sa main et crier, ou plutôt braire ou aboyer et injurier tout le monde. » (8)
Dès lors, on peut croire qu’il s’agit de s’en prendre à des imposteurs patentés, sans nécessairement viser les cyniques sincères. Mais l’attaque est plus générale. Même les sincères fricotent avec l’imposture.
« Aussi chaque cité est-elle remplie de ces imposteurs, en particulier de ceux qui se mettent sous le patronage de Diogène, d’Antithèse et de Cartes et se rangent sous les enseignes du chien ; mais ils se gardent bien d’imiter les qualités utiles dont la nature a doué le chien, telles que la vigilance, l’assiduité à la maison, l’attachement pour le maître, la reconnaissance. C’est au contraire l’aboiement, la gourmandise, la rapacité, les fréquents accouplements, la flatterie, les caresses à l’adresse de celui qui donne la pâtée, les rondes autour de la table, c’est cela qu’ils s’étudient à reproduire. » (9)
Il est clair que, en l’occurrence, le bébé est jeté avec l’eau du bain.

Le quatrième texte, Le cynique, adopte lui aussi la forme d’un dialogue, un dialogue entre Lykonos, personnage présent dans d’autres textes de Lucien, et un cynique. Celui-ci répond aux accusations habituellement adressées aux cyniques et justifie leurs positions sur la base des préceptes généralement attribués aux fondateurs de l’école. Il dénonce le mode de vie des riches et enjoint chacun à vivre en conformité avec la nature. Même sur la tenue du cynique - tribon, besace et bâton -, il s’explique :
« Tu connais à présent mes principes ; ils ne sont guère d’accord avec les passions du vulgaire. Il n’est donc pas surprenant que je diffère de lui par mon extérieur, lorsque j’en diffère si fort par ma doctrine. Mais ce qui m’étonne de toi, c’est que tu admettes qu’un joueur de cithare ait un habit et une tenue particulière, qu’un joueur de flûte ait aussi, par Zeus, sa tenue à lui, un tragédien, sa longue robe, et que tu n’admettes plus qu’un homme vertueux ait une tenue et un habit qui lui soient propres, que tu prétendes au contraire qu’il doit se vêtir comme la multitude, alors que la multitude est corrompue. Or si les gens de bien doivent avoir une tenue particulière, quelle autre pourrait mieux leur convenir que celle qui paraît si choquante aux hommes dissolus et qu’ils auraient le plus de répugnance à porter ? » (10)
On ne peut qu’être frappé par la bonne grâce avec laquelle ce cynique explicite le message qu’est censé délivrer l’apparence de l’adepte, alors que, parmi les principes auxquels il se réfère, il y a évidemment la force silencieuse de l’exemple. Il convient d’ajouter - pour parachever encore ce que ce texte peut avoir d’énigmatique - que nombreux sont les critiques qui considèrent qu’il n’est pas de la plume de Lucien.

Ce qui mérite selon moi d’être retenu, c’est le fait que Lucien n’envisageait pas un rejet définitif des fondateurs du cynisme - Antisthène, Diogène et Cratès -, mais qu’il était extrêmement agacé par les cyniques de son temps, ceux qui continuaient de se réclamer d’une doctrine qui n’avait pu modifier en quoi que ce soit le destin de l’Empire, une doctrine qui ne séduisait que les laissés-pour-compte du régime.

Deux siècles plus tard, ce sera encore la position de l’empereur Julien qui voient les cyniques comme des gens qui critiquent le paganisme d’une façon quelquefois assez comparable aux attaques dont il est l’objet de la part des chrétiens. Marie-Odile Goulet-Cazé écrit :
« Au IVe siècle, l’empereur Julien, très critique à l’égard des cyniques de son temps, fait un éloge appuyé de leurs nobles ancêtres : Diogène et Cartes, peut-être pour montrer qu’il y a un ascétisme païen aussi valable que l’ascétisme chrétien. » (11)
Et d’ajouter, parlant du cynique dont Julien s’était fait l’interlocuteur :
« Au lieu de rester fidèle aux dieux du paganisme, il n’est pas insensible à la nouvelle religion, comme d’autres cyniques à la même époque, ce que Julien ne pouvait admettre. Il est donc deux cynismes aux yeux de l’empereur : l’un est authentique, celui de Diogène et de Cratès ; l’autre a pris ses distances face au cynisme des origines et n’hésite pas à frayer avec le christianisme. » (12)

Tout cela pour en arriver à ceci.

