vendredi 8 avril 2011

Note de lecture : Buffon

Le chapitre "Premier discours. De la manière d’étudier et de traiter l’histoire naturelle" de Histoire naturelle
de Buffon


La science est en crise. Elle le fut depuis le début du XVIIe siècle, me dira-t-on. Oui, assurément. Mais cet état de crise permanent ne doit pas occulter les variations considérables qui en ont affecté les manifestations. Et une des principales caractéristiques de la crise actuelle est qu’elle méconnaît l’histoire des crises qui l’ont précédée. Voilà pourquoi il me paraît très utile de se replonger dans les débats dont la science fut l’objet au cours des siècles passés.

À titre d’exemple, je voudrais évoquer un instant le « Premier discours » qui ouvre l’Histoire naturelle de Buffon (1). Il n’y a pas lieu d’espérer y trouver de quoi résoudre les problèmes auxquels la science contemporaine est confrontée. D’autant plus que ces problèmes sont multiples et varient fortement selon les disciplines, entre dures et molles bien sûr – comme on a coutume de dire –, mais aussi entre la physique et les mathématiques, comme entre la sociologie et l’histoire, par exemple. Mais se replonger dans Buffon, c’est retrouver une forme d’enthousiasme envers la connaissance que nos sociétés techniciennes ont perdue. Ce sur quoi j’en espère un effet, c’est ce relativisme intégral qui assimile la science à une croyance et que l’on doit probablement à une conjonction entre une philosophie déconstructionniste (Heidegger et Derrida, mais aussi Foucault (2)) et des croyances religieuses cédant à la relativisation des pouvoirs divins et des certitudes doctrinales (le catholicisme européen).

Que toute méthode soit impure, cela ne fait aucun doute ; mais l’absence de méthode est stérile. Et il est parfois bien utile de retourner aux considérations que nos prédécesseurs émirent à ce sujet, à des époques où les choses étaient perçues de façon bien différente, somme toute étrange à nos yeux.

Le « Premier discours », dont le sous-titre est « De la manière d’étudier et de traiter l’histoire naturelle » se présente comme une introduction méthodologique à l’histoire naturelle (3) proprement dite. Le propos se veut anti-cartésien, ce qui participe d’une tendance propre à l’époque de sa rédaction. Ainsi, dans le sous-titre, parler de la manière d’étudier n’a sans doute d’autre but que d’éviter le mot méthode, trop cartésien (4). Mais ce « Premier discours » est également dirigé contre Linné, à qui Buffon reproche, souvent injustement (5), sa rage classificatoire. Le succès de la nomenclature binominale de Linné doit beaucoup à ses vertus pratiques, principalement quant à la compréhension entre savants parlant des langues diverses ; il n’invalide pas tous les reproches que Buffon lui adresse.

Mais allons d’emblée à la conclusion du discours :

« C’est ici le point le plus délicat et le plus important de l’étude des sciences : savoir bien distinguer ce qu’il y a de réel dans un sujet, de ce que nous y mettons d’arbitraire en le considérant, reconnaître clairement les propriétés qui lui appartiennent et celles que nous lui prêtons, me paraît être le fondement de la vraie méthode de conduire son esprit dans les sciences ; et si on ne perdait jamais de vue ce principe, on ne ferait pas une fausse démarche, on éviterait de tomber dans ces erreurs savantes qu’on reçoit souvent comme des vérités, on verrait disparaître les paradoxes, les questions insolubles des sciences abstraites, on reconnaîtrait les préjugés et les incertitudes que nous portons nous-mêmes dans les sciences réelles, on viendrait alors à s’entendre sur la métaphysique des sciences, on cesserait de disputer, et on réunirait pour marcher dans la même route à la suite de l’expérience, et arriver enfin à la connaissance de toutes les vérités qui sont du ressort de l’esprit humain.
Lorsque les sujets sont trop compliqués pour qu’on puisse y appliquer avec avantage le calcul et les mesures, comme le sont presque tous ceux de l’Histoire naturelle et de conduire son esprit dans ces recherches, c’est d’avoir recours aux observations, de les rassembler, d’en faire de nouvelles, et en assez grand nombre pour nous assurer de la vérité des faits principaux, et de n’employer la méthode mathématique que pour estimer les probabilités des conséquences qu’on peut tirer de ces faits ; surtout il faut tâcher de les généraliser et de bien distinguer ceux qui sont essentiels de ceux qui ne sont qu’accessoires au sujet que nous considérons ; il faut ensuite les lier ensemble par les analogies, confirmer ou détruire certains points équivoques, par le moyen des expériences, former son plan d’explication sur la combinaison de tous ces rapports, et les présenter dans l’ordre le plus naturel. Cet ordre peut se prendre de deux façons, la première est de remonter des effets particuliers à des effets plus généraux, et l’autre de descendre du général au particulier : toutes deux sont bonnes, et le choix de l’une ou de l’autre dépend plutôt du génie de l’auteur que de la nature des choses, qui toutes peuvent être également bien traitées par l’une ou l’autre de ces manières. Nous allons donner des essais de cette méthode dans les discours suivants, de la THÉORIE DE LA TERRE, de la FORMATION DES PLANÈTES, et de la GÉNÈRATION DES ANIMAUX.
» (pp. 65-66)

