mercredi 5 janvier 2011

Note de lecture : Michel Foucault et Pierre Bourdieu

L’ordre du discours
de Michel Foucault
et La leçon sur la leçon
de Pierre Bourdieu


Pourquoi cette envie de risquer une comparaison entre Foucault et Bourdieu ? (1) C’est en lisant le livre de Judith Revel, Foucault, une pensée du discontinu (2) que j’ai éprouvé le besoin de me replonger dans L’ordre du discours de Foucault (3), ce qui m’a très vite conduit à l’idée d’un parallèle avec la Leçon sur la leçon de Bourdieu (4). Je ne peux mieux illustrer cette idée d’une comparaison possible qu’en donnant à lire les premières minutes de ces deux leçons inaugurales au Collège de France.

L’ordre du discours d’abord, prononcé le 2 décembre 1970 :
« Dans le discours qu’aujourd’hui je dois tenir, et dans ceux qu’il me faudra tenir ici, pendant des années peut-être, j’aurais voulu pouvoir me glisser subrepticement. Plutôt que de prendre la parole, j’aurais voulu être enveloppé par elle, et porté bien au-delà de tout commencement possible. J’aurais aimé m’apercevoir qu’au moment de parler une voix sans nom me précédait depuis longtemps : il m’aurait suffi alors d’enchaîner, de poursuivre la phrase, de me loger, sans qu’on y prenne bien garde, dans ses interstices, comme si elle m’avait fait signe en se tenant, un instant, en suspens. De commencement, il n’y en aurait donc pas ; et au lieu d’être celui dont vient le discours, je serais plutôt au hasard de son déroulement, une mince lacune, le point de sa disparition possible.
J’aurais aimé qu’il y ait derrière moi (ayant pris depuis bien longtemps la parole, doublant à l’avance tout ce que je vais dire) une voix qui parlerait ainsi : "Il faut continuer, je ne peux pas continuer, il faut continuer, il faut dire des mots tant qu’il y en a, il faut les dire jusqu’à ce qu’ils me trouvent, jusqu’à ce qu’ils me disent – étrange peine, étrange faute, il faut continuer, c’est peut-être déjà fait, ils m’ont peut-être déjà dit, ils m’ont peut-être porté jusqu’au seuil de mon histoire, devant la porte qui s’ouvre sur mon histoire, ça m’étonnerait si elle s’ouvre."
Il y a chez beaucoup, je pense, un pareil désir de n’avoir pas à commencer, un pareil désir de se retrouver, d’entrée de jeu, de l’autre côté du discours, sans avoir eu à considérer de l’extérieur ce qu’il pouvait avoir de singulier, de redoutable, de maléfique peut-être. À ce vœu si commun, l’institution répond sur le mode ironique, puisqu’elle rend les commencements solennels, puisqu’elle les entoure d’un cercle d’attention et de silence, et qu’elle leur impose, comme pour les signaler de plus loin, des formes ritualisées.
Le désir dit : "Je ne voudrais pas avoir à entrer moi-même dans cet ordre hasardeux du discours ; je ne voudrais pas avoir affaire à lui dans ce qu’il a de tranchant et de décisif ; je voudrais qu’il soit tout autour de moi comme une transparence calme, profonde, indéfiniment ouverte, où les autres répondraient à mon attente, et d’où les vérités, une à une, se lèveraient ; je n’aurais qu’à me laisser porter, en lui et par lui, comme une épave heureuse." Et l’institution répond : "Tu n’as pas à craindre de commencer ; nous sommes tous là pour te montrer que le discours est dans l’ordre des lois ; qu’on veille depuis longtemps sur son apparition ; qu’une place lui a été faite, qui l’honore mais le désarme ; et que, s’il lui arrive d’avoir quelque pouvoir, c’est bien de nous, et de nous seulement, qu’il le tient."
Mais peut-être cette institution et ce désir ne sont-ils pas autre chose que deux répliques opposées à une même inquiétude : inquiétude à l’égard de ce qu’est le discours dans sa réalité matérielle de chose prononcée ou écrite ; inquiétude à l’égard de cette existence transitoire vouée à s’effacer sans doute, mais selon une durée qui ne nous appartient pas ; inquiétude à sentir sous cette activité, pourtant quotidienne et grise, des pouvoirs et des dangers qu’on imagine mal ; inquiétude à soupçonner des luttes, des victoires, des blessures, des dominations, des servitudes, à travers tant de mots dont l’usage depuis si longtemps a réduit les aspérités.
» (MF, pp. 7-10)

