jeudi 23 juillet 2009

Note de lecture : Françoise Héritier

Une pensée en mouvement
de Françoise Héritier


Le livre de Françoise Héritier (1) qui vient d’être publié est constitué de textes réunis par Salvatore D’Onofrio. Il s’agit en fait d’entretiens accordés entre 1978 et 2008, ce qui présente le grand intérêt de fournir un excellent panorama des idées de Françoise Héritier (2), qui plus est dans un contexte où elle s’exprime de façon assez spontanée et offre ainsi à voir ce que j’ose appeler sa combativité.

Un grand nombre de questions y sont soulevées, d’autant plus passionnantes que Françoise Héritier les évoque de façon alerte et franche, avec surtout une sorte de détermination qui témoigne à la fois de sa grande intelligence et de ce que je ne crains pas d’appeler ses entêtements. Je ne puis ici les citer toutes ; je crois préférable de m’en tenir à quelques-unes, celles qui m’intéressent le plus.

On présente volontiers Françoise Héritier comme l’élève de Claude Lévi-Strauss. L’influence est certaine, mais la rupture aussi. Ce qui n’a rien d’étonnant, dans la mesure où Lévi-Strauss n’a jamais voulu de disciples (3).

Côté influence, au-delà de l’approche structuraliste (qu’elle prétend poursuivre, sans toutefois que cela soit toujours évident), il y a bien sûr cette manière très caractéristique de reconnaître aux sociétés primitives une rationalité que bien d’autres leur contestent.
« […] bon nombre de sociétés ont élaboré des théories sur la genèse des humeurs du corps, du sang, du sperme et du lait, et les font venir de la moelle osseuse. Or, nous savons désormais que les cellules sanguines sont produites en effet par la moelle osseuse. Évidemment, l’argumentation et la démonstration faites par ces sociétés ne sont pas les mêmes que les nôtres. On ignorait l’existence des cellules, mais l’observation du corps animal ou humain montrait l’existence des os et, à l’intérieur, de quelque chose bien encapsulé protégé par des masses dures ; il fallait que ce soit la chose la plus précieuse. Matière rougeâtre, c’est donc de là que provenait le sang. Ce sont de très belles théories qui, d’une certaine manière, rencontrent des réalités scientifiques modernes. Les théories que nous sommes en train d’élaborer, nous ne savons pas si nos successeurs, dans quatre ou cinq siècles, ne les trouveront pas aussi approximatives ou aussi simplistes que certains de nos confrères trouvent fantaisistes les réponses que les sociétés primitives ont apportées à la question de la genèse du sang. » (p. 347)
Il y a aussi cette conscience aiguë des limites de la pensée.
« On est toujours pris – c’est l’un des problèmes cruciaux de la sociologie, de l’ethnologie, et de la philosophie aussi, je suppose – entre l’idée de liberté individuelle et celle de contrainte sociologique collective. Toute vie procède de la liaison entre les deux. Mais, même si on est libre en esprit (la liberté en esprit, nul ne peut la nier), il n’est pas évident que cette liberté ne soit pas elle aussi contrainte par un certain nombre de cadres qui font que l’imagination nous fait défaut pour concevoir des choses possibles et effectivement pensables, mais qui n’ont pas encore été pensées par qui que ce soit. » (p. 358)

Côté rupture, les divergences résultent autant d’une discordance de tempérament que d’une opposition d’idée. C’est que Françoise Héritier s’est donnée à une certaine militance que Lévi-Strauss n’envisageait même pas.
« Du fait que je m’intéressais à l’"anthropologie dans la Cité" (ce fut le titre de mes séminaires pendant quelques années), j’ai toujours été incapable de dire non toutes les fois où ma position de professeur au Collège de France a été avancée pour me demander de faire partie d’un certain nombre d’organismes ayant une action quelque peu "militante" : le Conseil national du sida, le Haut Conseil de la population et de la famille, etc. » (p. 383)
Or, cette militance n’existe qu’au départ d’une seule cause, d’une seule doctrine, à savoir l’avènement de l’égalité entre les sexes. Ce qui ne signifie certes pas que Françoise Héritier ne s’intéresse qu’à cela. Mais les questions suivantes se posent : n’a-t-elle pas été quelquefois portée à défendre des positions "politiques" en exploitant ses connaissances anthropologiques – ce qui n’est pas le meilleur service que l’on puisse rendre à ces dernières –, mais surtout n’a-t-elle pas été un peu trop encline à construire ses théories anthropologiques d’une façon qui flatte ses préférences "politiques".

