Le présent propos s’inscrit dans une discussion que David Violet et moi-même avons entamée au départ de mes trois notes des 23 janvier, 1er et 25 février 2019. Celle-ci s’est nourrie dans un premier temps de commentaires laissés sous ces notes, puis, dans un second temps, d’un article que David Violet a placé le 1er mars 2019 sur son propre blog.
Alors que mes trois dernières notes n’y étaient pas spécifiquement consacrées, le sujet de la discussion - sous l’impulsion de David Violet - s’est assez vite centré sur la question des fondements de la morale. Je l’en remercie beaucoup, car l’habitude m’avait incliné à ne plus guère m’en préoccuper, notamment parce que - faute d’être ébranlée par quiconque - mon opinion se satisfaisait paresseusement d’elle-même.
Pour éviter toute dispersion préjudiciable du propos et au risque de me répéter, je me propose de répondre dans un premier temps au commentaire du 28 février placé sous ma note du 25, puis, dans un deuxième temps, à l’important article intitulé “Y a-t-il une connaissance morale ?” Le commentaire conserve cette superficialité propre aux arguments brefs et circonstanciels, alors que l’article est autrement charpenté et vaut véritable plaidoyer ; je me conformerai également à ce contraste.
1. Le commentaire du 28 février
David Violet termine son propos par ces mots : « Je suis frappé par la constatation ici même que deux esprits (les nôtres en l'occurence) - apparemment rationnels et partant d'égales considérations - ne réussissent pas quand même à conclure identiquement, en dépit de leurs efforts répétés pour agir en bonne intelligence tout du long… » Il y a, je crois, désaccord et désaccord. En fait, si lui et moi n’avons encore aucun cédé un pouce de terrain à l’autre, c’est que nous nous sommes focalisés sur ce qui nous sépare, non sur ce qui nous rapproche. Et l’épaisseur du désaccord - aussi irréductible soit-il - me semble mince, puisque nous n’avons aucune difficulté à admettre que nos préférences nous portent tous deux vers une morale notamment définie par l’expression “être humain”. Voilà sans doute pourquoi l’échange d’arguments avancés à l’appui des deux opinions est plus profitable - et même plus agréable - qu’une accordance à peu de frais. Après tout, la “bonne intelligence” n’est-elle pas mieux faite pour disputer - voie de choix pour se comprendre -, plutôt que pour s’ajuster ? (1)
La question dont David Violet et moi débattons me semble être la suivante : existe-t-il des préceptes moraux premiers reconnaissables à leur nature objective ? Ce qui revient en quelque sorte à s’interroger sur la possibilité que, en tout lieu, en tout temps et en toute circonstance, certaines lois morales s’imposent à quiconque souhaite le bien en raison de leur universalité et même de leur factualité. Conscient que je n’y crois guère, mon contradicteur voudrait dès lors savoir pourquoi je suis néanmoins prêt à admettre une certaine “imbrication” des faits et des valeurs et me demande si j’accepterais d’être qualifié de “relativiste” ou de “sceptique” moral. Revenant sur l’idée que l’impératif d’humanité serait de l’ordre de cette morale objective, il invoque pour m’en convaincre une imbrication des aspects factuel et appréciatif dudit impératif et cite à cet égard la notion de concept épais. Je reprends tout cela dans cet ordre.
Cependant, comme je sens que nos discussions pourraient laisser penser que nous sommes bien loin des réalités et que la moralité s’apprécie plus communément par le bas que par le haut - je veux dire par les effets pratiques des consignes auxquelles elle se résume plutôt que par les fondements philosophiques ou religieux dont elle se réclame -, je voudrais d’abord suggérer que soit préalablement lue l'excellente note que CéCédille a placée le 26 décembre dernier sur son blog, note qui nous instruit d’un des récits du Décaméron de Boccace où il est question de la peine de mort qu’aurait encourue une dame Philippa pour adultère. Ce n’est pas que l’on y trouve quoi que ce soit qui conforte l’une ou l’autre de nos positions, mais seulement qu’en ressort assez bien selon moi ce que notre débat pourrait avoir de relatif.
Commençons par l’“imbrication” des faits et des valeurs. Si j’ai pu dire que les deux étaient souvent entremêlés, ce n’était pas au sens où leurs natures premières auraient pu être confondues, puisque les uns nous sont connus empiriquement et les autres spéculativement. C’était plutôt pour constater combien la distinction est souvent malaisément identifiable. Ainsi, dans le récit de Boccace, qu’est-ce que les arguments de Philippa doivent à son souci moral de voir régner l’égalité entre tous et qu’est-ce qu’ils doivent à son appétit de jouissance, voire à sa crainte de la mort ? Les valeurs sont souvent sollicitées pour éclairer les faits d’un jour particulier et les faits souvent cités pour justifier une valeur préférée, de telle sorte que l’ambition de les séparer et de faire prévaloir l’objectivité des faits est extrêmement malaisée à satisfaire. Je n’en déduis cependant pas que les valeurs puissent contenir quelque petite part que ce soit d’objectivité, ni que les faits en eux-mêmes puissent comporter une part quelconque de subjectivité. On peut bien sûr s’illusionner de telle façon que l’on finisse par penser que certaines règles morales sont dures comme le roc et, par conséquent, objectivement réelles (si je puis dire), tout comme on peut - plus volontiers encore - s’imaginer que certains faits sont mieux appréhendés lorsqu’on assortit leur description d’une appréciation morale ; selon moi, tout cela ne modifie pas pour autant leurs natures premières.