La Leçon sur la leçon ensuite, prononcée le 23 avril 1982 :
« On devrait pouvoir prononcer une leçon, même inaugurale, sans se demander de quel droit : l’institution est là pour écarter cette interrogation, et l’angoisse liée à l’arbitraire qui se rappelle dans les commencements. Rite d’agrégation et d’investiture, la leçon inaugurale, inceptio, réalise symboliquement l’acte de délégation au terme duquel le nouveau maître est autorisé à parler avec autorité et qui institue sa parole en discours légitime, prononcé par qui de droit. L’efficacité proprement magique du rituel repose sur l’échange silencieux et invisible entre le nouvel entrant, qui offre publiquement sa parole, et les savants réunis qui attestent par leur présence en corps que cette parole, d’être ainsi reçue par les maîtres les plus éminents, devient universellement recevable, c’est-à-dire, au sens fort, magistrale. Mais mieux vaut éviter de pousser trop loin le jeu de la leçon inaugurale sur la leçon inaugurale : la sociologie, science de l’institution et du rapport, heureux ou malheureux à l’institution, suppose et produit une distance insurmontable, et parfois insupportable, et pas seulement pour l’institution ; elle arrache à l’état d’innocence qui permet de remplir avec bonheur les attentes de l’institution.
Parabole ou paradigme, la leçon sur la leçon, discours qui se réfléchit lui-même dans l’acte du discours, aurait au moins pour vertu de rappeler une des propriétés les plus fondamentales de la sociologie telle que je la conçois : toutes les propositions que cette science énonce peuvent et doivent s’appliquer au sujet qui fait la science. C’est lorsqu’il ne sait pas introduire cette distance objectivante, donc critique, que le sociologue donne raison à ceux qui voient en lui une sorte d’inquisiteur terroriste, disponible pour toutes les actions de police symbolique. On n’entre pas en sociologie sans déchirer les adhérences et les adhésions par lesquelles on tient d’ordinaire à des groupes, sans abjurer les croyances qui sont constitutives de l’appartenance et renier tout lien d’affiliation ou de filiation. Ainsi, le sociologue issu de ce qu’on appelle le peuple et parvenu à ce que l’on appelle l’élite ne peut accéder à la lucidité spéciale qui est associée à toute espèce de dépaysement social qu’à condition de dénoncer et la représentation populiste du peuple, qui ne trompe que ses auteurs, et la représentation élitiste des élites, bien faite pour tromper à la fois ceux qui en sont et ceux qui n’en sont pas.
Tenir l’insertion sociale du savant pour un obstacle insurmontable à la construction d’une sociologie scientifique, c’est oublier que le sociologue trouve des armes contre les déterminismes sociaux dans la science même qui les porte au jour, donc à sa conscience. La sociologie de la sociologie, qui permet de mobiliser contre la science se faisant les acquis de la science déjà faite, est un instrument indispensable de la méthode sociologique : on fait de la science – et surtout de la sociologie – contre sa formation autant qu’avec sa formation. Et seule l’histoire peut nous débarrasser de l’histoire. C’est ainsi que l’histoire sociale de la science sociale, à condition qu’elle se conçoive aussi comme une science de l’inconscient, dans la grande tradition d’épistémologie historique illustrée par Georges Canguilhem et Michel Foucault, est un des moyens les plus puissants pour s’arracher à l’histoire, c’est-à-dire à l’emprise d’un passé incorporé qui se survit dans le présent ou d’un présent qui, comme celui des modes intellectuelles, est déjà passé au moment de son apparition. Si la sociologie du système d’enseignement et du monde intellectuel me paraît primordiale, c’est qu’elle contribue aussi à la connaissance du sujet de connaissance en introduisant, plus directement que toutes les analyses réflexives, aux catégories de pensée impensées qui délimitent le pensable et prédéterminent le pensé : qu’il suffise d’évoquer l’univers de présupposés, de censures et de lacunes que toute éducation réussie fait accepter et ignorer, traçant le cercle magique de la suffisance démunie où les écoles d’élite enferment leurs élus.
» (PB, pp. 7-10)

En lisant d’une seule traite ces deux commencements de leçon, deux choses frappent de prime abord, me semble-t-il. En premier lieu, Foucault et Bourdieu mettent également en cause le contexte dans lequel ils sont amenés à parler, le premier en prêtant à l’assemblée de ses nouveaux pairs une forme de mise en demeure de commencer ce qu’il voudrait n’avoir pas à commencer, le second en les désignant comme les premiers complices d’une légitimation de l’arbitraire. Ainsi, pour l’un comme pour l’autre, la parole du récipiendaire est canalisée et il ne trouve leur liberté que dans la dénonciation de cette canalisation. Ce qui pourrait témoigner de ce que Foucault appellerait une même épistémè et Bourdieu une même idéologie. En second lieu, le style, le ton et même l’esprit qui les animent l’un et l’autre sont bien différents. Foucault soigne la forme pour exprimer quelque chose qui est fort proche de l’indicible, là où Bourdieu insiste d’emblée sur les vertus heuristiques d’une certaine forme de sociologie.