Le point central des conceptions anthropologiques de Françoise Héritier, c’est ce qu’elle appelle la valence différentielle des sexes, le modèle archaïque dominant auquel elle donne lieu et, surtout, l’enfantement des garçons par les femmes comme explication de l’appropriation de celles-ci par les hommes (4).
« Dans la genèse du modèle dominant, la question centrale est le fait que les femmes, pour leur plus grand malheur, font les fils, c’est-à-dire les semblables des hommes que les hommes ne peuvent pas faire eux-mêmes. Pour nos ancêtres, qu’elles fassent des filles n’avait rien d’extraordinaire : elles se reproduisaient à l’identique. Pour que les hommes se reproduisent à l’identique – ce qui était leur plus grand désir, mais ce qu’ils ne pouvaient faire tout seuls -, il leur a donc fallu s’approprier le corps des femmes. » (p. 361)
« Cherchant d’où pouvait provenir cette "valence différentielle des sexes", quels seraient les phénomènes premiers pris en considération pour s’expliquer son universelle présence, j’en suis arrivée à la conclusion hypothétique qu’il s’agit moins d’un handicap du côté féminin (fragilité, moindre poids, moindre taille, handicap des grossesses et de l’allaitement) que de l’expression d’une volonté de contrôle de la reproduction de la part de ceux qui ne disposent pas de ce pouvoir si particulier. » (p. 94)
« Cette recherche m’a conduite à repérer ce que je viens d’évoquer : une sorte de renversement de la pensée à partir d’un point fondamental lié au fait que les femmes enfantent les deux sexes et pas seulement des filles. Expliquer cela fait partie des interrogations qui se sont posées aux humains depuis le début de l’humanité. » (p. 101)
« On a donné bien des explications pour justifier la domination masculine […]. À mes yeux, elle tient au fait que les hommes ont dû s’approprier le corps des femmes parce qu’elles faisaient des fils. […] c’est l’incapacité des hommes à reproduire directement leur semblable qui est à la base des dépossessions dont ont été victimes les femmes. » (pp. 106-107)
« Si, comme je le postule, l’organisation des systèmes de pensée et des systèmes sociaux provient non seulement de l’observation des différences anatomiques et physiologiques, mais aussi, au cœur de ces différences, de ce scandale pour l’esprit qu’est le privilège exorbitant des femmes d’enfanter les deux sexes, l’appropriation et le contrôle de ce privilège deviennent la clé de voûte de la domination masculine. » (p. 286)

Je dois bien l’avouer : je ne suis pas entièrement convaincu. La thèse est séduisante et ne manque pas d’arguments, puisés dans les informations ethnographiques. Mais elle réclame d’admettre que le lien entre copulation et grossesse ait été compris de tout temps, ce dont je suis loin d’être certain, contrairement à ce que Françoise Héritier affirme. La thèse porte bien sur ce qui fut dans les sociétés primitives, réellement primitives, c’est-à-dire à des époques qui nous sont inaccessibles, et non dans des sociétés récentes, même si elles étaient encore "froides", pour reprendre l’expression de Lévi-Strauss.

Le danger, lorsqu’on exprime des doutes de cet ordre, c’est d’engendrer un soupçon : celui de s’accommoder de la domination masculine que la thèse est censé expliquer. Ce n’est pourtant pas mon cas. Est-ce celui de Lévi-Strauss ? La question n’est pas incongrue, puisque Françoise Héritier lui reproche d’être un mâle dominateur intériorisé.
« Lévi-Strauss ne s’est pas posé la question des droits du sexe féminin. Il n’a pas pensé à la valence différentielle des sexes. Il ne s’est pas posé la question de savoir pourquoi les hommes échangeaient leurs femmes et non l’inverse ou les deux à la fois : la réponse lui paraissait aller de soi. » (p. 228) (5)
Bien mieux, elle prétend « qu’il ne s’interrogeait pas non plus sur la raison d’être des catégories dualistes, dont j’ai dit qu’elles n’avaient pas à voir avec un câblage cérébral inné, mais avec une construction synaptique progressive due à l’observation, dès les origines, de la différence sexuelle […] » (p. 211) (6). Soyons de bon compte : les occasions d’observer des oppositions binaires (haut et bas, chaud et froid, sec et humide, etc.) autres que l’opposition mâle et femelle étaient nombreuses, dès les origines.