Les doctrines philosophiques et morales connaissent quelque chose comme une catagenèse. Elles évoluent dans leur contenu même, comme dans la signification de leur message. Elles évoluent également au gré des changements qui affectent le contexte dans lequel elles survivent. Se pencher sur l’évolution du cynisme durant les dix siècles au cours desquels il a été soutenu permet - en raison même d’un contexte actuel où il a cessé d’exister - de mesurer combien le message se dégrade et subit l’érosion du temps. C’est ce qui pousse à dire qu’il serait ridicule de se dire cynique aujourd’hui, sans que cela ne diminue l’intérêt que représentent l’étude et l’examen de conceptions que l’histoire a fait germer à l’un ou l’autre moment.

On me dira que bien des religions perdurent autrement longtemps que les doctrines philosophiques. En fait, dans leur message même est proclamé le dogme de leur pérennité. Mais il ne faut guère explorer longtemps leur histoire pour s’apercevoir que la fidélité aux origines est sans cesse réformée à travers une vision de celles-ci qui s’altère d’autant plus facilement qu’elle est présentée comme transmise et conforme à une tradition. Le bouddhisme d’aujourd’hui est-il conforme au message du bouddha (Siddhārtha Gautama) ? Le christianisme actuel correspond-il à ce qu’il fut à l’aube de l’Empire romain ? Je me contenterai de poser ces questions. Lorsque la religion se trouve étroitement liée au pouvoir, sa capacité à se régénérer sans cesse est bien évidemment augmentée. Ne perdons cependant jamais de vue que l’Occident chrétien a connu pendant près de 15 siècles un pouvoir bicéphale assis sur d’incessantes luttes et concessions réciproques, lesquelles ont maintenu sans interruption l’idée d’une fidélité au passé et ont continument décidé dans les faits de rompre avec celui-ci.

(1) Cf. notamment mes notes des 12 septembre 2000, 2 novembre 2021 et 27 mars 2023.
(2) C’est là une façon de parler, bien sûr. Car la sagesse est sans nul doute de ne désirer aucune postérité, sinon celle qui se borne à discuter.
(3) Lucien Jerphagnon, Histoire de la Rome antique. Les armes et mes mots, Tallendier éditions, 2002, pp. 92-98.
(4) L’affaire Sokal est née d’un texte pseudo-scientifique intitulé Transgresser les frontières : vers une herméneutique transformative de la gravitation quantique que ce physicien a réussi, en 1996, à faire accepter par la revue Social Text. L’année suivante, il a publié avec le concours de Jean Bricmont un livre, Impostures intellectuelles (Odile Jacob, 1997) qui a alimenté bien des polémiques. Jacques Bouveresse y a fait longuement référence dans son ouvrage Prodiges et vertiges de l’analogie (Raisons d’air, 1999).
(5) Alain Billault dans l’introduction aux Œuvres complètes de Lucien de Samosate, Robert Laffont, Bouquins, 2015, p. 8.
(6) Lucien de Samosate, Œuvres complètes, Robert Laffont, Bouquins, 2015, pp. 87-88.
(7) Ibid., p. 802.
(8) Ibid., p. 816.
(9) Ibid., pp. 816-817.
(10) Ibid., p. 1066.
(11) Marie-Odile Goulet-Cazé, Cynisme et christianisme dans l’Antiquité, Vrin, 2014, p. 178.
(12) Ibid., p. 179.

samedi 2 septembre 2023

Anecdote : bien peu de chose

À propos de bien peu de chose

Il n’avait jamais pu arrêter l’opinion qu’il avait de lui-même. Sans cesse, au fil de sa longue vie, il avait oscillé, tout jugement d’une certaine sorte le conduisant inexorablement vers un jugement opposé. Dès qu’il se reconnaissait quelque chose comme de l’intelligence, il était poussé à se croire bête ; de la vertu, vicieux ; de la retenue, obscène ; du désintéressement, cynique ; de l’assurance, timide ; de la gentillesse, acrimonieux. Et ces oscillations avaient toujours connu des rythmes variables, le passage d’un sentiment à son contraire pouvant survivre quelquefois des mois ou d’autres fois quelques minutes à peine. Ce qui lui semblait important était de ne jamais laisser transparaître cette instabilité, car elle lui aurait coûté - pensait-il - de n’exister pour personne.