À partir de ce constat, sans prendre la peine d’une analyse en profondeur des deux œuvres – ce qui serait sans nul doute opportun –, je voudrais me risquer à indiquer très brièvement une voie sur laquelle pareille analyse pourrait peut-être s’engager.

Une des plus importantes choses qui sépare Foucault et Bourdieu, c’est leur rapport respectif à la science. Pour le premier, il y a quelque chose de désespéré dans la quête de la vérité ; pour le second, celle-ci réclame une méthode et un combat.

Repartons d’un passage de L’ordre du discours. Foucault y passe en revue tout ce qui selon lui contraint le discours, le limite. Et il évoque les disciplines, autrement dit les domaines entre lesquelles les sciences et les savoirs se répartissent. Et il dit :
« Il faudrait aussi reconnaître dans ce qu’on appelle non pas les sciences, mais les "disciplines", un autre principe de limitation. Principe lui aussi relatif et mobile. Principe qui permet de construire, mais selon un jeu étroit.
L’organisation des disciplines s’oppose aussi bien au principe du commentaire qu’à celui de l’auteur. À celui de l’auteur, puisqu’une discipline se définit par un domaine d’objets, un ensemble de méthodes, un corpus de propositions considérées comme vraies, un jeu de règles et de définitions, de techniques et d’instruments : tout ceci constitue une sorte de système anonyme à la disposition de qui veut ou qui peut s’en servir, sans que son sens ou sa validité soient lié à celui qui s’est trouvé en être l’inventeur. Mais le principe de la discipline s’oppose aussi à celui du commentaire : dans une discipline, à la différence du commentaire, ce qui est supposé au départ, ce n’est pas un sens qui doit être redécouvert, ni une identité qui doit être répétée ; c’est ce qui est requis pour la construction de nouveaux énoncés. Pour qu’il y ait discipline, il faut donc qu’il y ait possibilité de formuler, et de formuler indéfiniment, des propositions nouvelles.
Mais il y a plus ; et il y a plus, sans doute, pour qu’il y ait moins : une discipline, ce n’est pas la somme de tout ce qui peut être dit de vrai à propos de quelque chose ; ce n’est même pas l’ensemble de tout ce qui peut être, à propos d’une même donnée, accepté en vertu d’un principe de cohérence ou de systématicité. La médecine n’est pas constituée du total de ce qu’on peut dire de vrai sur la maladie ; la botanique ne peut être définie par la somme de toutes les vérités qui concernent les plantes. Il y a à cela deux raisons : d’abord la botanique ou la médecine, comme toute autre discipline, sont faites d’erreurs comme de vérités, erreurs qui ne sont pas des résidus ou des corps étrangers, mais qui ont des fonctions positives, une efficace historique, un rôle souvent indissociable de celui des vérités. Mais en outre pour qu’une proposition appartienne à la botanique ou à la pathologie, il faut qu’elle réponde à des conditions, en un sens plus strictes et plus complexes que la pure et simple vérité : en tout cas, à des conditions autres.
» (MF, pp. 31-33)

Comprenons bien ce que Foucault énonce : le principe du commentaire et le principe de l’auteur limitent déjà le discours ; le principe des disciplines, tout en s’opposant à ceux-ci, accroît néanmoins la limitation. Oserais-je dire que cela me paraît à la fois intelligent et naïf ? Intelligent, parce que de nature à désigner certaines des déterminations méconnues qui forgent le discours à l’insu du locuteur ; naïf, parce que cela est avancé à travers un discours qui est lui-même passible de ce qu’il énonce et qui, transgressant les barrières disciplinaires, oscille entre la philosophie, la sociologie et l’histoire.

