mardi 16 août 2016

Note de lecture : Montaigne et le futur

Le chapitre “Nos affections s’emportent au-delà de nous” des Essais
de Montaigne


Pierre Villey, nous dit Géralde Nakam, aurait fait preuve d’une grande incompréhension en attribuant au hasard les ajouts que Montaigne apporta en 1588 et en 1592 au chapitre III du livre I des Essais (1) : « Quand on ne peut suivre la cohérence du propos de Montaigne, dit-elle, il est trop facile d’invoquer désordre, hasard, association d’idées ou dérive. » (2) Elle me semble avoir à ce point raison que m’est venue l’idée de relire ce chapitre en trois temps : d’abord, ce qui a figuré dans l’édition de 1580 ; puis, ce qui y fut ajouté en 1588 ; et enfin ce qui le compléta en 1592. Tel un kaléidoscope, le texte alors m’offrit à voir quelques combinaisons qui, tout en attestant de points de vue modelés par le temps qui passe, témoignait aussi de cet empilement dont la pensée est faite par le biais d’une sorte de synthèse inconsciente sans cesse recommencée.

On ne s’interroge peut-être pas suffisamment sur cette curieuse pratique qui vit Montaigne ajouter sans cesse à son livre, comme si le péril de tout embrouiller lui sembla moins grand que celui de mal traduire ce qu’il était, c’est-à-dire un passé altéré. Il s’en explique dans le chapitre IX du livre III (“De la vanité”) :
« Laisse, lecteur, courir encore ce coup d’essay et ce troisiesme alongeail du reste des pieces de ma peinture. J’adjouste, mais je ne corrige pas. Premierement, par ce que celuy qui a hypothecqué au monde son ouvrage, je trouve apparence qu’il n’y aye plus de droict. Qu’il die, s’il peut, mieux ailleurs, et ne corrompe la besongne qu’il a venduë. De telles gens il ne faudroit rien acheter qu’après leur mort. Qu’ils y pensent bien avant que de se produire. Qui les haste ?
Mon livre est toujours un. Sauf qu’à mesure qu’on se met à le renouveller afin que l’acheteur ne s’en aille les mains du tout vuides, je me donne loy d’y attacher (comme ce n’est qu’une marqueterie mal jointe), quelque embleme supernuméraire. Ce ne sont que surpoids, qui ne condamnent point la premiere forme, mais donnent quelque pris particulier à chacune des suivantes par une petite subtilité ambitieuse. De là toutesfois il adviendra facilement qu’il s’y mesle quelque transposition de chronologie, mes contes prenans place selon leur opportunité, non toujours selon leur aage.
Secondement que, pour mon regard, je crains de perdre au change ; mon entendement ne va pas tousjours avant, il va à reculons aussi. Je ne me deffie guiere moins de mes fantasies pour estre secondes ou tierces que premieres, ou presentes que passées. Nous nous corrigeons aussi sottement souvent comme nous corrigeons les autres. Mes premieres publications furent l’an mille cinq cens quatre vingts. Depuis d’un long traict de temps je suis envieilli, mais assagi je ne le suis certes pas d’un pouce. Moy à cette heure et moy tantost, sommes bien deux ; mais, quand meilleur ? je n’en puis rien dire. Il feroit beau estre vieil si nous ne marchions que vers l’amendement. C’est un mouvement d’yvroigne titubant, vertigineux, informe, ou des jonchets que l’air manie casuellement selon moy.
 » (3)

Tout cela se comprend aisément, même si rares sont ceux qui admettent que leurs idées ne s’améliorent pas au fil du temps. Mais cela n’explique pourtant pas le procédé, car ce qui fut publié demeure en son état, quels que puissent être les souhaits d’y remédier, et si l’envie vient d’ajouter de nouvelles sottises aux anciennes, un nouveau livre reste possible. En fait, comme Géralde Nakam le montre si bien dans son Dernier Montaigne, Montaigne a voulu que son livre soit à ce point un autre lui-même qu’il y a entassé ses doutes, sans rien retrancher, comme si ce qui fait l’histoire d’un homme était aussi inaltérable qu’est altérable celui qui la vit. Je cite Nakam parlant de Montaigne :
  « Il s’est créé en explorant justement une étrangeté opaque, une énigme : le sujet, lequel parle au nom de “l’humaine condition”, dont il se considère comme un simple “échantillon”. Pour ce faire, il (l’auteur, et son livre) s’est forgé un outil adéquat et, partant, aussi étrange : l’essai-autoportrait, formes en devenir.
En 1592, l’opacité s’est-elle dissipée ? Elle semble au contraire s’être épaissie. Montaigne avait noté en 1588 :