C’est incontestablement Descartes qui est visé. La « vraie méthode », c’est celle qui s’oppose à la fausse, celle de Descartes, celle qui consiste à « prêter » au sujet « ce que nous y mettons ». L’expérience a ici toute sa place, mais surtout l’observation, toujours et surtout l’observation. Et dès que les sujets se révèlent inadaptés aux mathématiques – ce qui est le plus souvent le cas –, il faut renoncer à celles-ci. Enfin, il faut généraliser, mais de façon précautionneuse, en usant tantôt de l’induction, tantôt de la déduction. Et la rage anti-cartésienne (6) va jusqu’à mimer l’adversaire : les trois essais de cette méthode annoncés rappellent évidemment les trois essais de cette méthode que sont La dioptrique, Les météores et La géométrie qui suivent le Discours de la méthode (7).

Autant que la manière d’étudier que Buffon défend, c’est l’argumentation dont il use qui mérite de retenir l’attention, et cela dans une langue incomparable. En voici un bref aperçu qui porte notamment sur l’initiation des jeunes à la science :

« On doit donc commencer par voir beaucoup et revoir souvent ; quelque nécessaire que l’attention soit à tout, ici on peut s’en dispenser d’abord : je veux parler de cette attention scrupuleuse, toujours utile lorsqu’on sait beaucoup, et souvent nuisible à ceux qui commencent à s’instruire. L’essentiel est de leur meubler la tête d’idées et de faits, de les empêcher, s’il est possible, d’en tirer trop tôt des raisonnements et des rapports ; car il arrive toujours que par l’ignorance de certains faits, et par la trop petite quantité d’idées, ils épuisent leur esprit en fausses combinaisons, et se chargent la mémoire de conséquences vagues et de résultats contraires à la vérité, lesquels forment dans la suite des préjugés qui s’effacent difficilement.
C’est pour cela que j’ai dit qu’il fallait commencer par voir beaucoup ; il faut aussi voir presque sans dessein, parce que si vous avez résolu de ne considérer les choses que dans une certaine vue, dans un certain ordre, dans un certain système, eussiez-vous pris le meilleur chemin, vous n’arriverez jamais à la même étendue de connaissances à laquelle vous pourrez prétendre, si vous laissez dans les commencements votre esprit marcher de lui-même, se reconnaître, s’assurer sans secours, et former seul la première chaîne qui représente l’ordre de ses idées
Ceci est vrai sans exception, pour toutes les personnes dont l’esprit est fait et le raisonnement formé ; les jeunes gens au contraire doivent être guidés plus tôt et conseillés à propos, il faut même les encourager par ce qu’il y a de plus piquant dans la science, en leur faisant remarquer les choses les plus singulières, mais sans leur en donner d’explications précises ; le mystère à cet âge excite la curiosité, au lieu que dans l’âge mûr il n’inspire que le dégoût ; les enfants se lassent aisément des choses qu’ils ont déjà vues, ils revoient avec indifférence, à moins qu’on ne leur présente les mêmes objets sous d’autres points de vue ; et au lieu de leur répéter simplement ce qu’on leur a déjà dit, il vaut mieux y ajouter des circonstances, même étrangères ou inutiles ; on perd moins à les tromper qu’à les dégoûter.
Lorsque après avoir vu et revu plusieurs fois les choses, ils commenceront à se les représenter en gros, que d’eux-mêmes ils se feront des divisions, qu’ils commenceront à apercevoir des distinctions générales, le goût de la science pourra naître, et il faudra l’aider. Ce goût si nécessaire à tout, mais en même temps si rare, ne se donne point par les préceptes ; en vain l’éducation voudrait y suppléer, en vain les pères contraignent-ils leurs enfants, ils ne les amèneront jamais qu’à ce point commun à tous les hommes, à ce degré d’intelligence et de mémoire qui suffit à la société ou aux affaires ordinaires ; mais c’est à la Nature à qui on doit cette première étincelle de génie, ce germe de goût dont nous parlons, qui se développe ensuite plus ou moins, suivant les différentes circonstances et les différents objets.
» (pp. 31-32)