Il y a une autre question importante dont je crains que Françoise Héritier ne traite sur la base de ses préférences féministes : c’est la question du relativisme culturel.
« Il convient à mes yeux de rejeter les arguments dits culturels qu’on oppose à toute tentative d’action pour les droits de l’homme au niveau international.
Le dernier avatar de l’usage politique de cet argument, nous le voyons dans la réponse de Bush sur la peine de mort : "À chacun sa façon de voir." Il reprend ainsi textuellement la même argumentation que celle employée par les dirigeants chinois. Or rien n’est plus faux. Les droits de l’homme ne sont pas soumis à des variations culturelles, c’est-à-dire à des fluctuations qui tiendraient à l’adhésion de tout un peuple à des pratiques qui s’y opposeraient. Ce n’est pas non plus un élément de la culture européenne qu’un néocolonialisme primaire tenterait d’imposer au reste du monde. Ils n’ont rien à voir avec notre culture et avant le XVIIe siècle, la culture européenne n’en comportait pas la trace. C’est la marque d’une conquête de la raison.
» (pp. 254-255)
« Sur un plan général, l’argument du droit à la différence s’appuie sur la notion de culture, sans la définir, et surtout sur l’idée d’un coup de force de type colonialiste de la pensée occidentale sur les autres cultures du monde, en voulant leur imposer la reconnaissance des droits de l’homme, et très particulièrement leur extension aux femmes. Or, sur ce point précis, il convient de noter deux choses. Tout d’abord, l’Occident continue de pratiquer en la majorité des comportements et des idées de ses membres, y compris au plus haut niveau politique, le modèle archaïque de la domination masculine qu’on estime fondée en nature. L’extension des droits humains aux femmes y est le fruit d’une reconnaissance récente dans l’histoire de l’humanité et abstraite, mais elle sert de fondement à des mesures politiques dont les effets finissent par se faire sentir dans la vie ordinaire et concrète. De ce point de vue, c’est un gain de la raison et un approfondissement de l’idée de démocratie. Il s’agit donc moins d’imposer à d’autres le système de pensée propre et congénital à une "culture" que de faire honneur à toutes en supposant qu’elles disposent des mêmes capacités à faire progresser la raison. D’autre part, l’argument relativiste culturel pourrait être considéré comme devant être examiné avec soin si, chaque fois qu’il est opposé, il renvoyait à une forme culturelle particulière, nettement identifiable et reconnaissable entre toutes les autres. Or il ne s’agit pas en fait de formes totalement différenciées et autonomes, mais du même refus massif et indifférencié, conformément au modèle archaïque universel, de reconnaître aux femmes la dignité du statut de personne à part entière, ce qui est à la base des droits de l’humain, et ce faisant de leur conférer une réelle indépendance. » (pp. 159-160)
Il y a, je pense, une différence non négligeable entre la rationalité non consciente des sociétés froides et la rationalité argumentative qui caractérise une certaine évolution de la société occidentale, notamment à travers le développement de la pensée scientifique. En ce que j’appartiens à cette société occidentale, j’adhère aux droits humains et souhaite la reconnaissance de la dignité des femmes. Mais je ne peux balayer d’un revers de main l’idée que des sociétés différentes ont existé et existent encore, des sociétés dans lesquelles l’équilibre global du monde social reposait et repose peut-être encore en partie sur un statut différencié des hommes et des femmes. Jusqu’à quel point dois-je taire mes indignations au nom du relativisme culturel ? voilà certes une question qui me plonge dans le plus grand embarras. Mais l’embarras est quelquefois une bonne chose, notamment lorsqu’aucune des réponses qui permettraient d’en sortir ne se révèle décisive.