On s’apprivoise à toute étrangeté par l’usage et le temps ; mais plus je me hante et me connais, plus ma difformité m’étonne, moins je m’entends en moi. (Des Boiteux, III, 11, b)

Il recourt plus tard, de façon encore plus frappante, à l’étonnante et célèbre formule, annonciatrice de toutes les découvertes sur l’inconscient, sur “les profondeurs opaques de l’esprit” :

C’est une épineuse entreprise, et plus qu’il ne semble, de suivre une allure si vagabonde que celle de notre esprit : de pénétrer les profondeurs opaques de ses replis internes ; de choisir et arrêter tant de menus airs de ses agitations. (De l’Exercitation, II, 6, c)

C’est alors aussi qu’il use du terme d’“échantillons” pour désigner sa technique de montage de “pièces” rapportées :

Semant ici un mot, ici un autre, échantillons dépris de leur pièce, écartés… (De Démocritus et Héraclitus, I, 50, c)

Le livre, donc, se bâtirait spontanément, librement, sur une matière opaque ? Il y a là, n’est-ce pas une impossibilité ? Mais non. C’est dans sa démarche obstinément et loyalement “enquêteuse, non résolutive”, parole de 1592 rajoutée à
Des Boiteux, que l’essai se reconnaît, et reconnaît sa liberté : il est exploration. Il ne peut pas résoudre “l’étrangeté”, mais il sait tenter de l’explorer, de la cerner.
[…]
Donc, à travers les formes, aussi “étranges” et “fantastiques” que des “grotesques”, que sont l’essai et l’autoportrait selon Montaigne, s’accomplit le dessein de l’écrivain : de déchiffrer, à travers sa propre énigme, celle du mystère humain, de pénétrer, d’éclairer, à travers sa propre opacité, l’opacité des vérités humaines. Cette exploration n’est jamais “résolutive”. Elle ne peut pas l’être, se poursuivant dans le discontinu d’un temps libre et ouvert.
 » (4)

Je reviens à présent au chapitre 3 du livre I. Et d’abord à son titre - “Nos affections s’emportent au delà de nous” - que, pour sa part, Lanly traduit assez justement par “Nos désirs [et nos sentiments] s’étendent au-delà de nous” (5). De quoi s’agit-il ? Que vise donc cet emportement, cette extension ? On va voir que, au fil du temps, ce que vise la formule va également s’étendre et s’amplifier.

Si l’on s’en tient au texte publié en 1580, on s’aperçoit qu’il est fort court - autour d’une cinquantaine de lignes selon les publications - et qu’il est essentiellement constitué d’exemples. Si ces exemples étaient négligés, il resterait deux phrases que voici :
« Ces traits se pourroient trouver estranges, s’il n’estoit receu de tout temps, non seulement d’estendre le soing que nous avons de nous au delà cette vie, mais encore de croire que bien souvent les faveurs celestes nous accompaignent au tombeau, et continuent à nos reliques. » (pp. 20-21)
« Les premiers exemples ne reservent au tombeau que la reputation acquise par leurs actions passées ; mais ceux-cy y veulent encore mesler la puissance d’agir. » (p. 21)
Ces deux phrases doivent donc être éclairées par les exemples, lesquels peuvent être synthétisés comme suit :
Du Glesquin (Du Guesclin, 1320-1380) mort, on aurait contraint les vaincus à déposer les clés de leur ville sur son cadavre ; la dépouille du condottiere d’Alviane (Bartolomeo d’Alviano, 1455-1515) aurait traversé le territoire hostile de Vérone sans sauf-conduit, car il aurait été regrettable qu’il semblât craindre ses ennemis ; Édouard Ier d’Angleterre (1239-1307) aurait souhaité que ses ossements soient emportés lors des campagnes à venir contre les Écossais, la victoire dépendant de sa présence ; Bayard (1575 ou 1476-1524) aurait voulu mourir le visage tourné vers l’ennemi ; l’empereur Maximilien (1459-1519) était à ce point pudique qu’il aurait commandé, qu’une fois mort, on lui fît attacher des caleçons par quelqu’un dont les yeux seraient bandés. Les « premiers exemples » évoqués dans la deuxième phrase sont les exemples 1 et 2 ; « ceux-cy » est le 3.