Suis-je relativiste ? Suis-je sceptique ? Outre qu’il est préférable de ne pas trop parler de soi, je me vois mal correspondre à des qualifications aussi mal précisées. Il y a plusieurs formes de relativisme comme de scepticisme et, de certaines d’entre elles, il me semble qu’il convient de se préserver ; d’autres me paraissent recommandables. Le podestat de Prato n’a-t-il pas fait preuve de relativisme en acquittant Philippa ? Je comprends néanmoins que l’on puisse me qualifier sommairement de la sorte, à charge pour qui voudrait m’en convaincre de l’étayer (si tant est que cela eut le moindre intérêt). J’y reviendrai plus avant, car les notions de relativisme et de scepticisme occupe une place non négligeable dans les raisonnements que David Violet développe dans la note qu’il a placée sur son blog.
Venons-en à la notion d’humanité et à son éventuelle factualité.
D’emblée, il me faut en appeler à la vigilance de tout lecteur qui pourrait m’indiquer les erreurs que je commets dans l’interprétation des auteurs que je cite. En effet, je connais mal cette branche de la philosophie qui s’intéresse à l’ontologie de la morale et ce que je crois en savoir ne provient que de lectures anciennes, superficielles ou partielles. Pourquoi néanmoins oser en parler ? Parce que je pense - peut-être à tort - en avoir compris quelque chose et que ce quelque chose représente une posture qui est donc dans l’ordre du possible.
Je suis quelque peu étonné que David Violet invoque la notion de concept épais, alors qu’il centre tout son raisonnement sur la notion d’humanité, laquelle me semble appartenir au genre mince et non au sens épais. C’est - je crois - Bernard Williams qui a en premier lieu fait cette distinction (2). Plus un concept moral est général et principiel, plus son sens est flou et peu apte à correspondre à un référent solide ; plus un concept moral est particulier et précis, plus il se prête à une et une seule signification. “Juste”, “équitable”, “honnête” sont des qualifications minces - parce que susceptibles de recouvrir de multiples sens - ; “cruel” et “menteur” sont des qualifications épaisses - parce que comprises de façon fort égale par tous. “Être humain” est donc un concept mince. Cela n’aurait que peu d’incidence dans le débat si la notion de concept épais n’était appelée à la rescousse d’une vision objectiviste des grands préceptes moraux, comme si leur épaisseur représentait une garantie de leur factualité. Sur ce point, j’aimerais être éclairé sur ce que cela peut éventuellement avoir de probant. Lorsque Philippa prétend illégitime une loi qui aurait été décidée sans solliciter l’avis des plus concernées, elle sous-entend l’existence d’un concept moral très mince - celui de l’opposabilité d’une règle à ceux qui participèrent à son adoption -, alors même que son époque n’a guère donner d’exemples du souci de l’égalité devant la loi. Y voir donc une fantaisie propice à l’amusement plutôt qu’un rappel d’une vertu universelle me paraît préférable.
Évidemment, le concept d’humanité est d’une telle élasticité qu’il est possible d’imaginer diverses manières de le satisfaire et donc de résister au temps et à l’espace. Reste qu’il semble solliciter quelque chose d’intérieur à l’homme, quelque chose comme un condensé de l’homme auquel l’homme pourrait en appeler au gré des circonstances, lorsqu’un jugement moral s’impose. Mais si la solution qu’il suggère n’est pas toujours la même, encore faudrait-il qu’elle aille toujours dans un même sens pour que la solidité du concept se confirme. Or ce sens demeure des plus malaisés à définir, le mot d’humanité ayant précisément l’ambition d’en traduire la signification. Tant et si bien que je puis volontiers admettre que, aujourd’hui et maintenant, l’on puisse inviter l’un ou l’autre à se montrer “humain” ou plus “humain”, mais que cela ne me convainc aucunement qu’“être humain” soit un concept moral dont nous pouvons avoir une idée objective. À nos yeux, le podestat de Prato fit preuve d’humanité en renonçant à punir Philippa ; mais combien de lecteurs de Boccace n’y virent-ils qu’une galéjade où l’autorité bafoue la règle pour plaire aux rieurs ?
George Edward Moore a publié en 1903 un ouvrage intitulé Principia Ethica dans lequel il développe l’argument dit “de la question ouverte”, censé établir qu’aucun terme moral ne peut être considéré comme naturel. Sa démonstration porte sur la simplicité du terme moral, irréductible à quelque propriété constitutive que ce soit. (3) Je ne suis pas convaincu qu’il faille en venir à des arguments logiques aussi raffinés pour s’apercevoir qu’un concept moral est une construction de l’esprit à laquelle aucun substrat matériel ne peut participer.