Je ne voudrais pas laisser penser pour autant que Françoise Héritier a la naïveté du militant de base. Loin s’en faut. Elle mesure bien les difficultés auxquelles se heurte l’argumentation scientifique lorsqu’elle s’exprime dans des instances décisionnelles.
« L’approche anthropologique, qui vise à faire comprendre la logique des situations, ne les intéresse que si elle peut déboucher sur des prises de position concrètes, ou cautionner d’une certaine façon des décisions d’ordre éthique ou technique. Il y a une forme de surdité sélective que nous connaissons bien. Ainsi il m’a fallu longtemps au Haut Conseil de la population et de la famille pour faire entendre des choses élémentaires, par exemple que les nouveaux modes de procréation n’auraient pas d’influence sur le système de filiation, qu’on ne pouvait pas inventer, sauf par le clonage ou en instaurant la république platonicienne, de nouveaux modes de filiation, et qu’il était donc inutile de légiférer en ce sens. » (p. 88) (7)
« Quant à croire que la connaissance anthropologique de mécanismes complexes puisse influer sur les décideurs politiques ou autres, je ne le pense pas, d’autant que ce sont des situations qui ne changent pas par décret. » (p. 97)
« Selon moi, un fonctionnement social exclusivement fondé sur des arguments scientifiques n’est pas pensable, d’autant que la science elle-même est mouvante et progresse. » (p. 119)

Lorsque Françoise Héritier s’exprime dans le cadre des débats politiques et sociaux du moment, au-delà de la pertinence de cette intrusion de la chercheuse dans la sphère des polémiques publiques (8), je dois constater qu’elle y défend des opinions bien faites pour me plaire. Ainsi :
« J’ai été pendant six ans le représentant français au Conseil scientifique de l’Université des Nations unies. J’ai entendu là, pour la première fois, ce qui m’a semblé être un jargon technocratique recouvrant de son voile de nouvelles modes intellectuelles issues de la conviction que la mondialisation (ou globalisation) était inéluctable, jargon auquel on est devenu désormais familier parce qu’il a été adopté depuis peu par les intellectuels, les médias et même le pouvoir politique : il s’agit principalement de gouvernance devenue "gouvernance" en français, ou encore sustainable development, "développement durable". Pour moi, "gouvernance" n’est pas un terme neutre. Il ne s’agit plus de gouvernement, d’art de gouverner, mais "de fournir des biens et des services à des intérêts sectoriels et à des clients-consommateurs", selon un directeur de l’Unesco, cité par Bernard Cassen dans Le Monde diplomatique de juin 2001. Ce dernier souligne avec raison en quoi la gouvernance adossée à ce qu’on appelle la "société civile", telle qu’elle est reprise d’ailleurs par Romano Prodi, met en avant la sphère des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général, le peuple et la représentation démocratique étant les grands absents de cette façon de gouverner. Ainsi, résume Cassen, la politique devient assimilable à la "gestion d’une entreprise". » (pp. 136-137)
Ou encore ainsi :
« Une éducation permanente véritablement pour tous impliquerait une profonde révolution des attentes du public à l’égard du besoin de connaissance et une non moins profonde volonté politique. Y font obstacle sur le plan de la demande individuelle deux faits : l’attrait antagonique pour l’irrationnel d’un côté, l’illusion de maîtrise procurée par la diffusion massive d’un savoir superficiel qui sous-tend de l’autre côté le désintérêt pour l’approfondissement des questions, du moins dans les pays où ce savoir de surface est mis communément à la disposition du public. » (pp. 335-336)
Et sur la filiation, telle qu’elle évolue de nos jours :
« […] un changement marquant est déjà en route, qui bouleverse les assises du social : la revendication commence à se répandre du primat du génétique sur la règle sociale, pour fonder le droit. L’ADN tend à remplacer la fiction juridique de la filiation telle que toutes les sociétés du monde l’ont construite. Je ne suis pas sûre, dans ce cas précis, que ce soit mieux pour l’humanité. » (p. 333)
Et je pourrais encore citer à titre d’exemple ce qu’elle dit sur le rapport homme/animal (p. 338).