L’idée exposée peut donc être ramenée à un constat assez banal : l’homme - curieusement - se soucie de lui au temps où il sera mort et se prête même des talents qui agissent toujours après son trépas. Ce qui est moins banal, ce sont somme toute les exemples choisis. Peu importe qu’ils soient vraies ou faux : ils témoignent d’une croyance têtue, à ce point têtue qu’elle défie la raison, laquelle nous incite à penser que tout cela est très vain. Selon la portée que l’on accorde à ce constat, il s’agit de marquer l’irréversibilité du passage de la vie à la mort et de l’incommunicabilité qui règne entre vie et mort ou plutôt, d’une façon beaucoup plus radicale, d’oser l’hypothèse de la nihilité de l’homme (6). Les ajouts de 1588 et 1592 vont éclairer la question.

Dans l’édition de 1588, Montaigne a placé en tête du chapitre deux phrases qui vont lui conférer un sens beaucoup plus général :
« Ceux qui accusent les hommes d’aller tousjours béant après les choses futures, et nous apprennent à nous saisir des biens presens et nous rassoir en ceux-là, comme n’ayant aucune prise sur ce qui est à venir, voire assez moins que nous n’avons sur ce qui est passé, touchent la plus commune des humaines erreurs, s’ils osent appeler erreur chose à quoy nature mesme nous achemine, pour le service de la continuation de son ouvrage. » (p. 18)
« Nous ne sommes jamais chez nous, nous sommes toujours au delà. La crainte, le desir, l’eperance nous eslancent vers l’advenir, et nous desrobent le sentiment et la consideration de ce qui est, pour nous amuser à ce qui sera, voire quand nous ne serons plus. » (p. 18)
Et disons-le immédiatement, la première de ces deux phrases sera complétée dans la version de 1592 par ceci :
« …, nous imprimant, comme assez d’autres, cette imagination fausse, plus jalouse de nostre action que de nostre science. » (p.18)

Si l’on circonscrit l’apport nouveau à cette idée que l’homme a tort de tant miser sur le futur et de trop négliger le présent, cela resterait assez banal ; une simple répétition de ce qui fut déjà si souvent souligné, comme avec le carpe diem d’Horace. (7) Mais il y a davantage : « … s’ils osent appeler erreur chose à quoy nature mesme nous achemine, pour le service de la continuation de son ouvrage, nous imprimant, comme assez d’autres, cette imagination fausse, plus jalouse de nostre action que de nostre science ». Voilà qui laisse supposer que Montaigne, lorsqu’il s’interroge sur l’homme, le voit comme guidé par la nature et prête à celle-ci le pouvoir de suivre une voie en laquelle il est plus important que l’homme fasse ce qu’il est conduit à faire plutôt que de savoir ce qu’il fait. Et ce n’est pas seulement vrai pour ce qui est du désir des choses futures, mais également « comme assez d’autres ». C’est que l’homme doit s’admettre « comme n’ayant aucune prise sur ce qui est à venir, voire assez moins que nous n’avons sur ce qui est passé ».

Les autres ajouts de 1588 sont bien davantage conformes à l’idée présentée dans la version de 1580, soit qu’il fournissent de nouveaux exemples , les plus longs étant relatifs aux dispositions prises en vue de ses obsèques, avec, d’abord, un souhait des plus raisonnables, suivi de propos assez énigmatiques :
« Je lairrai purement la coustume ordonner de cette cerimonie ; et m’en remettray à la discretion des premiers à qui je tomberai en charge. » (p. 23)
« Si j’avois à m’en empescher plus avant, je trouverois plus galand d’imiter ceux qui entreprennent, vivans et respirans, jouyr de l’ordre et honneur de leur sepulture, et qui se plaisent de voir en marbre leur morte contenance. Heureux, qui sçachent resjouyr et gratifier leur sens par l’insensibilité, et vivre de leur mort. » (p. 23)
J’incline à croire qu’il s’agit d’envier ceux qu’apaise le projet d’une sépulture en laquelle ils se voient heureux de l’insensibilité qu’elle promet. (8)