2. Y a-t-il une connaissance morale ?
Avant toute autre chose, je dois avouer que la note de David Violet m’a ébranlé et que certains de ses passages m’ont fait douter de mes doutes. Comment par exemple rester insensible à ces paragraphes-ci ? :
« En matière de réaction humaine appropriée et souhaitable, j'éprouve souvent le sentiment d'une douloureuse solitude; la solitude de tout homme qui se trouve devant une certaine image ambiguë - ou "dégénérée" - de la vie comme devant celle d'un "canard" - en réalité celle de l'homme - dans laquelle se dessine également, traits pour traits, la figure d'un "lapin" - en réalité celle de l'être humain, issu d'un processus non pas seulement d'hominisation mais d'humanisation qui se confond également, traits pour traits, avec le premier - qu'une majorité d'hommes s'obstine, et d'une certaine manière, se satisfait de ne pas remarquer, se contentant d'une seule et unique façon de (perce)voir, la première qui fut la "leur", qui vaut, du reste, uniquement parce qu'elle est la "leur" - "leur" préférence ("leur" façon de voir) - laquelle pourrait de toute façon valoir celle de n'importe qui, car, au fond, il n'y a aucune raison a priori qu'il y en ait une (autre) qui prévale en toute objectivité dans ce monde - qui plus est, si on ne l'a pas, je veux dire, si on ne la voit pas - qu'elle n'est pas d'abord faite sienne !
Au fond, "préférer" la «préférence morale» (à l'évidence morale) c'est, je crois, ne pas parvenir (encore) tout à fait à s'ajouter l'évidence et l'importance d'une autre manière de percevoir le monde, la seule en réalité véritablement humaine de percevoir.
Placer "votre" bien sous la protection d'une «préférence», somme toute subjective, n'est-ce pas le meilleur moyen de manquer cette autre et meilleure façon de voir et d'agir, et, du même coup, de rendre son "bien propre" inattaquable, irrévisable, irréfutable, infalsifiable, inamovible; en conséquence, le plus sûr moyen de contrevenir à l'intention que vous vous étiez fixé au départ: ne pas en rester là ! »
C’est là peut-être qu’il faut revenir aux concepts de relativisme et de scepticisme.
Dans la première partie de sa note, là où il entend répondre à ce qu’il appelle « la question du scepticisme et du relativisme “éthiques” », David Violet leur oppose l’évidence. Il y critique par ailleurs le relativisme avec le secours de Hilary Putnam, et surtout de Jacques Bouveresse. Je voudrais, dans un premier temps, circonscrire d’emblée à partir de quel relativisme et de quel scepticisme je me vois contraint de refuser la notion de morale objective ; ensuite, dans un deuxième temps, de mettre en cause la notion d’évidence, telle que David Violet l’utilise ; enfin, dans un troisième temps, de cerner autant que possible les arguments empruntés à Putnam et Bouveresse.
A.
Si être relativiste consiste à proclamer que tout se vaut puisque rien ne vaut, cela revient à user d’une logique qui se veut à ce point sans faille qu’elle atteint son point où précisément elle coïncide avec son plus intime paradoxe. Je puis aisément admettre que rien ne vaut, mais je bute alors sur l’usage que je peux faire de ce constat. Car ma position relative - celle d’un homme cerné par la société et engagé dans la vie par le truchement de celle-ci - me contraint précisément à admettre aussi qu’il est des enjeux qui m’impliquent et qui me contraignent à considérer au moins provisoirement que tout ne se vaut pas. Le relativisme du relatif devient alors une posture qui érige le relativisme des choses en une sorte de précaution préalable : ne rien croire, ne rien juger, ne rien décider sans examiner avant tout en quoi les choses doivent quelque chose au contexte, aux circonstances, aux spécificités du lieu et du moment. Ce qui revient à dire qu’il importe de combattre toute affirmation, tout jugement, toute décision qui repose sur l’idée que la nature des choses, leur substance ou leur idéalité transcendent les relations qu’elles entretiennent avec ce qui leur est différent.
Le mieux pour me faire comprendre serait de renvoyer à un auteur qui illustre assez bien cette façon d’être relativiste. J’ai pensé à Diderot, le Diderot philosophe. Dans De l’interprétation de la nature, il écrit par exemple ceci :
« Si les phénomènes ne sont pas enchaînés les uns aux autres, il n’y a point de philosophie. Les phénomènes seraient tous enchaînés, que l’état de chacun d’eux pourrait être sans permanence. Mais si l’état des êtres est dans une vicissitude perpétuelle ; si la nature est encore à l’ouvrage, malgré la chaîne qui lie les phénomènes, il n’y a point de philosophie. Toute notre science naturelle devient aussi transitoire que les mots. Ce que nous prenons pour l’histoire de la nature, n’est que l’histoire très-incomplète d’un instant. Je demande donc si les métaux ont toujours été et seront toujours tels qu’ils sont ; si les plantes ont toujours été et seront toujours telles qu’elles sont ; si les animaux ont toujours été et seront toujours tels qu’ils sont, etc. ? Après avoir médité profondément sur certains phénomènes, un doute qu’on vous pardonnerait peut-être, ô sceptiques, ce n’est pas que le monde ait été créé, mais qu’il soit tel qu’il a été et qu’il sera. » (4)
Ces quelque phrases me semblent illustrer parfaitement cette attitude propre à Diderot, à savoir son refus de construire un système, sa volonté de conserver ouvertes les questions les plus fondamentales, son souci de conserver la possibilité de laisser évoluer sa pensée, de changer d’avis même, sans adhérer à des principes premiers susceptibles de justifier tout le reste. C’est sans doute ce qui a conduit certains à lui refuser le titre de philosophe, à une époque où les systèmes restaient le mode le plus répandu de contestation des dogmes, comme on peut le constater chez Helvétius ou chez d’Holbach. Selon moi, Diderot pratiqua effectivement une forme de relativisme - au sens où je l’entends - (5), ce qui impliqua aussi une bonne dose de scepticisme ; la bonne dose étant en l’occurrence celle qui s’épargne les apories d’un savoir qui ne saurait qu’une chose, à savoir qu’il ne sait pas.