Qui pourrait prétendre qu’il n’y a pas là quelque chose dont une certaine pédagogie contemporaine pourrait faire son profit ?

Mais ceci est peu de choses, par rapport au souci de Buffon d’indiquer comment s’y prendre pour étudier la nature.

« […] revenons à notre objet principal, à la manière de l’étudier [l’Histoire naturelle] et de la traiter. La description exacte et l’histoire fidèle de chaque chose est, comme nous l’avons dit, le seul but qu’on doive se proposer d’abord. Dans la description l’on doit entrer la forme, la grandeur, le poids, les couleurs, les situations de repos et de mouvements, la position des parties, leurs rapports, leur figure, leur action et toutes le fonctions extérieures ; si l’on peut joindre à tout cela l’exposition des parties intérieures, la description n’en sera que plus complète ; seulement on doit prendre garde de tomber dans de trop petits détails, ou de s’appesantir sur la description de quelque partie peu importante, et de traiter trop légèrement les choses essentielles et principales. L’histoire doit suivre la description, et doit uniquement rouler sur les rapports que les choses naturelles ont entre elles et avec nous : l’histoire d’un animal doit être non pas l’histoire de l’individu, mais celle de l’espèce entière de ces animaux ; elle doit comprendre leur génération, le temps de la prégnation, celui de l’accouchement, le nombre des petits, les soins des pères et des mères, leur espèce d’éducation, leur instinct, les lieux de leur habitation, leur nourriture, la manière dont ils se la procurent, leurs mœurs, leurs ruses, leur chasse, ensuite les services qu’ils peuvent nous rendre, et toutes les utilités ou commodités que nous pouvons en tirer ; et lorsque dans l’intérieur du corps de l’animal il y a des choses remarquables, soit par la conformation, soit par les usages qu’on en peut faire, on doit les ajouter ou à la description ou à l’histoire ; mais ce serait un objet étranger à l’Histoire naturelle que d’entrer dans un examen anatomique trop circonstancié, ou du moins ce n’est pas son objet principal, et il faut réserver ces détails pour servir de mémoire sur l’anatomie comparée. » (pp. 45-46)

Dans cette manière de décrire la démarche scientifique, on trouve bien des choses : le refus du primat cartésien du fondement rationnel, mais aussi l’influence de Newton, comme celle de Locke. Ce qui pourrait nous inciter à voir en Buffon un homme très représentatif de son époque. Mais ce serait aller vite en besogne, car il a sur bien des points des positions assez originales. Ainsi – et on peut s’en étonner –, dans ce qui fut un prolongement de la querelle des Anciens et des Modernes, Buffon prit parti pour les premiers.

« On reproche aux Anciens de n’avoir pas fait des méthodes, et les Modernes se croient fort au-dessus d’eux parce qu’ils ont fait un grand nombre de ces arrangements méthodiques et de ces dictionnaires dont nous venons de parler, ils se sont persuadés que cela seul suffit pour prouver que les Anciens n’avaient pas à beaucoup près autant de connaissances en Histoire naturelle que nous en avons ; cependant c’est tout le contraire, et nous aurons dans la suite de cet ouvrage mille occasions de prouver que les Anciens étaient beaucoup plus avancés et plus instruits que nous le sommes, je ne dis pas en physique, mais dans l’Histoire naturelle des animaux et des minéraux, et que les faits de cette histoire leur étaient bien plus familiers qu’à nous qui aurions dû profiter de leurs découvertes et de leurs remarques. » (pp. 52-53)

Ce qui plaît à Buffon, c’est l’apparent cheminement erratique des auteurs grecs qu’il consulte sur ces questions. L’éloge qu’il fait d’Aristote et de son Histoire des animaux (8) le confirme (cf. p. 55) ; en même temps, il prend ici encore le contre-pied de Descartes. Mais l’éloge va plus loin et débouche sur une forme d’utilitarisme qui ne sera pas absent de sa querelle avec Linné.