Je voudrais finir sur une anecdote plaisante. Elle concerne l’étude de la parenté, les difficultés qu’elle présente, et la façon dont – dans son enfance – Françoise Héritier a vécu par hasard des circonstances qui semblent l’y avoir préparée.
« Mes grand-mères, qui ne s’aimaient pas, avaient trouvé un terrain d’entente neutre et anodin, mais extrêmement fructueux pour moi qui écoutais ! Elles discutaient sans cesse des rapports de parenté qui unissaient les gens qu’elles connaissaient. Elles ne disaient pas les rapports de parenté, mais elles en expliquaient les cheminements. Elles disaient par exemple : "La fille à la Martine qui a épousé le fils du boulanger de La Chenale, ils se sont rencontrés lors du mariage de son cousin, pas à la Martine, mais au boulanger de La Chenale, qui lui, avait épousé une cousine germaine de la fille à la Martine…" Vous voyez le genre : ce n’est rien d’autre que le mariage de deux cousins germains avec deux cousines germaines. Moi, j’enregistrais tout ça et j’essayais d’en tirer la leçon graphique, de me représenter mentalement les cheminements selon les différentes positions de cousinage. C’était extrêmement instructif, parce que cela me disposait à une gymnastique mentale qui est peut-être un des éléments qui, pour la plupart des gens, fait repoussoir à l’encontre des études sur la parenté. Supposez que je vous demande, à vous, par quel terme vous désignez le fils de la fille du frère de la mère de votre père, et je suis sûre qu’il vous faudra plus qu’un petit temps de réflexion pour répondre (alors qu’il ne s’agit que d’un cousin issu de germain) ! J’avais appris, grâce à cette éducation enfantine intense, à m’y repérer assez vite. » (pp. 52-53)

(1) Françoise Héritier, Une pensée en mouvement, Odile Jacob, 2009.
(2) Un seul regret : l’origine et la date des entretiens sont malaisées à repérer (ce qui est pourtant essentiel pour saisir l’évolution de sa pensée), la bibliographie étant chronologique alors que l’ordre des entretiens présentés est thématique.
(3) La rupture opérée par son deuxième successeur au Collège de France – lequel se plaît pourtant à affirmer sa dette – est, d’une certaine manière, encore plus importante, puisqu’elle porte principalement sur la distinction capitale entre nature et culture (cf. Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, 2005).
(4) Dans le deuxième tome de Masculin/Féminin. Dissoudre la hiérarchie, (Odile Jacob, 2008), Françoise Héritier a intitulé une section du chapitre premier de la deuxième partie : « Pourquoi les femmes font-elles aussi des garçons ? ». Et on peut y lire : « […] la seule certitude résidait dans ce constat que des corps possédant une certaine disposition anatomique et physiologique sont capables non seulement de produire leur semblable, c’est-à-dire des filles, mais également d’enfanter leur différent, c’est-à-dire des garçons. De là va naître une interrogation lourde de sens qui consiste à se demander comment un corps parvient à faire du différent et ne se contente pas de produire du même. » (p. 131)
(5) Lévi-Strauss n’était certes pas disposé à épouser la cause féministe (« On ne change pas la règle de la tribu » a-t-il affirmé pour justifier son opposition à l’entrée de Marguerite Yourcenar à l’Académie française). Reste qu’il n’a pas dit que la domination masculine allait de soi et on n’ose croire qu’il ait pu écarter la question comme s’il le pensait. Il a fait le constat de son universalité et ne s’est pas risqué dans une explication qu’il n’apercevait sans doute pas.
(6) Cf. aussi p. 198.
(7) On pense au discours sur la liberté prononcé par Lévi-Strauss devant une commission parlementaire en 1976 et dont une version amplifiée figure dans Le regard éloigné (Plon, 1983) sous le titre "Réflexions sur la liberté" (pp. 371-382)
(8) Cette question des prises de position publiques du chercheur m’intéresse et me préoccupe beaucoup. J’y réfléchis depuis très longtemps, notamment à propos des fidélités et des infidélités de Bourdieu vis-à-vis du principe de séparation wébérien du savoir et de l’action, du savant et du politique.

2 commentaires:

  1. Documentaire a voir jusqu"au 6 juillet 2010 en version intégrale et gratuite

    Françoise Héritier et les lois du genre


    http://www.universcience.tv/media/1212/francoise-heritier-et-les-lois-du-genre.html


    L’anthropologue Françoise Héritier développe sa pensée sur l’organisation et l’origine du rapport hiérarchique entre les sexes.

    durée : 49 mn
    Réalisation : Anne-France Sion
    Production : CNRS Images 2009

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  2. Un tout grand merci à celle ou à celui qui a bien voulu signaler ce documentaire. Ce film est très intéressant et quelque peu émouvant. En le visionnant, j’ai senti mes doutes au sujet de l’influence des options féministes de Françoise Héritier sur ses travaux anthropologiques fondre comme neige au soleil.

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