Il importe, je crois, de distinguer le relativisme qui s’attache à réfuter l’objectivité de la connaissance de celui qui insiste sur le poids différencié des cultures sur les pensées et les actes. Dans le premier cas, on peut selon moi légitimement contester une espèce jusqu’au-boutiste de relativisme qui affirme que la connaissance n’existe pas, ce qui ouvre la porte à de pseudo-connaissances destinées à combler le vide ainsi créé et qui néglige en conséquence toute cohérence et toute méthode scientifique. Mais on peut aussi concevoir un relativisme qui serait de précaution et qui admet la possibilité de savoirs partiels et provisoires, résultats de démarches rigoureuses et rationnelles, tout en insistant sur la nécessité de vérifier, de vérifier encore, et même de vérifier les vérifications, tant sont possibles tous ces biais générés par la subjectivité. Ce relativisme-là prend en compte le fait que « l’homme est la mesure de toute chose » sans lui dénier la capacité - par le truchement de grands efforts - de démêler dans une certaine mesure le vrai du faux. Quant au relativisme culturel, il représente la seule voie possible pour tenter d’établir une certaine compréhension réciproque, même si cette compréhension n’aboutit pas à un accord sur les meilleures manières de penser, d’agir ou de savoir.
Ce que je viens de dire du relativisme peut s’appliquer aussi, mutatis mutandis, au scepticisme. Il me semble aller de soi qu’il existe des formes de scepticisme qui s’écartent des avantages méthodologiques que l’on peut attendre d’un scepticisme rationnel. Ainsi, le climato-scepticisme illustre bien cette tendance à mettre en doute les choses les mieux étayées pour favoriser un faux savoir propre à satisfaire des intérêts et des sentiments éminemment subjectifs. De même, l’euro-scepticisme se présente-t-il comme la remise en cause politique d’une organisation institutionnelle sans rapport avec les vraies raisons que l’on pourrait avoir de douter de son avenir. Dans ces cas-là, le doute s’est trompé d’objet. C’est au contraire des justifications soi-disant scientifiques de l’innocuité de l’homme sur le climat qu’il convient probablement de douter (au regard des chances sérieuses que nous avons de croire que sa nocivité est effective) ; et c’est de l’innocence des intentions politiques de ceux qui suspectent le projet européen qu’il paraît opportun de douter, même si l’on ne cherche pas à se faire une opinion sur son avenir.
Il y a dans la note de David Violet deux phrases avec lesquelles je suis plutôt en accord et qui synthétise bien la position qui est la mienne en ce débat.
« Au fond, ce dont l’intelligence a besoin ce n’est pas de “scepticisme”, mais plus exactement d’“esprit critique” (nuance de taille), où l’hésitation y est exercée sous la forme d’un doute contrôlé et fécond (qui n’a donc rien de mécanique, de systématique et d’hyperbolique), lequel doute n’est pas abandonné à lui-même, mais situe l’esprit à une “juste” position - intermédiaire - toujours menacée d’être écrasée d’un côté par l’enclume et de l’autre par le marteau : je veux parler du piège de la naïveté et celui de la rigidité. Tout doit être rendu aussi hésitant - ou incertain - que possible, mais certainement pas plus incertain. »
Voilà qui pourrait laisser penser que lui et moi sommes tombés d’accord et clore en conséquence la discussion. Et bien non ! Il reste une divergence, pratiquement anodine, mais théoriquement importante. Lui pense possible qu’existe une connaissance morale, moi pas.
B.
Le point d’achoppement est peut-être cette notion d’évidence, à laquelle recourt qui veut objectiver un jugement de valeur. C’est Descartes qui, en combattant la scolastique, prétendit faire de l’évidence la clé première de la connaissance. Ainsi, il était possible d’accorder une égale confiance aux sensations offertes par l’observation et aux raisonnements que seule la logique étayait.
« […] jusques à cette heure ce n’a point été par un jugement certain et prémédité, mais seulement par une aveugle et téméraire impulsion, que j’ai cru qu’il y avait des choses hors de moi, et différentes de mon être, qui, par les organes de mes sens, ou par quelque autre moyen que ce puisse être, envoyaient en moi leurs idées ou images, et y imprimaient leurs ressemblances.