En quoi est naïve cette indécision disciplinaire ? « À l’intérieur de ses limites, chaque discipline reconnaît des propositions vraies et fausses ; mais elle repousse, de l’autre côté de ses marges, toute une tératologie du savoir » (MF, p. 35), nous dit Foucault. C’est là, dans cette évocation d’une tératologie du savoir – dont on doit bien constater qu’il déplore son rejet – que transparaît cette naïveté. J’incline à croire que la façon dont Foucault succombe si volontiers à la tentation d’un radicalisme hyperbolique – pour reprendre une expression de Bourdieu (5) – doit quelque chose à son refus de rester dans les limites d’une discipline.

On pourrait faire un constat du même genre à propos de la façon dont il parle, dans cette même leçon, de l’éducation: « Tout système d’éducation est une manière politique de maintenir ou de modifier l’appropriation des discours, avec les savoirs et les pouvoirs qu’ils emportent avec eux. » (MF, p. 46) N’y a-t-il pas dans la forme dont il use ici une concession à cette rhétorique du complot qui est l’apanage du discours commun ? Et le cadre disciplinaire – celui de la sociologie en l’occurrence – n’est-il pas aussi, tout chargé qu’il soit de propositions vraies et fausses, le lieu d’une vigilance spécifique qui peut contribuer à mieux distinguer le vrai du faux ? Bourdieu et Passeron avaient analysé, six ans plus tôt (6), les fonctions clandestines de l’école et je suis porté à penser que la qualité de leur analyse devait beaucoup à la rigueur disciplinaire à laquelle ils s’étaient pliés (7). Si l’enjeu est de clarifier les choses, alors la méthode importe beaucoup. Et si elle doit évidemment faire l’objet d’un réexamen permanent en vue d’en déceler tous les biais – et ils sont nombreux –, c’est pourtant dans l’antre de la discipline (avec ce qu’elle peut soulever de biais spécifiques à l’égard desquels une vigilance spécifique doit s’exercer) qu’elle rencontre ses plus grandes chances d’être adaptées à l’objet étudié. En fait de méthode, Foucault nous propose des principes (discontinuité, spécificité, extériorité,… (cf. MF, pp. 54-56)) qui sont certes utiles à la réflexion philosophique, mais probablement insuffisants, sinon contre-productifs, pour la recherche sociologique ou historique.

Tournons-nous un instant vers Bourdieu :
« Bien qu’elle doive refuser, pour se constituer, toutes les formes du biologisme qui tend toujours à naturaliser les différences sociales en les réduisant à des invariants anthropologiques, la sociologie ne peut comprendre le jeu social dans ce qu’il a de plus essentiel qu’à la condition de prendre en compte certaines des caractéristiques universelles de l’existence corporelle, comme le fait d’exister à l’état d’individu biologique séparé, où d’être cantonné dans un lieu et un moment, ou encore le fait d’être et de se savoir destiné à la mort, autant de propriétés plus que scientifiquement attestées qui n’entrent jamais dans l’axiomatique de l’anthropologie positiviste. Voué à la mort, cette fin qui ne peut être prise pour fin, l’homme est un être sans raison d’être. C’est la société, et elle seule, qui dispense, à des degrés différents, les justifications et les raisons d’exister ; c’est elle qui, en produisant les affaires ou les positions que l’on dit "importantes", produit les actes et les agents que l’on juge "importants", pour eux-mêmes et pour les autres, personnages objectivement et subjectivement assurés de leur valeur et ainsi arrachés à l’indifférence et à l’insignifiance. Il y a, quoi qu’en dise Marx, une philosophie de la misère qui est plus proche de la désolation des vieillards clochardisés et dérisoires de Beckett que de l’optimisme volontariste traditionnellement associé à la pensée progressiste. Misère de l’homme sans Dieu, disait Pascal. Misère de l’homme sans mission ni consécration sociale. En effet, sans aller jusqu’à dire, avec Durkheim, "la société, c’est Dieu", je dirais : Dieu, ce n’est jamais que la société. Ce que l’on attend de Dieu, on ne l’obtient jamais que de la société qui seule a le pouvoir de consacrer, d’arracher à la facticité, à la contingence, à l’absurdité ; mais – et c’est là sans doute l’antinomie fondamentale – seulement de manière différentielle, distinctive : tout sacré a son complémentaire profane, toute distinction produit sa vulgarité et la concurrence pour l’existence sociale connue et reconnue, qui arrache à l’insignifiance, est une lutte à mort pour la vie et la mort symbolique. "Citer, disent les Kabyles, c’est ressusciter." Le jugement des autres est le jugement dernier ; et l’exclusion sociale la forme concrète de l’enfer et de la damnation. C’est aussi parce que l’homme est un Dieu pour l’homme que l’homme est un loup pour l’homme. » (PB, pp. 50-52)
Il n’est pas aberrant de considérer que Bourdieu a souffert d’un regard exagérément sociologique. Et l’envolée de nature presque philosophique qui précède – concession probable à ce genre particulier qu’est la leçon inaugurale (8) – peut apparaître comme une obstination à justifier la discipline sociologique. Reste pourtant qu’elle fonde une méthode qui, ajustée à son dessein (9), offre des chances de nous en apprendre sur le fonctionnement du monde social. Quitte à ce qu’il soit admis que la rigueur de la démarche doive quelque chose à ce qu’on pourrait appeler une illusion heuristique !
Et quand Foucault, évoquant l’histoire de la quête de la vérité et y repérant trois césures, affirme : « Trois coupes dans la morphologie de notre volonté de savoir ; trois étapes de notre philistinisme » (MF, p. 65), il ferme par ce mot philistinisme tout espoir de voir un peu plus clair, fût-ce dans son projet de cerner ce qui nous en empêche.