Qu’en est-il des derniers ajouts dits de 1592 ? (9) Les phrases par lesquelles Montaigne va clore alors le chapitre laissent percer la colère qu’il nourrit à l’égard des Athéniens qui condamnèrent ces dix généraux qui avaient négligé de ramener les corps des hommes morts lors de la bataille des Arginuses (10) :
« A peu que je n’entre en haine irreconciliable contre toute domination populaire, quoy qu’elle me semble la plus naturelle et la plus equitable, quand il me souvient de cette inhumaine injustice du peuple Athenien, de faire mourir sans remission et sans les vouloir seulement ouïr en leurs defences ses braves capitaines, venans de gaigner contre les Lacedemoniens la bataille navale près des isles Arginuses, la plus contestée, la plus forte bataille que les Grecs aient oncques donnée en mer de leurs forces, par ce qu’après la victoire ils avoient suivy les occasions que la loy de la guerre leur presentoit, plustost que de s’arrester à recueillir et inhumer leurs morts. » (pp. 23-24)
« A peu » qu’il « n’entre en haine » contre la démocratie (11) : « à peu », mais pas quand même, car elle lui semble « la plus naturelle et la plus équitable » des dominations. (12)

Et lorsque, après avoir tant et tant insisté sur l’inutilité d’épiloguer sur ce qu’il advient de nous après la mort - « Quaeris quo jaceas post obitum coco ? Quo non nota jacent (“Tu cherches à savoir où tu seras après la mort ? Là où sont les êtres qui ne sont pas encore nés”, Sénèque, Les Troyennes, II, 30) -, Montaigne évoque cet « autre [poète qui] redonne le sentiment du repos a un corps sans ame ». Et d’ajouter :
« Tout ainsi que nature nous faict voir que plusieurs choses mortes ont encore des relations occultes à la vie. Le vin s’altère aux caves, selon aucunes mutations des saisons de sa vigne. Et la chair de venaison change d’estat aux saloirs et de goust, selon les lois de la chair vive, à ce qu’on dit. » (p.24) Car il serait encore illusoire de s’accrocher à des certitudes.

Ce qui frappe dans le texte complet qui constitue finalement le chapitre III du livre I (13), c’est l’espèce d’évidence avec laquelle Montaigne balaie quelque illusion que ce soit relative au futur, et plus spécialement à l’état de l’homme mort. Aucune allusion à une vie au-delà, à une quelconque survivance de l’esprit, et moins encore à Dieu. Non qu’il affirme mordicus le néant auquel il serait promis, mais simplement que cela lui paraît le plus vraisemblable.

Alors, qu’en était-il de sa religion, de la religion de Montaigne le catholique ? On sait combien lui paraissent vaines toutes les tentatives de prouver Dieu rationnellement. Il n’est que de lire le très célèbre chapitre XII du livre II - “Apologie de Raymond Sebond” (pp. 415-589) - pour s’en convaincre. Et la religion y est quelquefois comprise comme une simple coutume :
« […] nous ne recevons nostre religion qu’à nostre façon et par nos mains, et non autrement que comme les autres religions se reçoyvent. Nous nous sommes rencontrez au païs où elle estoit en usage ; ou nous regardons son ancienneté ou l’authorité des hommes qui l’ont maintenue ; ou creignons les menaces qu’ell’attache aux mescreans ; ou suivons ses promesses. Ces considérations là doivent estre employées à notre creance, mais comme subdisaires : ce sont liaisons humaines. Une autre religion, d’autres tesmoings, pareilles promesses et menasses nous pourroyent imprimer par mesme voye une croyance contraire.
Nous sommes Chrestiens à mesme titre que nous sommes ou Périgordins ou Alemans.
 » (p. 422)
Mais il serait hasardeux de prétendre que l’on sait ce qu’il en était de sa conviction la plus profonde, d’autant que ce qu’il dit des croyances peut tout aussi bien s’appliquer à ceux dont celle-ci les conduit à la certitude que Dieu n’existe pas. Il faut sans doute se contenter de constater que toutes les questions métaphysiques qu’il aborde le trouvent incertain et circonspect, sans que jamais il ne justifie foi et pratique religieuse autrement que par ce qu’il y a de raisonnable à ne pas trop vouloir les troubler. Reste que c’est dès 1580 qu’il publie cette phrase :
« Nous n’avons aucune communication à l’estre, par ce que toute humaine nature est toujours au milieu entre le naistre et le mourir, ne baillant de soi qu’une obscure apparence et ombre, et une incertaine et debile opinion. » (p. 586)
Et c’est dans la dernière édition que l’on trouve cette phrase-ci :
« Pendant que nous nous remuons, nous nous portons par preoccupation où il nous plaist : mais restant hors de l’estre, nous n’avons aucune communication avec ce qui est. » (p. 20)

