mardi 3 novembre 2009

Note spéciale : Claude Lévi-Strauss

Claude Lévi-Strauss est mort

Claude Lévi-Strauss est mort le 30 octobre dernier.

Je ne saurais dire combien je souhaite lui rendre hommage.

Peut-être est-ce le moment de montrer ces instants où il choisit son costume d’académicien. Il y tint des propos qui en étonneront beaucoup. Pourtant, ce qu’il fut s’y trouve un peu résumé. Comment ne pas être réjoui par la tranquillité avec laquelle il exprima le plaisir pour un homme de suivre une tradition et, par là même, de s'habiller comme une femme, alors que c'est l'époque - la première moitié des années 70 - où on est en train de balancer tant de choses, à commencer par le système éducatif...




Autres notes sur Lévi-Strauss :
Claude Lévi-Strauss
Lévi-Strauss, le passage du Nord-Ouest d’Imbert
Le père Noël supplicié
À propos d’une analogie
Claude Lévi-Strauss de Marcel Hénaff
La fin de la suprématie culturelle de l’Occident
...ce que nous apprend la civilisation japonaise
L’autre face de la lune
Trois des Entretiens avec Claude Lévi-Strauss de Georges Charbonnier
Lévi-Strauss de Loyer
De Montaigne à Montaigne
La pensée sauvage
Correspondance 1942 - 1982 avec Jakobson

6 commentaires:

  1. J'aimerais que vous précisiez ce que vous trouvez de réjouissant à ce paradoxe qui consiste à souhaiter suivre une tradition tout en avouant son plaisir de s'habiller en femme, ce qui n'a rien de traditionnel !

    RépondreSupprimer
  2. Que Claude Lévi-Strauss ait été un homme de paradoxes – de paradoxes acceptés et assumés – cela ne fait pas de doute. Et notamment dans le fait que son attachement aux traditions – en tant que ciment du monde social (ce qui le rapproche de Montaigne) – ne l’a jamais empêché de connaître l’engouement pour des nouveautés, que ce soit par exemple Wagner et surtout Stravinski au temps de sa jeunesse, ou encore Max Ernst dans les années 40. Il n’est sans doute pas d’homme sincère qui ne soit contraint d’affronter des contradictions et de renoncer à les résoudre au prix de sa sincérité.

    Cela dit, vous me semblez pousser le repérage des paradoxes un peu loin. Lévi-Strauss n’a pas dit qu’il souhaitait « s’habiller en femme », mais bien « s’habiller comme une femme » ; ce qui n’est pas la même chose. En fait, il voulait dire que, dans notre société, les occasions étaient rares pour les hommes de prendre à s’habiller – notamment d’une façon empreinte de gaité – le même plaisir que celui qu’y prennent les femmes.

    On peut bien sûr s’étonner de ce qu’il ait trouvé en l’Académie française l’occasion de satisfaire un goût de la tradition et du rituel qu’il aurait tout aussi bien pu chercher chez les Gilles de Binche. Et la hauteur intellectuelle de l’institution – assez usurpée – n’explique probablement pas son choix. Ou c’est le ridicule même du monde académicien qui le désignait à ses yeux comme la marque d’une survivance opiniâtre digne d’intérêt, ou c’est son propre orgueil – dont il a toujours admirablement maîtrisé les fortes exigences – qui l’a conduit en ce lieu dont il a été – malgré tout, malgré tout – un des membres les plus assidus.

    Il y a une question dont je ne possède pas la réponse et qu’un ami cher vient de me poser : qui filmait ces scènes d’essayage, dans quel but et à la demande de qui ? Il serait incorrect de supposer qu’il s’agisse d’une réquisition coquette de Lévi-Strauss lui-même. Mais il serait sans doute hardi d’en écarter l’hypothèse, d’autant que les propos qu’il tient oscillent assez curieusement des réactions les plus triviales aux apophtegmes les plus réfléchis. Il est vrai aussi qu’il était souvent porté à pratiquer ce genre d’alternance. Bref, allez savoir !

    Quand on aime un penseur, il est indispensable de l’aborder en s’enjoignant de refuser chez lui ce sur quoi on n’est pas totalement d’accord. Faute de quoi, on devient une sorte de disciple inconscient qui pratique la fides implicita, qui avale tout au motif que c’est lui qui l’a dit. Aimer Lévi-Strauss ne consiste pas à l’approuver en tout. C’est d’autant plus indispensable que l’on le juge malaisé à contredire.

    RépondreSupprimer
  3. Un éclairage tout personnel sur son passage de par notre région, cher Jean:

    http://www.aqui.fr/cultures/claude-levi-strauss-des-landes-aux-restes-du-monde,2713.html

    RépondreSupprimer
  4. J’ignore aussi ce que Lévi-Strauss a ou aurait pensé des combats pour le respect de la nature en pays landais. Je doute cependant qu’il ait pu ranger dans cette catégorie les destructions de villas par des activistes basques.

    L’Aquitaine est effectivement une terre de rencontres et de mélanges. Outre les influences que vous citez, il y eut aussi celle des Anglais, tant aux XIVe et XVe siècles qu’au cours des dernières décennies. C’est aussi une terre privilégiée à bien des égards, et notamment en hommes éminents. Si Lévi-Strauss y débuta sa carrière d’enseignant, Montaigne bien avant lui en fut successivement l’enfant et le démiurge ; et Bourdieu y passa son enfance et en étudia les mœurs. Sans oublier, ce diable de Montesquieu que sa lecture m’a fait prendre en affection.

    Merci de m’avoir guidé vers votre article.

    Cordialement.

    RépondreSupprimer
  5. Deuxième note que je lis et me voilà pris d'une bouffée allergique face aux propos réactionnaires de l'auteur... assez affligeant de se réclamer de Diogène et du traditionnel Lévi-Strauss en même temps... tout ça sent la démarche de distinction bourgeoise, on aime la culture et on la brasse et la mélange pour produire des "opinions" qui n'ont rien de créatives ou de bien piquantes... On a réponse à tout car on maitrise si bien les mots qu'il nous permettent toujours de nous en sortir. Je me demande ce qu'il en est de l'autre côté du blog, dans la vie réelle où l'intellectualisme se confronte à des réalités plus âpres tout de même... Trop souvent utilisé comme mécanisme de défense, illusoire sublimation masquant un narcissisme non contenu, voilà ce que ces belles paroles deviennent lorsque le vécu les invalide... on manque de vécu ici, on manque de silence, on manque de recueillement, on manque d'émerveillement et ce qui pourrait être un formidable voyage dans la pensée, ne se révèle qu'être une croisière polluée à la surface des idées...

    Juste quelques effluves de réactions...

    Bien à vous

    Olmy

    RépondreSupprimer
  6. J’ai pris acte de vos reproches. La façon dont vous les formulez - avec aplomb, sinon avec insolence (avec témérité aussi) - pourrait m’inciter à m’en croire indemne un peu vite. Je vais donc y réfléchir.
    Merci pour votre commentaire.

    RépondreSupprimer