Un jour, il avait eu sous les yeux quelque chose qui lui ressemblait tant qu’il en avait eu le souffle coupé. Il s’agissait de quelques pages de L’insoutenable légèreté de l’être de Milan Kundera, des pages où Sabina est décrite comme quelqu’un séduit par la trahison. (1) Ce n’est pas que Sabina lui ressemblât de quelque façon que ce soit, mais plutôt que puisse être dépeint un caractère dont le trait principal serait d’aimer la trahison lui avait semblé nouveau, du moins tel que Kundera s’y livrait. D’abord, il y avait cette explication insérée dans le « Petit lexique de mots incompris » :
« La trahison. Depuis notre enfance, papa et le maître d’école nous répètent que c’est la chose la plus abominable qui se puisse concevoir. Mais qu’est-ce que trahir ? Trahir, c’est sortir du rang. Trahir, c’est sortir du rang et partir dans l’inconnu. Sabina ne connaît rien de plus beau que de partir dans l’inconnu. »
Et puis, il y avait surtout ce parcours lié à ce pays communiste qui avait connu la répression soviétique : en premier lieu, trahir les consignes du régime jusqu’à le fuir ; en second lieu, trahir les opposants émigrés en comparant l’un d’eux à l’apparatchik qui avait régné sur le pays. Entouré d’amis de droite (il en avait peu), il se sentait animé de bouffées de gauche ; parmi des amis de gauche, il ne voyait plus que leur naïveté, leur suffisance ou leur catéchisation. Et frappé par la foi en ses propres réactions, il balançait entre une immodestie assumée et une mésestime vécue comme lucide.

Ce qu’il avait fini par appeler l’indépendance d’esprit, était-ce autre chose que la trahison sans cesse répétée ?

Quand il avait dit à ses parents qu’il n’irait plus à la messe, quand il leur avait appris qu’il approuvait des idées de gauche, quand il les avait contraint à accepter qu’il se marie, il avait subi leur désapprobation (et c’est peu dire) comme des accusations de trahison. Durant son enfance, il n’avait pas compris que ses parents ne l’aimaient guère. Bien plus tard, ce fait lui parut une évidence. Encore que depuis, il s’est souvent demandé s’il ne se méprenait pas sur des sentiments dont il ne gardait que des souvenirs en lambeaux.

Quand il avait claqué la porte du syndicat où il travaillait, quand il avait blâmé des proches là où les usages exigeaient que l’on ferme les yeux, quand il avait ri des soupçons que lui valaient des fonctions non sollicitées, quand il avait quitté sans les formes la loge qu’il fréquentait, quand il avait douté de l’amitié due à des personnes vis-à-vis desquelles son estime était entachée, et dans bien d’autres occasions encore, il n’était pas moins sûr de son jugement qu’il ne le serait lors d’un possible revirement tout aussi irréfutable. Ce n’est pas que la nuance lui déplût. Simplement, elle ne pouvait justifier une abstention dont le confort dévoilait une démission.

Tout de même, la fidélité n’était pas rien. Pour lui, elle était inséparable d’un amour dans lequel l’union des corps entretenait l’union des âmes. Il l’avait pu vivre vingt-cinq ans durant, sans jamais imaginer quelque trahison que ce soit.

Que connaît-on des gens ? Un mot nous les fait aimer, un autre haïr. Il avait eu un jour une incroyable bouffée d’affection envers Marcel Aymé, à cause de la réponse qu’il avait faite à Max Favalelli (2), lequel lui avait dit :
Vous avez déclaré un jour que vous préfériez le théâtre au roman parce que c’était plus facile.
Et Marcel Aymé d’expliquer :
Ça devait être un jour impair, et puis les jours pairs je devais dire le contraire.
Peut-être n’était-ce que de la coquetterie, voire de l’orgueil bien géré.

On l’a souvent entendu dire qu’il ne fallait pas parler de soi. Mais il est capable à l’occasion de penser le contraire, ne serait-ce qu’en pensant à l’orgueilleux mouvement qui conduit à dire de pareilles choses.

Alors, on dira de lui qu’il était promis au scepticisme. Peut-être. Peut-être que le doute naît d’un ballotement de l’être, jusqu’à s’interroger sur l’être lui-même. Et qu’il gagne ensuite toutes les questions dont la nature rend leur mise en cause apparemment plus légitime.

Est-il ainsi ? Qui peut le dire si lui-même l’ignore ?

(1) Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être, trad. par François Kérel, Gallimard, 1984, pp. 118-120 et 124-127.
(2) https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i17282870/marcel-ayme-a-propos-d-anticlericalisme.