« Nous avons dit que l’histoire fidèle et la description exacte de chaque chose étaient les deux seuls objets que l’on devait se proposer d’abord dans l’étude de l’Histoire naturelle. Les Anciens ont bien rempli le premier, et sont peut-être autant au-dessus des Modernes par cette première partie, que ceux-ci sont au-dessus d’eux par la seconde ; car les Anciens ont très bien traité l’historique de la vie et des mœurs des animaux, de la culture et des usages des plantes, des propriétés et de l’emploi des minéraux, et en même temps, ils semblent avoir négligé à dessein la description de chaque chose : ce n’est pas qu’ils ne fussent très capables de la bien faire, mais ils dédaignaient apparemment d’écrire des choses qu’ils regardaient comme inutiles, et cette façon de penser tenait à quelque chose de général et n’était pas aussi déraisonnable qu’on pourrait le croire, et même ils ne pouvaient guère penser autrement. Premièrement ils cherchaient à être courts et à ne mettre dans leurs ouvrages que les faits essentiels et utiles, parce qu’ils n’avaient pas, comme nous, la facilité de multiplier les livres, et de les grossir impunément. En second lieu ils tournaient toutes les sciences du côté de l’utilité, et donnaient beaucoup moins que nous à la vaine curiosité ; tout ce qui n’était pas intéressant pour la société, pour la santé, pour les arts, était négligé, ils rapportaient tout à l’homme moral, et ils ne croyaient pas que les choses qui n’avaient point d’usage, fussent dignes de l’occuper […] » (pp. 57-58)

Laissons de côté la question de la justesse de cette opinion sur les Anciens, après tout bien générale. Lorsque Buffon choisit dans quel ordre il va traiter des animaux, des plantes et des minéraux, il dénonce cette façon faussement rationnelle – qu’il juge arbitraire – qu’ont certains, et particulièrement Linné, de classifier les espèces à partir de certains caractères en en négligeant d’autres. Et il opte alors pour l’utilité, l’utilité pour l’homme :

« Imaginons un homme qui a en effet tout oublié ou qui s’éveille tout neuf pour les objets qui l’environnent, plaçons cet homme dans une campagne où les animaux, les oiseaux, les poissons, les plantes, les pierres se présentent successivement à ses yeux. […] Ensuite mettons-nous à la place de cet homme, ou supposons qu’il ait acquis autant de connaissances, et qu’il ait autant d’expérience que nous en avons, il viendra à juger les objets de l’Histoire naturelle par les rapports qu’ils auront avec lui ; ceux qui lui seront les plus nécessaires, les plus utiles, tiendront le premier rang, par exemple, il donnera la préférence dans l’ordre des animaux au cheval, au chien, au bœuf, etc. et il connaîtra toujours mieux ceux qui lui seront les plus familiers ; ensuite il s’occupera de ceux qui, sans être familiers, ne laissent pas que d’habiter les mêmes lieux, les mêmes climats, comme les cerfs, les lièvres et tous les animaux sauvages, et ce ne sera qu’après toutes ces connaissances acquises que sa curiosité le portera à rechercher ce que peuvent être les animaux des climats étrangers, comme les éléphants, les dromadaires, etc. Il en sera de même pour les poissons, pour les insectes, pour les coquillages, pour les plantes, pour les minéraux, et pour toutes les autres productions de la Nature ; il les étudiera à proportion de l’utilité qu’il en pourra tirer, il les considérera à mesure qu’ils se présenteront plus familièrement, et il les rangera dans sa tête relativement à cet ordre de ses connaissances, parce que c’est en effet l’ordre selon lequel il les a acquises, et selon lequel il lui importe de les conserver.
Cet ordre le plus naturel de tous, est celui que nous avons cru devoir suivre.
» (pp. 47-48)

On sent déjà ici ce qui prépare la position que Buffon adoptera près de vingt ans plus tard, une position qui séparera nettement l’homme de l’animal.