Mais il se présente encore une autre voie pour rechercher si, entre les choses dont j’ai en moi les idées, il y en a quelques-unes qui existent hors de moi. A savoir, si ces idées sont prises en tant seulement que ce sont de certaines façons de penser, je ne reconnais entre elles aucune différence ou inégalité, et toutes semblent procéder de moi d’une même sorte ; mais, les considérant comme des images, dont les unes représentent une chose et les autres une autre, il est évident qu’elles sont fort différentes les unes des autres. Car, en effet, celles qui me représentent des substances, sont sans doute quelque chose de plus, et contiennent en soi (pour ainsi parler) plus de réalité objective, c’est-à-dire participent par représentation à plus de degrés d’être ou de perfection, que celles qui me représentent seulement des modes ou accidents. » (6)
On aura immédiatement compris ce que cette évidence-là doit à l’idéalisme platonicien. La notion de substance - telle qu’il est possible de l’opposer aujourd’hui au relativisme - marque le postulat d’une réalité idéelle qui réhabilite autrement ce que la scolastique croyait savoir par le biais de la révélation. C’est évidemment une réputation en grande partie imméritée qui a fait de Descartes le champion du doute, celui qu’il a manifesté n’ayant d’autre fonction que de récuser celles des croyances (aristotéliciennes, entre autres) qu’il ne pouvait admettre.
L’évidence est une opinion que l’on pare du nom de connaissance, alors même qu’elle ne s’arme que d’une seule justification : la force avec laquelle elle s’impose à l’esprit. On me dira que les sens n’y sont pas pour rien. Soit, mais les perceptions qu’ils procurent sont acceptées sans autre précaution que de prendre en compte les sensations que la réalité semble provoquer. Et lorsque l’évidence concerne autre chose qu’un fait, l’esprit fait le funambule sans filet. Est-ce à dire que toutes ces évidences acceptées communément sont fausses ? Pas absolument, puisque certaines doivent quelque chose à la logique qui n’est rien d’autre qu’une manière d’accepter une hypothèse sur le constat que toute autre est impossible. Les mathématiques sont, à cet égard, un bon exemple d’évidence, pour autant que celle-ci soit prise comme la conséquence d’axiomes premiers qui resteront à jamais incertains. Et c’est là que l’on discerne à quel point le choix d’appeler évidence une préférence relève du besoin de conférer à celle-ci un caractère indiscutable. Lorsque les préférences concernées ont trait à des valeurs dont la remise en cause flétrit l’homme, on comprend aisément la tentation d’en faire des évidences : il est suffisamment malaisé de faire respecter les valeurs les plus hautes sans les plomber d’une genèse teintée d’arbitraire. Pourtant, à qui veut voir les choses telles qu’elles sont, il revient d’argumenter - par exemple en tentant de montrer que le contexte culturel, social et économique confère hic et nunc à ces valeurs une importance capitale - et non d’inventer des essences divines ou naturelles auxquelles en déléguer la justification. Ai-je besoin d’ajouter que la préférence ne contient pas les vertus qui manqueraient à l’évidence ? Elles sont toutes suspectes, évidemment, mais elles offrent la possibilité de rechercher de quoi elles le sont. Affirmer que telle ou telle chose ne mérite pas qu’on doute d’elle n’aide jamais. Lorsque G. E. Moore affirma « Voici une main » en brandissant la sienne (7), il pensa réfuter le scepticisme en substituant aux preuves philosophiques a priori - telles les notions cartésiennes d’évidence ou de substance - une sorte d’ontologie du sens commun. Ce que Wittgenstein discuta beaucoup, non pour défendre le scepticisme, mais plutôt pour n’y voir principalement qu’un problème de langage. (8)
En définitive, la question n’est donc pas uniquement de déterminer ce qu’est une connaissance, mais aussi de définir sa possible origine. Si je puis espérer connaître - fût-ce difficilement - quelque chose à propos d’un objet naturel, puis-je également connaître quoi que ce soit d’une proposition qui n’a d’autre origine qu’une idée, un raisonnement, voire une intuition ? En rejetant ce qui semble opposé et extrême, la naïveté et la rigidité par exemple - David Violet n’hésite pas à écrire : « Une chose est certaine : l’absolutisme dogmatique et le relativisme sont à rejeter également comme deux faces d’une même erreur » -, on cède quelque chose à la théorie du juste milieu chère à Aristote, laquelle s’offre alors comme un procédé qui permet de reconnaître les mauvaises voies. Cela peut se révéler opportun, mais cela peut aussi apparaître parfaitement inapproprié. Ainsi, si je remplace naïveté et rigidité par dogmatisme et scepticisme, je laisse croire qu’existerait une voie moyenne combinant les deux dans des proportions qui les rendent acceptables. Mais, en l’occurrence, il convient davantage de tenir compte du fait que la notion de rigidité renvoie à des a priori ou des axiomes, là où la naïveté incline à regarder toute chose comme ignorée. L’une accepte de croire sans précaution aucune - la croyance -, l’autre cherche à sortir quelque peu de l’ignorance - le savoir. Tout cela pour dire que le refus des extrêmes ne peut être un principe auquel il convient de se soumettre, mais plutôt une hypothèse à vérifier en chaque cas. Car rien ne permet de croire que l’extrême soit toujours et sans exception privé de toute pertinence. C’est en cela que le doute ne doit jamais épargner quoi que ce soit, même s’il pourra postérieurement s’apaiser face aux savoirs que la recherche aura peut-être permis de conforter, ne serait-ce que provisoirement.
C.
Depuis que j’ai pris connaissance de la note de David Violet, j’ai relu Rationalité et cynisme de Jacques Bouveresse (9). Car je souhaitais vérifier en quoi il était possible de s’en réclamer pour conforter l’idée qu’il existe une morale objective, à tout le moins une connaissance morale.