(1) Montaigne, “Nos affections s’emportent au delà de nous” in Œuvres complètes, textes établis par Albert Thibaudet et Maurice Rat, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1962, pp. 18-24. J’ai utilisé l’édition de Thibaudet et Rat qui indique la date des ajouts, comme le fit notamment avant eux Pierre Villey.
(2) Géralde Nakam, Le dernier Montaigne, Honoré Champion, 2002, p. 32.
(3) Montaigne, “De la vanité” in Œuvres complètes, textes établis par Albert Thibaudet et Maurice Rat, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1962, pp. 941-942.
(4) Géralde Nakam, Op. cit., pp. 260-261.
(5) Montaigne, Les Essais, adaptation en français moderne par André Lanly, Gallimard, Quarto, 2009, p. 21.
(6) Montaigne use de ce mot à la fin du chapitre 6 du livre II (« […] et, au bout, la nihilité de l’humaine condition » ; p. 360). Géralde Nakam le cite lorsqu’elle parle du chapitre III du livre I (Op. cit., p. 24) et encore lorsqu’elle conclut son livre (Op. cit., p. 284).
(7) Cf. sur le même thème, très certainement inspiré par la lecture de Montaigne, Pascal, Pensées, Lafuma 47, Seuil, 1962, p. 47-48.
(8) Il me semble que la traduction de Lanly déforme le propos, ou en tout cas n’est pas moins énigmatique. (Montaigne, Les Essais, adaptation en français moderne par André Lanly, op. cit., p. 27)
(9) Ces ajouts sont habituellement liés à l’année 1592 parce que les derniers allongeails furent écrits au cours des derniers mois de vie de Montaigne. En fait ils furent rédigés entre 1588 et 1592, figurent sur ce qu’on appelle l’exemplaire de Bordeaux et ont été publiés par Marie de Gournay en 1595.
(10) C’est cette bataille et cette condamnation qu’évoque Socrate lors de sa défense devant l’Héliée, telle que la rapporte “L’apologie” rédigée par Platon (cf. Platon, Œuvres complètes I, trad. par Léon Robin, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1950, p. 169).
(11) Lanly traduit domination populaire par démocratie, ce qui est sans doute assez pertinent s’il s’agit de bien comprendre à quoi Montaigne s’en prend. Mais on y perd ce que le terme de domination suggère, à savoir la façon dont ces démocrates ont condamné les généraux des Arginuses, comme ils ont condamné Socrate. Le plus déterminé des accusateurs de Socrate n’était autre qu’Anytos, compagnon de Thrasybule lors de la bataille du Pirée.
(12) Il y aurait beaucoup à dire et surtout bien des choses à rechercher au sujet de l’attitude de Montaigne à l’égard des divers régimes politiques.
(13) J’ai négligé d’évoquer quelques ajouts de 1592 pour ne pas allonger exagérément la présente note. Dans l’un, il cite Platon pour pouvoir insister sur la complémentarité des préceptes qui suggèrent de se connaître, d’une part, et de se vouer à ce qui nous concerne personnellement, d’autre part. Dans un autre, il se plaît à distinguer le rôle exemplaire que jouent rois et princes des conditions quelquefois « tyrannique(s) et abjecte(s) » dans lesquelles ils exercent leurs fonctions. Dans d’autres encore, il revient, par préceptes et exemples, sur ce que seules de modestes funérailles peuvent concilier les devoirs que les coutumes imposent aux vivants en vue de leur propre consolation et les contraintes de la nature qui commandent d’accepter que rien ne subsiste au-delà de la mort.


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