L’objet d’étude de Buffon peut sembler assez innocent. Celui-ci connaîtra pourtant les foudres de la Sorbonne, laquelle censurera des phrases comme celle-ci :
« Il y a plusieurs espèces de vérités, et on a coutume de mettre dans le premier ordre les vérités mathématiques, ce ne sont cependant que des vérités de définition ; ces définitions portent sur des suppositions simples, mais abstraites, et toutes les vérités en ce genre ne sont que des conséquences composées, mais toujours abstraites de ces définitions. » (p. 60)
Ou encore celles-ci où il parle d’évidence et de certitude :
« Le mot de vérité comprend l’une et l’autre et répond par conséquent à deux idées différentes, sa signification est vague et composée, il n’était donc pas possible de la définir généralement, il fallait, comme nous venons de le faire, en distinguer les genres afin de s’en former une idée nette.
Je ne parlerai pas des autres ordres de vérités ; celles de la morale, par exemple, qui sont en partie réelles et en partie arbitraires, demanderaient une longue discussion qui nous éloignerait de notre but, et cela d’autant plus qu’elles n’ont pour objet et pour fin que des convenances et des probabilités.
L’évidence mathématique et la certitude physique sont donc les deux seuls points sous lesquels nous devons considérer la vérité ; dès qu’elle s’éloignera de l’une ou de l’autre, ce n’est plus que vraisemblance et probabilité.
» (p. 61)

En ai-je assez dit pour recommander la lecture de Buffon ? Je le pense. Mais à ceux que le style du XVIIIe siècle captive, je voudrais offrir une des formules dont le Montbardois a le secret. On sait combien il est souvent difficile de résister à une formule comparative lorsque l’on qualifie quelqu’un. Ainsi, s’il s’agit de prétendre que ce quelqu’un est bête, on optera souvent pour une expression du genre : « il est bête comme chou » ou « il est bête comme une oie ». Buffon a trouvé mieux. Parlant des classifications de Linné, il écrit ceci :
« Le quatrième ordre est celui des Jumenta ou bêtes de somme, ces bêtes de somme sont l’éléphant, l’hippopotame, la musaraigne, le cheval et le cochon ; autre assemblage, comme on voit, qui est aussi gratuit et bizarre que si l’auteur eût travaillé dans le dessein de le rendre tel. » (p. 51)
Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites !

(1) Buffon, Œuvres, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 2007, pp. 29-66. La première édition du « Premier discours » est de 1749.
(2) Mon propos n’est pas ici de contester le bien-fondé des tentatives de clarification des présupposés implicites, sinon occultes, qui accompagnent toute démarche scientifique. Mais une déconstruction qui ne s’arrête pas invalide, je crois, ses propres desseins.
(3) Le mot histoire est pris ici dans son sens grec (ιστορια) : recherche, information, résultat d’une information, connaissance.
(4) Cf. la notice de Stéphane Schmitt in Buffon, op. cit., p. 1383.
(5) Ce qui lui vaudra les critiques de Malesherbes. Cf. Observations de Lamoignon-Malesherbes sur l’Histoire naturelle générale et particulière de Buffon et Daubenton, texte disponible sur Internet à l’adresse suivante : http://www.buffon.cnrs.fr/i-corpuspic/tab/extraits/lamoignon-malesherbes/ObservationsLamoignon-Malesherbes.pdf.
(6) Étranger au Premier discours, je ne dirai rien ici du revirement cartésien que Buffon aurait opéré à partir du seizième volume de l’Histoire naturelle, en 1767, et qui l’amène à considérer qu’« il y a une distance infinie entre les facultés de l’homme et celles du plus petit animal, preuve que l’homme est d’une différente nature, que seul il fait une classe à part de laquelle il faut descendre en parcourant un espace infini avant que d’arriver à celle des animaux » (cf. sur la question le chapitre qu’Élisabeth de Fontenay consacre à Buffon dans Le silence des bêtes. La philosophie à l’épreuve de l’animalité, Fayard, 1998, pp. 415-428).
(7) René Descartes, « Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences plus La Dioptrique, Les Météores et La Géométrie qui sont les essais de cette méthode » in Œuvres et Lettres, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, 1953, pp. 125-252.
(8) Aristote, Histoire des animaux, trad.par Jules Barthélemy-Saint Hilaire, 3 tomes, Librairie Hachette et Cie, 1883.

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