L’objectif principal de ce livre est de contester la place prise dans les années 80 par les philosophes post-modernes, et je ne puis, aujourd’hui comme hier, qu’en approuver le projet. Mais les arguments à opposer à ceux-là (Lyotard, Deleuze, Foucault et Derrida, pour ne citer que les plus renommés) - et principalement pour dénoncer le mépris qu’ils affichent à l’égard de la rationalité - ne valent pas nécessairement contre toutes les formes de relativisme et de scepticisme. Car ce qui fait la spécificité des philosophes post-modernes, c’est leur prétention à tout déconstruire jusqu’aux bases les plus élémentaires du savoir, de l’opinion et du langage, de telle sorte que l’on ne sache plus d’où ils parlent, ce qu’ils se gardent d’ailleurs toujours de préciser, préférant accréditer l’idée d’un lieu mystérieux qui leur permettrait d’accéder à une forme de lucidité à nulle autre pareille. Quand ceux-là prétendent mettre au jour les influences souterraines, les sous-entendus, les intentions cachées et les tromperies sournoises que recèlent tous les concepts, tous les principes, toutes les méthodes et toutes les valeurs, on ne peut que se demander au départ de quel a priori ils s’expriment et pourquoi celui-là ne serait pas passible des mêmes reproches.
On comprend aisément que les philosophes post-modernes ne puissent croire en l’existence d’une connaissance morale, là où ils n’en acceptent quasi aucune, si ce n’est celle qui leur permet de les contester toutes et dont on ignore toujours la vraie nature. Bouveresse pousse-t-il le souci de les démentir jusqu’à lui-même admettre l’objectivité de certains préceptes moraux ? Voyons ce qu’il en dit dans Rationalité et cynisme. Là où il me paraît qu’il approche au plus près la question, il écrit ceci :
« Putnam soutient que la dichotomie traditionnelle entre le fait et la valeur a acquis aujourd’hui le statut d’une “véritable institution culturelle”, qui, bien qu’elle soit, en fait, indéfendable d’un point de vue rationnel, lui permet de résister victorieusement à toute tentative de contestation. La stratégie qu’il adopte pour sa part consiste à essayer de démontrer que la distinction est, dans le meilleur des cas, désespérément floue, dans la mesure où la science elle-même présuppose, en tout état de cause, la reconnaissance au moins implicite de certaines valeurs. Et “le fait que l’acceptabilité rationnelle dans les sciences exactes (qui constituent certainement des exemples centraux de pensée rationnelle) dépende de vertus cognitives comme la ‘cohérence’ et la ‘simplicité fonctionnelle’ montre qu’au moins certains termes de valeur dénotent des propriétés des choses auxquelles on les applique, et non pas simplement des sentiments de la personne qui utilise les termes” (*1). Si les valeurs impliquées dans la pratique de la science révèlent une partie de notre idée du bien et si l’on peut établir que des expressions comme “simple”, “cohérent”, “justifié”, “fortement confirmé”, “supérieur à toute autre explication disponible”, etc., ont bel et bien un contenu objectif et ne correspondent pas simplement à des attitudes, des décisions ou des préférences subjectives, on aura démontré à la fois que la connaissance pratique (ou, comme on l’appelait autrefois, la “connaissance morale”) est plus fondamentale que la connaissance théorique et qu’elle peut constituer réellement une connaissance, puisqu’il existe au moins de termes de valeur qui ont un sens et des conditions d’application qui ne sont pas complètement subjectifs. » (10)
Comme c’est souvent le cas chez Bouveresse, il est malaisé d’identifier sa propre position par rapport aux arguments d’autrui. Je me garderai bien de lui en tenir rigueur, car cela procède du souci de ne pas trahir celui dont il parle. Mais cela implique parfois d’être patient et d’attendre qu’il se révèle. Si je tourne deux pages, je lis ceci :
« La dichotomie radicale qu’il s’agit de rejeter repose en grande partie sur le fait que nous sommes trop réalistes dans la théorie de la nature et pas suffisamment dans la théorie de la morale : “Aujourd’hui nous avons tendance à être trop réalistes en ce qui concerne la physique et trop subjectivistes en ce qui concerne l’éthique, et ces deux tendances se rattachent l’une à l’autre. C’est parce que nous sommes trop réalistes dans le cas de la physique, parce que nous considérons la physique (ou une certaine physique future hypothétique) comme l’Unique Théorie Vraie, et non pas seulement comme une description rationnellement acceptable appropriée pour certains problèmes et certains objectifs, que nous tendons à être subjectivistes à propos des descriptions que nous ne pouvons ‘réduire’ à la physique. Devenir moins réaliste dans le cas de la physique et devenir moins subjectif dans le cas de l’éthique sont deux choses qui sont pareillement indépendantes” (*2) En d’autres termes, c’est parce que nous continuons à adhérer, dans le cas de la théorie physique, à une forme de réalisme impossible et absurde que nous renonçons immédiatement à toute interprétation réaliste dans le cas de l’éthique.