Plus de onze ans se sont passés entre les deux leçons inaugurales. Et il faut bien sûr en tenir compte. D’autant que ce furent onze années de grandes modifications. Mais aujourd’hui, près de trente ans après la dernière, la question se pose de savoir ce qui a poussé les sciences molles vers l’opinion commune et vers la dérive des méthodes. Si dans les causes possibles de ce marasme des sciences sociales il fallait inscrire Foucault et Bourdieu, je penche très fortement pour une responsabilité principalement foucaldienne. Ce qui peut aussi s’interpréter comme sa victoire, mais une victoire que je ne fêterai pas.

(1) Je n’innove en rien, bien sûr. Ainsi par exemple, en 2002, Francisco Vásquez Garcia a publié dans la Revue internationale de philosophie (n° 2), un article intitulé « La tension infinie entre l'histoire et la raison : Foucault et Bourdieu » (article que je n’ai pas lu).
(2) Judith Revel, Foucault, une pensée du discontinu, Mille et une nuits (Arthème Fayard), 2010.
(3) Michel Foucault, L’ordre du discours, Gallimard, 1971.
(4) Pierre Bourdieu, Leçon sur la leçon, Éd. de Minuit, 1982.
(5) Il en usa notamment sur la quatrième de couverture de La distinction (Éd. de Minuit, 1979).
(6) Voir Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, Les héritiers. Les étudiants et la culture, Éd. de Minuit, 1964.
(7) Je me demande parfois si les reproches qu’Alain Finkielkraut adresse si volontiers à Bourdieu, regardé comme le responsable de la déliquescence de l’enseignement, ne seraient pas moins injustes s’ils étaient décochés à Foucault (lequel, il est vrai, ne l’a pas mis personnellement en cause).
(8) Foucault concède aussi au genre en terminant sa leçon par l’aveu de sa dette à l’égard de Dumézil, de Canguilhem et d’Hyppolite, aveu qui – surtout en raison des acrobaties qu’il lui impose – ressemble à un démenti de ce que la leçon pouvait avoir de révolutionnaire.
(9) Foucault parlerait là de dessin !

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Sur l’État - Première note
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Sur l’État - Quatrième note
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Manet. Une révolution symbolique
À propos du désarroi de Pierre Bourdieu.
À propos de Bourdieu et de Finkielkraut
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Le courage de la vérité - Cinquième note
Foucault, une pensée du discontinu de Revel
À propos de la misère en milieu étudiant
Nietzsche contre Foucault de Bouveresse

3 commentaires:

  1. Quand Foucault parle de discipline, c'est aussi dans le sens de règle imposée et pas seulement de matière à étudier. Vous ne semblez pas en tenir compte.

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  2. Vous avez raison, Michel Foucault a beaucoup usé du concept de discipline au sens pénitentiaire du mot. Mais il ne l’a fait qu’à partir de sa collaboration au Groupe d’information des prisons (GIP) dont le manifeste a été signé le 8 février 1971. Lors de sa leçon inaugurale au Collège de France, il ne me semble utiliser le mot que dans son sens académique.
    Merci pour votre commentaire.

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  3. le terme discipline chez Michel Foucault pose le probème du rapport entre : Vérité / sujet , Discours /pouvoirs , objectivation/ assujettissement et enfin pouvoir/résistance . Donc c'est un terme clé dans tout la philospohie de Foucault .

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