On comprend facilement, dans ces conditions, pourquoi le genre d’argumentation qui est utilisé par Putnam est rarement efficace et produit même, la plupart du temps, le résultat inverse de celui qu’on voulait obtenir. Lorsqu’on prend conscience du fait que la connaissance scientifique elle-même est étroitement subordonnée à des intérêts et à des valeurs, on en conclut généralement qu’elle est une création aussi “subjective” que les intérêts et les valeurs qu’elle présuppose. L’abandon du réalisme naïf dans le cas de la science n’entraîne pas la disparition du subjectivisme dans le domaine de la morale, mais plutôt la subjectivation plus ou moins radicale du contenu de la science elle-même et le remplacement du réductionnisme physicalisme par des formes de réduction implicite de la science à la morale. Si la dichotomie du fait et de la valeur est reconsidérée, ce n’est pas au profit d’une conception qui accorderait aux valeurs une certaine objectivité comparable à celle des faits, mais plutôt d’un transfert de la subjectivité radicale des valeurs aux faits eux-mêmes. On peut se demander justement si ce n’est pas cette façon d’effectuer la réunification du fait et de la valeur de façon complètement unilatérale, au profit de la valeur interprétée de façon subjectiviste, qui est en train de devenir à son tour une véritable “institution culturelle” de notre époque. » (11)
Pour le dire d’un mot, dans ce passage, Bouveresse estime que la remarque de Putnam incline davantage ses lecteurs à se fier moins encore aux savoirs scientifiques qu’elle ne les incite à asseoir leurs convictions morales, alors que la perte de crédit dont ces savoirs souffrent à notre époque devient abyssale. Mais il ne dit rien encore de l’objectivation proprement dite de l’éthique. Ce qui semble donc guider Bouveresse dans son propos, c’est avant tout sa crainte que les jugements de tout un chacun glissent insensiblement vers la plus grande des subjectivités, avant tout parce qu’ils se détourneraient des méthodes scientifiques auxquelles est déniée toute capacité à forger des certitudes.
Pourtant, si l’on poursuit la lecture…
« “… Ce qui résulte de la non-existence de valeurs objectives ne peut pas être que tout est (au sens exigé) ‘exactement aussi bon’ que n’importe quoi d’autre, mais plutôt qu’il n’y a rien de tel qu’‘exactement aussi bon que’. Si les valeurs étaient réellement arbitraires, alors pourquoi ne devrions-nous pas détruire toutes le cultures que nous voulons ?” (*3) Celui qui proteste contre l’anéantissement d’autres cultures n’exprime évidemment pas simplement un choix subjectif, mais dénonce bel et bien une faute objective. » (12)
Arrêtons-nous ici, même si la suite du texte mérite d’être lue. Il me semble en effet que l’essentiel du ressort dont use Bouveresse pour refuser de reconnaître la subjectivité de tout jugement moral s’y trouve.
Sa cible principal, c’est le cynisme. Et son argumentation - empruntée à Putnam - est que le relativiste conséquent n’a d’autre choix que d’être cynique, au sens machiavélien du mot. Mais pourquoi diable ne serait-il pas possible d’être cynique, à la façon de Diogène, tout en acceptant ses propres préférences morales ? Je puis parfaitement penser qu’il n’existe aucun critère permettant d’affirmer la prévalence d’une culture sur une autre, et néanmoins préférer que l’existence de toutes les cultures soit protégée, plutôt que réclamer la destruction de celles qui ne me plairaient pas à partir d’on ne sait trop quel choix. De même, je puis parfaitement penser que les méthodes scientifiques sont susceptibles - mieux que toute autre manière de faire - de démêler un tant soit peu le vrai du faux et le vraisemblable de l’invraisemblable, sans pour autant renoncer à douter et à relativiser la façon dont elles m’éclairent. Il est même très probable que le doute et la relativisation constituent, parmi d’autres, de précieux moyens de maximiser lesdites méthodes. Il y a quelque chose quasiment de naïf à identifier le scepticisme et le relativisme à une perte définitive de repères, comme si ceux qui cultivent le doute et qui privilégient le contexte étaient toujours prêts à s’abandonner aux irrationalités les plus délirantes.
On trouve une dérive identique dans la façon dont Bouveresse s’attaque à Paul Feyerabend. Soyons sans ambiguïté : je n’ai aucunement l’intention de défendre Feyerabend et je considère Bouveresse comme un philosophe autrement important que lui. Mais je suis porté à croire que le choix de parler de Feyerabend - qu’il serait malaisé de classer parmi les post-modernes - n’est pas innocent. En effet, le relativisme anarchiste de Feyerabend est à ce point outrancier et volontairement provocateur, qu’il devient aisé de mettre en évidence ses contradictions. Ce qui, selon moi, n’autorise pas à jeter le bébé avec l’eau du bain.
« Puisque le relativisme interdit de formuler un jugement “objectif” sur les avantages et les inconvénients d’une tradition donnée et que les différentes traditions incarnent généralement des conceptions, des aspirations et des idéaux incompatibles, il ne reste plus qu’à laisser les individus décider souverainement de ce qui compte et de ce qui ne compte pas pour eux et à les répartir en groupes suffisamment homogènes, qu’on empêchera, au besoin par la force, de se mêler de ce qui ne les regarde pas. Néanmoins, comme on pouvait s’y attendre et comme le font finalement tous les relativistes, Feyerabend ne se prive pas de formuler toutes sortes de jugements de valeur absolus sur les avantages remarquables de cette solution et sur bien d’autres choses. » (13)
Non, tous les relativistes et tous ceux qui - sans se déclarer tels - acceptent l’idée qu’il est bon de faire preuve de relativisme ne formulent pas des propositions aussi farfelues et ne se contredisent pas en formulant des jugements que leur conception des choses leur interdirait. Mais, encore une fois, là même où aucune certitude et aucun jugement moral objectif n’existe, il n’est pas interdit de faire prévaloir sa préférence, celle qui nous porte à croire - serait-ce erronément - qu’elle pourrait au moins préserver du pire.
Il existe bel et bien, selon moi, des formes de scepticisme et de relativisme compatibles avec le rationalisme.
Je n’en dirai pas davantage, car c’est déjà plus qu’assez. Non parce que j’aurais été convaincant, mais parce que le sujet se prête à des digressions sans fin, facilement ennuyeuses. Je donne sans doute l’impression de m’entêter. Pourtant, je ne suis guère sûr de moi. Non par souci de rester cohérent, mais au contraire parce que j’ai l’intime conviction que ma façon de voir n’est pas exempte de contradictions. C’est, tout au plus, une façon pour moi d’éviter des conceptions moins sûres encore. La pensée est-elle adaptable au réel ? Voilà qui est bien difficile à décider. Reste que, comme le prétendait Kant avec beaucoup d’assurance, la bonne volonté est peut-être une qualité estimable entre toutes… fût-elle très subjectivement conçue. (14)
(1) C’est ce qui me poussa - il y a longtemps déjà - à m’intéresser à la parrhèsia (cf. ma note du 10 novembre 2011).
(2) Cf. Bernard Williams, L'éthique et les limites de la philosophie, trad. par Marie-Anne Lescourret, Gallimard, 1990. Je n’ai pas lu ce livre ; ce que j’en connais vient de quelques articles comme, par exemple, celui de Daniel M. Weinstock publié dans la revue Philosophiques, Gallimard, 1990, 20(1), pp. 232–235.
(3) G. E. Moore, Principia Ethica, trad. de Michel Gouverneur, PUF, 1997, chapitre I, § 13.
(4) Denis Diderot, Pensées sur l’interprétation de la nature, LVIII, 1, texte établi par J. Assézat et M. Tourneux pour Garnier, Wikisource
(5) Sur le relativisme de Diderot et sur la lecture relativiste qu’il convient de faire de Diderot, cf. Jean-Claude Bourdin, Diderot. Le matérialisme, PUF, 1998, et particulièrement le chapitre intitulé “Le délire matérialiste entre sciences et spéculation” (pp. 80-110).
(6) René Descartes, “Méditation troisième” in Œuvres et lettres, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1953, p. 289.
(7) Cf. G.E. Moore, "Preuve qu'il y a un monde extérieur", 1939, trad.fr. in Dutant et Engel, Philosophie de la connaissance, Vrin 2005.
(8) Cf. Ludwig Wittgenstein, De la certitude, trad. Jacques Fauve, Gallimard, Tel, 1987.
(9) Ed. de Minuit, Collection “Critique”, 1984.
(*1) Hilary Putnam, Reason, Truth and History, Cambridge University Press, New York, 1981, p. 135. Putnam exprima la même idée dans L’éthique sans l’ontologie [2004], trad. Pierre Fasula, Cerf, 2013, pp. 106-107 : « Je veux enfin dire un mot concernant une classe de jugements de valeur qui est souvent négligée, les jugements qui sont internes à l’enquête scientifique elle-même : les jugements de cohérence, de simplicité, de plausibilité, etc. Voici un exemple du caractère indispensable de tels jugements : la relativité générale d’Einstein et la théorie de la gravitation d’Alfred North Whitehead (dont la plupart des gens n’ont jamais entendu parler) sont toutes deux en accord avec la relativité spéciale, et toutes deux prédisent le phénomène très familier de la déflexion de la lumière par la gravitation, le caractère non newtonien de l’orbite de Mercure, l’orbite exacte de la lune, et ainsi de suite. Pourtant la théorie d’Einstein fut acceptée et celle de Whitehead rejetée cinquante ans avant que quelqu’un pensât à une observation qui déciderait entre les deux. Le jugement que les scientifiques ont porté de manière implicite, selon lequel la théorie de Whitehead était “peu plausible” ou trop ad hoc pour être prise au sérieux, était clairement un jugement de valeur. »
(10) Jacques Bouveresse, Op. cit., pp. 55-56.
(*2) Hilary Putnam, Reason, Truth and History, p. 143.
(11) Jacques Bouveresse, Op. cit., pp. 58-59.
(*3) Hilary Putnam, Ibid., pp. 161-162.
(12) Jacques Bouveresse, Op. cit., p. 60.
(13) Ibid., pp. 74-75. C’est moi qui souligne.
(14) Je ne cite pas Kant par hasard. Cf. sur ses conceptions de la morale ma note du 25 janvier 2005 relative à la morale et aux cultures.
Vous pouvez trouver la première partie de ma réponse à la note présente sur le lien suivant:
RépondreSupprimerhttps://davidviolet.blogspot.com/2019/06/reponse-premiere-partie.html
La deuxième partie de ma réponse est désormais accessible sur le lien suivant:
RépondreSupprimerhttps://davidviolet.blogspot.com/2019/07/reponse-deuxieme-partie_6.html
Afin de rendre les réponses de David Violet accessibles d’un simple clic, en voici les chemins :
SupprimerPremière partie
Deuxième partie